MEXIQUE.
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sauver le reste, et pour ne pas com–
promettre la cause de l'indépendance,
a
sortir de Cuautla. 11 l'abandonna pen–
dant Ja nuit du
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mai. Tel fut le si–
lence gardé daos la retraite, que ses
colonnes passerent sous les batteries
de l'ennemi saos que celui-ci se dou–
tat de le1:1r marche. Elles atteignirent
Iwcar, n:ayant perdu que dix- ept
hommes, au nombre desqµ els se trou–
vait malbeureusement le dommandant
de l'avant-garde, don Leonardo Bravo,
qui tomba aux mains des royalistes,
et que J'arméc regretta comme le pa–
triote le plus énergique de cette épo–
que de dévouement.
Calleja n'osa pénétrer dans Ja ville
que plusieurs heures apres le départ
de J\Jorelos, tant il redoutait une em–
buscade. La,
il
se montra ce qu'il avait
toujours été, Jachement féroce. Les
cruautés qu'il
exer~a
sur les habitants
de Ja ville abandonnée sont d' un sau–
vage. Dix ans plus tard, des officiers,
témoins du siége, en parlaient encore
avec horreur. Calleja s'empressa de
rentrer daos la capitale, ou il croyait
a
un brillant accueil. La récepl¡on qu'on
luí fit prouva qu'on n'était dupe ni de
ses fanfaronnades, ni de ses préten–
dus succes ; il était évident pour tout
le monde qu'il avait fait des pertes
immenses, qu'il n'avait ,obtenu que de
stéríles avantages, qu'il avait rendu la
cause de l'Espagne odieuse par ses
cruautés , et que l'insurrection restait
dans toute sa force, avec des assassí–
nats de plus
a
venger.
Elle sedéveloppa en peu de temps sur
la plus grande echelle; Morelos, dont
la céiébrité et l'ifllluence allai ent crois–
sant, reprit l'offensive sur presqua
tous les points; il battit l'armée de
Fuentes, envoyée
a
sa poursuite; il
s'empara des villes de Chilapa, Te–
huaean, Orizava, Oaxaca, Acapulco,
Ver-a-Crux et Puebla de los Angelos.
Des guérillas, sous les ordres de Gua–
dalupe Victoria, parcouraient le pays
entre la Vera-Crux et Xa lapa, et oc–
cupaient tout<'s les fortes positions de
cette pariie du Mexique. Teran, avec
sa division , inquiétaít l'intendanee
de la Puebla; Osorno portait l'épou-
vante jusqu'au voisinage de Mexico,
tandis que Rayon, et quelques au–
tres chefs , promenaíent le drapeau
de l'indépendance dans les intendances
de Guanajuato, de Valladolid, de Za–
catecas et de Guadalaxara.
On signale cette période de la ré–
volution comme un temps de pillages
et d'assassíaats. Les villes prises et
reprises éproúvaient un double mou–
vement de réaction. Royalistes et pa–
tríotes avaient cbacun leurs jours de
représailles et de
ven~eances.
Le
commcrce était nul , personne n'osait
s'aventurer au milieu des bandes ar–
rnées sans discipline et sans pítíé. Les
mines étaient désertes; les ouvriers
les avaient quittées, ou pour allcr
combattre, ou parce qu'ils n'étaient
pas payés, et les eaux s'élevaient en
toute liberté sur les filons métalli·
ques. Les terres restaient en friche
dans une partie
~u
pays; le blé de–
venait rare et cher; les malarlies,
plus nombreuses , augmentaíent de
malignité daos les terres chaudes, et
faisaient ínvasion sur les plateaux,
ou elles étaient ordinairement incon–
nues. C'était un triste spectacle que
le Mexique en travail de son indépen–
dance.
Alors, tous les pouvoirs civils et
militaíres se conce.ntraient dans la
personne du général en chef. C'était
un lourd fardeau que Morelos se pro–
posait depuis longtemps de déposer
entre les mains d'un congres national.
11 voulait, dans sa candeur constitu–
tirrnnelle, n'etre que le délé¡¡;ué de cette
assemb!ée souveraine. Cette abdica–
tion n'était pas d'un homme d'État.
La dictature de Morelos faisait toute
la force de son parti, et dans les cír–
constances difficiles oil l' anarcbie des
opinions et le défaut d'ensemble pla–
caient les insurgés de
to
utes les provin–
ces ' une réunion de démagogues' ja–
loux de toute autorité, infatués de
théories philosophiques et de vieux
préjugés , devait aggraver le mal nu
Jieu de le détruire. Morelos n'apercut
que l'honneur de constituer un gou–
vernement populaire et régulier. Pour
luí ménager un asile assuré,
i1
s'em·