GUAtE3IALA.
305
sique de cet homme, nous croyons ne
pouvoir mieux faire que de trarluirc
le récit d'une entrevue accordée en
1839
par Carrera
a
M. Stephens, cn–
".ºYé ofliciel du gouvernement des
Etats - Unis. M. Stephens
racontc
ainsi cettc entrevue :
"Qnal'ld j'entrai dans l'appartement,
Carrera fltait assis devant une table et
s'occupaita compter despieces de mon–
naic. Le colonel l\lonterosa, métis de
couleur foncée, était placé aupres rlc lui
et se foisait remarquer par son brillant
uniforme. D'autres personnes se trou–
vaient
nu~si
dans la salle. Carrera a
cinq pieds six pouces anglais de haut,
les cheveux courts et noirs, le tri11t et
l'expression de physionomie d'un
In–
dien, le menton sans barbe, et un air
de jeunesse qui ne lui ferait pas don–
ner plus de vingt et un ans. II portait
une veste ronde de cou leur noire et
un p:rntalon. En m'apercevant, il se
leva , poussa les pieces de monnaie au
bout de la table, et, sans doute par
respect pour mon habit diplomatique,
m'accueillit avec court9isie. II duigna
meme m'offrir un sit'ge
a
ses cotés.
Mes premieres paroles exprin1erent la
surprise que j'éprouvais en le voyant
si jeune;
il
repondit qu' 'I n'avait qnc
vins t-trois ans;
a
coup st1r, il n en
ava1t pas plus' de vingt-cinq. Puis,
comme s' il se croyait un homme ex–
traordinair<', et comme si je le co n–
naissnis déja, il me dit, sans attendre
la moindre quest ion
á
cet égard , qu'il
avait commencé avec treize hommes,
armcis de vieux fusils dont ils étaient
obligés d'enflammet· l'amorce avec des
ciaares; il rn'apprit, avec un orgucil
visible, qu' il portait les cicatrices de
huit blessures, et qn'il avait encore
troi s bail es dans
:e
corps.
On
n'aurait
certes pas reconnu en lui l'ho111me qui,
moin s de deux ans auparavant, élai t
eutré dnns Guatemala
a
la tille d"une
ho1'de de sauvages, et proferant des
111enaces <le mort con tre les étran •
gers. Son opinion su r les hornmes des
autres pays s'üait surtout modifiée;
exe111ple frappant de ce que peut,
contre les préjugés de race ou le an–
tipathies de personnes, la fréq uenta-
20•
Livraison.
(GUATfü\
!A.LA.)
tion des gens qui en sont l'objet. 11
avait vu et apprécié par lui-mllme plu–
sieurs l\trangers; l'un <l'eux , médecin
anglais, avait eu le bonheur d'extraire
une baile de sa poi trine; ses rapports
avec eux lui avaient laissé une im–
pression
i favorable, que ses senti–
ments
il
leur égard étaient compléte–
ment changés.
11
disait qu'ils étaient
les seuls qui
ne
l'eussent jamais
trompé. Entre autres choses encore
plus extraordinaires, au mili eu de sa
vie si a«itée, il avait appris
ii
écrirc
son nom, et mis sa griffe de coté. Je
luí <lis qu'il avait une longuc carriere
deva¡1t lui, et qu'il pouvai t fairebeau–
coup de bien
a
son pays. Au sitot il
mit la main sur son creur, rt s'écria
avec véhérnence qu'il était résolu
a
sa–
crifier ses jours, s'il le fallait, pour sa
patrie. Malgré ses fautes et ses cri–
mes, personne ne l'accuse de dupli–
cité, ui de di re ce qu'il ne pense pas.
J'ajoute que Carrera se croit un bon
et sincere patriote. Coosidérant qu'il
était destiné
a
exercer une influcnce
sans limites sur les affaiTes de l' Amé–
rique centrale, et espérant que la
perspective d'une réputatio n hono–
rable pou rrait rnodifier son caractere,
je lui dis que son nom avnit déjii re–
ten ti 1.lans mon pays,
~t
que j'avais lu
dans les journaux un récit de sa der–
nierc entrée clans Gu atemala, avec
force louanges sur sa modérati on et
les efforts qu'il avait faits pour prél'e–
nir d'inutiles atroeités. Il r1•pondit
qu'il était charmé que son nom ftlt
COnnu
a
l'étranger; que
1
du
l'P
te,
il
n'était ni un l'oleur ni un meu rtrier,
eornme l'af'firmaient ses ennerni . Il
me parut
intelligent et susceptible
d'nmélior:ition morale; je lui consei l–
lai de voyager et de visiter de préfé–
rence mon pays. Je m'apercus qu'il
avait une idée tres-vague de ia situa–
tion géog raphique des États-Unis; il
ne les connaissnit qu e sous le nom gé–
néral de
El-Norte
(le Norcl); il s'in–
forma de la distance et des moven s
de communication, di ant qu'une"
fo
is
la guerre terminée , il
taeherait
u
e
faire une visite
a
El-Norte.
Je remar–
quai, toutefois, que ses deux iclée:.
20