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L'UNIVERS.
devant la Vera-Crux, réunie aux bilti–
ments du commandant Bazoche, et
toute prete
a
la guerre. Toutefois,
avant d'attaquer, l'amiral Baudin, con–
formément
á
ses instructions, envoya
le capitaine Leray
a
Mexico, pour ten–
tet·
encore la voie des négociations.
Cette mission délicate, résultat d'une
politique claire, prudente et forme,
ne pouvait étre en me1lleures mains;
mais, pour quiconque conuaissait l'ol'–
gueil du cabinet mexicain , et son es–
poir da ns les bons oflices de
l'
Angle–
terre, il était facile de prédire qu'elle
serait sans succes.
i\I.
Lerav donna
trois jours au ministre des· affaires
étraogeres, Cuevas, pour avoir une
réponse O\t.l\gorique.
A
l'expiration de
ce délai, il n'en obtint qu'une lettre
1iour l'amiral, et des protestations per–
sonnelles d'un vif désir du maintien de
la paix. Nous verrons bientot ce meme
ministre aux conférences de Jalapa, et
Ja
nous aurons sa véritable pensée, et
la mesure de son attachement
a
la
France.
Dans la prévision d'une rupture,
l'amiral jugea convenable de faire re–
counaltre le banc de la Gallega, qui
s'étend au nord de Saint-Jean d'Ulloa,
et dont les cartes donnaient un tracé
qu'on avait lieu de croire lnexact. Un
bon relevé de eette plage clevenait in–
dispensable. C'était de ce coté qu'on
sé proposait d'opérer un débarque–
ment; c'était le seul point ou l'a saut
püt etre tenté; il fallait encore s'assu–
rer de la distancc
a
laquelle les hateaux
a
vapeur trouvernient assez d'eau pour
s'approcher des glacis de la forteresse.
Le prince de Joinvillc fut ehargé de
cette opération difficile, et s'en ac–
quitta avcc un rare courage et le sang–
froid d'un vieux marin. Le canot lit
presque entierement le tour du fort;
puis le prince, suivi de ses officiers,
avanca dans l'eau jusqu'au pied des
glacis. La reconnaissance était termi–
née, lorqu'une sentinelle les apercut
et donna !'alarme; une trentaine 'de
soldats déboucherent par le ehemin
couvert, et les poursuivircnt pendant
quelques instanls, en inquiétant leur
mouvement de retraite; puis ils s'arre·
terent, craignant sans doute une embus–
cade. Une semblable audace pouvait
y faire croire, et le reLour du prince se
iit sans empecliement. L'arrivée du
commandant Leray
a
bo
rd dela Né–
réide
fut une véritable
fe.te.
JI
ne
dissimula pas que
les
probabilités
étaient pour la guerre.
A
cette nou–
velle la joie la plus vive brilla sur
les visages de ces
jeunes officiers
avides de combats 'et de gloire; le
prince de Joinville, surtout, ne pou·
vait dissimuler la sienne;
il
voulait se
venger
a
Vera - Crux d'etre arrivé
trop tard
a
Constantine.
La dépeche du ministre des affaires
étrangeres gardait le silence sur le
fond de la question' f.t se bornait
a
proposer d'ouvrir des conférences pour
terminer i:t l'amiable les différends en–
tre les deux pays. Bien que l'amiral ne
vit ici qu'un moyen de gagner du
temps,
il s'empressa d'accepter ces
ouvertures, et de donner amsi une
preuve nouvelle de la longanimité de
Ja Frunce.
ll
se rendit
a
Jalapa, lieu
indiqué par M. Cuevas. Lil, ces deux
])lénipotentiaires firent un échange de
notes, de contre-notes, de projets, de
cor1tre-projets, et la question ne
fit
pas un pas. La Frunce prenait pour
base
l'ultimatwn
du
21
mars préc<\–
dent, que le Mexique combattaiL p:ir
les arguments qu'if avait déji:t fait va–
loir. S'il consentait il payer six cent
mi lle piastres, cornme indemnité rfes
pertes éprouvées par les Franqais, il
prenait le délai de six mois sans donner
de garanties. II n'accordait ríen relati–
vement
a
la liberté du commerce de
détail; il regardait comme un ciroit, ·
d'imposer des emprunts forcés sur les
étrangers,
tout en déclarant qu'il
n'était pas dans son intention d'user
de ce droit i:t !'avenir. L'amiral corn–
prit bien vite qu'il n'y avait aucun ar–
rangement possible, et que sa place,
il lui, était
a
son bord. 11 qu
itta Jalapa le
21 novembre. Cependant,
po.urmettre
tous les torts du coté de
sonadver–
saire' et probablement aussi pour se
mieux préparer au combat, il
annon~a
que les hostilités ne commenceraient
que_le 27
a
midi. Ce 27 novembre 1838