GUATEMALA.
261
on a trouvé vingt-cinq pieds d'eau, et
gue le reste du lit est sain jusqu'au
lac.. Thompson est moins hardi: il n'ad–
met pas qu 'on puisse compter en re–
montant la riviere, sur une profon–
deur d plus de quatre pi eds. Le mar–
quis d Ycineni ,
M.
Ilolton,
l\I.
de
Canaz, agent diplomatique du Guate–
mala, s'accordent tous pour signaler
des difficultés dans la navigation du
Saint-Jean, des hauts-fonds' de sahle
et de rochers, contre lesquels il fau–
drait employer, inutilement peut-étre,
les ressources de l'art; d'ou l'on peut
conclure que le Sain t -Jean ne doit
"Ctre regardé que comme le résefl'oir ali–
mentaire d'un ca11al latéral, et non
comme un fragment naturel de la ligne
navigable. "
Nous interrompons l'exposé du pu–
bliciste américain pour présenter, au
sujet de ce qu'on vient de lire sur le
Saint-Jean, une observation qui n'est
pas saos importance: re Oeuve n'a ja–
mais été exploré scientifiquement dans
toute l'étendue de son cours, et ceux
qui en parlent se prononcent d'apres
des ou·i-dire, ou des co11jectures que
personne ne s'est encare avisé de veri·
li er. Ce qui forait penser qu'.il y a eu
beaucouJJ d'exagération dans tout ce
qu'ón a dit sur l'impossibtlite de relldre
le Saint-Jean navi aable, c'e t le soin
qu'a toujours pris
le
~ouveraemen t
espagnol de faire croj re a cette impos–
sibi lite. 11 est constant que les anciens
maitres du Guatemala avaient iuterdit
la uavigntion du Saint-Jean,
sous
peine de mort,
qu 'ils e11 obstrueren t
l e lit ¡Jans plusieu rs endroits, en
y
coulant de vi eux navires, et qu'ils
fi.
rent cun truir¡;i non loin de sa nais–
sance dans le
icaragua, un fort des–
tiné
a
cloigner
tous ceux qui vio–
leraient
l'ordonnance d'interdicti on.
On sai t aussi q11 e l' Espagne a souvent
donné un e idée tres-désavan tageuse de
ses coloni es américa ines, précisément
pour prévcnir chez les peuples étran–
~ers
tout drsir d'aller y former _des
etablissements. Nous póuvons c1ter
un exernple remarquable de ce systeme
d'é1oigne111ent. Quand lord Cochrane
arriva avec sa flotte
a
l'embouchure
de la riviere de Guayaquil,
i1
recut
a
son bord un pilote qui lui assurá que
la riviere n'était pns navigable pour les
gros bi\timents. En effet , l'amiral
ayant consulté les cartes et les plans
de cette partie de la cote, vit· que le
fl euve était signalé comme hérissé
d'obstacles, et comme absolument im–
praticable. Les .cartographes anglais,
se fiant aux . géographes
espa~nols,
avaient marqué une foule d'écueils,
de hauts-fonds et de rochers. Cochrane,
cependant, demanda quelle était la
profondeur moyenne; on lui répondit
qu'elle était de quatre brasses environ.
Aussitot,
il
ordonna au pilote, sous
peine d'etre immédiatement fusillé, de
le conduire dans le fl euve. Le rualheu–
reux obéit en tremblant, et quelques
instants apres, la flotte jeta l'ancre
sous
les murs de Guayaquil ,
a
la
g1·ande surprise des habitants qui n'a–
vaient jamais vu une frégate si pres de
leur vi lle. On devrait done, ce nous
semble, en présence de pareils faits, et
en l'absence de tous documentsJ>ositifs
sur le Saint-Jean, s'abstenir de dé–
clarerceileuve innav igahle. Tant qu'une
étude complete du lit de ce cours d'eau
n'aura pas mis un terme
a
toute incer–
titude, les déclarations du gouverne–
ment e pagnol devront etre interpré–
tées dan-s un sens favornb le
a
l'opinion
qui soutient la navigabilité.
" Cet obstacle vaincu , ajoute l'écri–
vain de la Revue américaine, il en
reste un second , la communication
du lac ele Nicaragua avec l'océnn Paci–
fique. D'apres toutes les relations,
il
semble que la haute cordi lliére du Gua–
temala s'arrete sur cet isthme pout·
faire place
a
un systéme de petits ma–
melons coniques, entre lesquels on
trouverait sans peine le tracé d'un ca–
nal. La plus grande difficulté consi3-
tera it , d'a prés Tho111pson, dans la
différence des niveaux entre les eaux
du lac et celles de l'Océan : cette dif–
féren ce est de
140
pieds. Quant
a
la
hauteur du sol, elle varie de
60
a
160
pieds au-drssus du niveau du lac.
La nature du terrain est, d'apres M.
Bolton, un roe maniable et qui forme–
rait un excellent lit pour le canal.