384
L'UNIVERS.
fendre l'eau qu'íls ne l'auraient été
si on le et1t composés de pieces d é–
gale longueur. Pour les faire avan–
cer, on les tirait a l'aide de cardes
attacbées
a
!' une ou l'autre extrémité.
«
Outre ces radeaux, dit le traduc-
. teur de Garcilasso de la Véga, ils se
servent, au lieu de barque , d'une
autre invention fort plai ante, car ils
prennent un faisceau de joncs de la
grosseur d'un breuf, qu'i ls attachent
le plus fortement pos ·1ble, et le dis–
posent rl e telle sorte que, depuis le
mili eu jusqu'au bout, il e. t fait en
pointe, comme si c'était la proue
d'u ne barque, afio de mieux couper
l'eau; par ce moyen, il va toujours en
s'élar¡¡;i sant des deux ti ers en arriere,
et le de sus oú il mettent telle charge
qu'ils veulent, en est plat. Pour con–
duire une de ces barques,
il
ne faut
qu'un seul homme, qui se met au bout
de la poupe, el:' se laissant porter au
fil de l'eau, ses bras et se cui ses Iui
servent de rames. 11 est vra.i que si
la rivi ere est impétueu e, il aborde
cent ou deux cen ts pns pJ\.\s bas que le
Jieu d'ou il est pnrti. Quand ils pns–
sent quelqu'un, iJs le font coucber
tout de son long sur le bateau, la
tete appuyfo sur le batelier,_qüi lui
recommande surtout de se temr ferme
aux cordes de la barque, sans lever la
tete, ni ouvrir les yeux pou r regar–
der. Je me souviens, ajoute l'histo–
rieo, d'nvoir autrefois passé de meme
une riviete impétueuse (car ces sortes
de bateaux ne vont ordinairement que
sur une eau dont le courant est fort
grand), ou, a cause du soin extreme
que se donnait le batelier pour m'em–
pecher de Iever la tete et d'ouvrir lrs
yeux, il me prit envíe de faire l'un
et l'autre; car étant fort jeune, Je
fus saisi d'une si grande peur, qu il
me semblait a tout moment que la
terre s'élevait ou que le ciel tombait.
Comme je voulus done voir s'il n'y
avait pas la d'enchantement, ou si
je n'étais point daos un nouvcau
monde, lorsque je jugeai a peu pres
que nous étions au milieu de la ri–
viere, je levai la tete pour regarder
J'eau; et alors
il
me sembla véritable-
ment que nous tombions du haut des
nues, ce qui venait sans doute de ce
que la tilte me tournait
a
cause du
grand courant de la riviere qui em–
portait le bateau avec une impétuosité
prodi gieuse. La peur, qui me aisit
plus qu'auparavant, me fit refermer
les yeux et avouer que le batelier avait
raison de recommander
a
ceux qui
passaient, de s'empecher de les ou–
vrir.,,
Les Péruviens se servaient encore
d'u ne autre espece de radeau formé de
grande calebasses vides flxées !'une
contre l'autre. Un Indien nageant en
avant tirait l'embarcation et le passa–
ger; un autre la pou ait par derriere.
Quand l'impétuosité du courant ne
permettait l'emploi d'aucun de ces
moyens de navigation, on se ser1•ait,
pour pas er les rivieres, d'une espece
de bnc con istant en une corbeille qui
glissai t sur un cabl e tendu de !' une
a
l'autre rive. II paraít que chaque pro–
vi nce envoyait tour
a
tour des hommes
charoés de pas er gratuitement les
voyageurs : singuliere et touchante
sollíoitude qui indique des habitudes
hospitalieres et rappelle la bienveil–
lance des Orientaux pour l'étranger
qui pas e et demande nssistnnce.
Les Indiens se servaient pour pil–
cher, so it dans les rivieres, soit en mer,
des bateaux de joncs dont nous avons
parlé. La mer étant tres-calme daos
certain endroits des cotes du Pérou,
ils
s'avan ~a ient
quelquefois
a
la dis–
tance de cinq ou six Jieues. Le
pe–
cheur dirigeait sa frille embarcation
a
J'aide d'un morceau de bambou divisé
par la moitié et qui servait de pagaie.
Quand l'embarcation était au
fil
de
l'eau ou. au milieu du courant de Ja
cote, elle voguait avec nne rapidité
telle, qu'un cheval au galop n'aurait pu
la suivre. A génoux, a l'ex trémité du
faisceau de joncs , et armé <l'un har–
pon, comme les baleiniers, l'Indien
frappait le poisson, pu is il lilchait Ja
corde a laquelle !'arme meurtriere était
attachée; le poisson, se sentant blessé,
Iuyait rapidement, mais bientOt le pe–
cheur l'attirait
a
lui et s'emparait
fa–
cilement de sa proie.