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L'UNIVERS.
Les maux de Victoria ne cesserent
point avec Ja poursuite. Épuisé par les
fatigues, par les privations de tout
genre , ses habits en Jambeaux , son
corps déchiré par les buissons épineux
des Tropiques , il tui fallLJit cependant
continuer d'habiter dans la profondeur
des forets.
La ,
pendant les étés , ir
pouvait aisément se nourrir des fruits
dont Ja nature est si prodigue dans les
terres chaudes du Mexique; mais l'hi–
Yer, aux prises avec la faim, il se trou–
vait heureux quand
il
rencontrait quel–
ques lambeaux de chair encoreattachés
aux ossements des chevaux morts. II
s'accoutuma par degrés
a
passer qua–
tre et cinq jours sans prendre autre
chose qu'un peu d'eau ; il supportait
·ce long jeune sans beaucoup souffrir;
mais 11 éprouvait d'atroces douleurs
quand i' sr prolongeait p_Ius longtemps.
11 fut deux ans et dem1 sans manger
ele pain , sans voir une seule créature
humaine.
Abandonnons un moment le mal–
heureux proscrit daos ces impénétra–
bles bois qui le cachent si bien
a
ses
persécuteurs, et dollt
il
ne doit sortir
qu'aux jours d'Iturbide, et, revenant
a
l'ordre des temps, dont nous nous
sommes éc¡y:tés, suivons Je je1,me l\lina
dans sa courte et chevaleresque expé-
. dition, la derniete tentative en faveur
de la premiere rév.olution mexicaine.
Xav'ier Mina, neveu du fameux Espoz
· y Mina, faisait ses études
il
l'unil'ersité
de Saragosse, lorsque Napoléon entra
en lutte avec l'Espagne. Apres les
fii–
cheux -événements de l\Ia<lrid du
2
mai , il crut que son devoir J'appelait
a
défendre l'indépendance de sa patrie;
il
se rendit dans le nord de l'Espagne,
et se distingua bientot entre tous les
chefs des guérillils, par son humanité
et sa bravoure chevaleresque. Ses ex–
ploits lui valurent le rang de colonel
et le commande1nent général de la Na–
varre et du haut Aragon. l\.lais In for–
tune l'abandonna dans J'hiver de 1810,
il
tomba aux mams des Francais.
Conduit
a
Vincennes, il y resta 'pri–
sonnier jusqu'a Ja paix générale de
1814. Ses services et sa Jongue capti–
vité devaient appeler sur Jui les
fa·
veurs de Ferdinand. Mais la recon–
naissance n'était pas la vertu domi–
nante du monarque restauré. 11 ne vit
dans les deux l\Jina que des membres
influents du parti libéral; ils turrnt
en pleine disgrace a Ga cour. Pour se
débarrasser de Xavier, on lui offrit
un comman<lement dans l'armée espa–
¡¡nole du l\Jexique, il refusa; et apres
avoir été mortlentanément arreté, il
parvint
a
se sauv_er en Angleterre , oit
iJ s'occupa tres-activement, non d'al–
ler combattre les indépendants, mnis
de leur porter secours. Il panint a
réunir quelques centaines de caissons,
d'armes et d'équipenrents militaires,
et, suivi d'un petit nombre d'officiers
espagnols, italiens et ang lais, il quitta
Liverpool pour se rendre
a
Norfolk
dans la baie de Chésapeake, pu is
a
Ral–
timore, ou il s'occupa des préparatifs
de son expédition. Elle se bornait a
trois petits batiments' et
a
un tres–
petit nombre d'hommes. 11 espérait
en recruter dans le Texas; maís un
ouragan le for"a d'aborder au Port–
au-Priace, ou Je président d'Ila'iti Jui
fournit les moyens de réparer
ses
ava–
ries.
l\I alheureusement, les renforls
que l\Iina e pérait trouver au Texas
n'existaient pas: le commodore Aury,
gouverneur de cette province, et qui
se proposait d'entrer de son coté en
campagne, n'avait que deux cenls
hommes
il
sa disposit10n. Ce triste al–
lié se borna done
a
foire des vreux
pour le jeune aventurier, et celui-ci
s'empressa de se rendre
a
Galveston,
dans l"ile San Luis, ou il recruta une
centaine d'Américains , commandés
par un certain colonel Peny. Mina
crut qu'il serait plus heureux au l\Jexi–
que meme ; il se flattait de voir accou–
rir sous son drapeau
les guérillas
éparses sur la cote;
il
se bata done
d'.Y. aborder, et, le 15 avril 1817, il
debarqua pres de la petite vi lle de Soto
la Marina, dont il prit possession.
Le moment choisi par Mina n'était
pas beureux : il paraissait sur la
scene quand les chefs renommés de
la premiere insurrection avaient dis–
paru; quand Ja cause de la révolu–
tion, comme nous l'avons déja
<lit,