MEXI QUE.
1'75
Victoria; et la' raison, c'est qu'aucun
ne lui avait fait plus df' mal. Ce géné–
ral opérait depuis
1814
dans la' pro–
vince· de Ja Véra-Cruz, contrée mon–
tagneuse, ou, avec deux mille hommes
dévoués, il s'était rendu redoutable
aux vice-ivis, en coupant to utes les
communications de Mexico avec
le
principal port du l\Iexique. A Puente
del Rey, cette passe si forte par la na–
ture clu tenain, et
~ue
les insurgés
avaient rendue plus orte enco1•e par
des travaux et de l'ar illerie, Victoria
avait Jongtemps arrété un convoi de
six mille moles , escorté par cleux
mi lle hommes, sous le commandement
du colonel Aguila. Sa maniere defaire
Ja
guerre convenait rnerveilleusement
a
la
nat~re
du pays et aux habitudes
des Ind1ens: c'etait celle de chouans
de Bretagne ou des guérillas l'Spa–
gnoles. La nécessité de maintenir li–
bre
In
grande voie de communication
avec l'Europe détermina le vice-roi
a
établir une chalne de po tes fortifiés
sur toute cette longue montée qui
conduit de la cote au ptateau. L'exé–
cution de ce plan
fot
précédée et ac–
compagnée d'une suite de combats en–
tre les royalistes et les insurgé . l\liya–
res, qui commandait Je premiers,
parvint entin
n
chass¡¡r Victoria des
hauteurs de Puente del Rry. Le gé–
néral insurgé se maintint eñrore pen–
dant deux années d'une lutte inégale;
mais en
1816
la fortíme l'abandonna
oomplétement. Les vieux solJats des
premiers jours de l'insurrection étaient
tomhés sur les champs de bataille; les
nouvelles recrues n'avaient ni leur en–
thousiasme, ni leur courage, ni leur
habitude de
la guerre. Le zele des
populations pour la cause de l'indé–
pendance se
refroidissait
n
mesure
que les revers se multipliaient; les vil–
Jages refusaient de nourrir les soldats.
Les- soldats déserterent et laisserent
Victoria absolument seul. Dans cette
position désespérée,
IP
grnéra l patriote
resta inébranlable; il refusa le rang et
les récompenses qu'Apodaca lui offrait
en échange de sa soumission, et se
détermina
a
chercher un asile dans
les foréts, plutdt que d'accepter l'in-
dulto
ou le pardon royal, sur la
foi
du–
que! presque tous les autres chefs
avaient mis bas les armes; il s'en–
fon~a,
avec un seul serviteur, dans les
parties les plus infréquentées et les
plus montagneuses du district de la
Véra-Cruz, et disparut aux yeux de
ses compatriotas. Ses aventures dans
la solitude ont toutes les couleurs du
merveilleux: on les croirait créées par
la capricieuse imagination d'un ro–
manc1er, et cepeodant elles appar–
tiennent
a
l'histoire.
Dans les
premier~
rnoments de sa
fuite, les Tndiens se montrerent ·bons
f-t secourables envers lui; ils le ca–
cherent, ils le nourrirent sous leur
toit. Son existence vagahonde eílt été
tol érable, sans la crainte puérile du
vice-rol, q11i crut que la cause de l'Es–
pagne serait compromise tant que Vic–
toria serait sur la terre. Littéralement
parlant, il
lu,i
fit
donner la chasse
comme
a
une bete fauve. Mille hom–
mes, divisés en petits détacbements,
le poursuivirent dans toutes les di–
rections. Les villages ou
il
recevait
un asile de quelques bemes furent bríl·
lés; et, la terreur s'emparant des ln–
diens, toutes Je portes e fermerent
devant le proscrit. Lui se mita errer
<lans le pays comme un sauvage pour–
suivi par les blancs. Une fóis,
il n'é–
chappa aux bailes qu'en traversant
a
la nage une large riviere que les pour–
suivants n'osaient franchir; une autre
fois, blotti sous des broussailles,
il
assiste
it
Ja recherche de sa personne,
et les baionnettes gui fouillaient le
buisson ne sont qu'a deux doigts de
sa poitrine. Six mois entiers cette
chasse ne se ralentit pas. A la fin, les
soldats, harassés et bonteux de l'igno–
ble role qu'on leur faisait jouer contre
un seul homme, murmurerent. Leurs
chef~
résolurent d'en fUJir par un men–
songe. On écrivit, pour complaire au
vice-roi, que Victoria avait été tué; on
dressa proces-verbal de Jlétat de son ca–
davre, ou lesignalement de sa personne
se trouve minutieusement donné.Cette
piece autbentique fut insérée tout au
long dans la gazette officielle de Mexi·
co, et les troupes furent rappelées.