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S T R

munique

tou~S

les impreffions dés

idée~

qui

l'alt'ec"

tent,

&

les fpeétateurs ont de la peine

a

fe défendre

de la terreur qu'iníf1irent les fcenes des fpeéhes de

ce poete. H y a quelque chofe de

ti

bifarre,

&

en

meme tems de ft grave dans les difcours de fes fan–

tomes , de fes fées , de fes foreiers , & de fes autres

per{onnages dúmériques,

qu'~n

imagine: que s'ií.

r

avoit de tels etres au monde, 11s paderoIent & agt–

roient de la maniere dont illes a repréfentés.

L'ob{curité des oracles de Shakefpeare n'eíl: fon...

vent obfcnrité que pour ceux qni n'ont pas eu l'avan–

tage d'en découvrir

les

beautés. Par exemple , dans

lefonge d'üé, aCle

II.le

roi des fées dit it fon confi–

dent :.

H

Tu te fOllviens dll jour qll'aills fur le haut

" d'un promontoire , j'écoutois les chants d'une

fi–

" rene portée fm le dos d'un dallphin ; elle remplif–

" fOlt les airs d'accens ft doux & ft mélodieuK, que

" la mer en furenr fe calma aux ,harmes de fa voix,

,. &

qlle certairies étoiles fe précipiterent follement ,

,. de lenrs fpheres , pour preter l'oreille aux fons

" harmonieux qu'elle faifoit retentir ".

Le but de l'auteur dans cette allégotie a été de

faire l'éloge

&

la fatyre de Marie , reine d'Eeoffe ,

eli eouvrant néanmoins les deu" viles qu'il avoit.

D'abord la maniere dont il place le lien de la fcene,

montre que c'efi dans le voiftnage de l'ile de la grande

Bretagne ; car il repréfente celui qui parle, attentif

a

la voix de la

f rem

,

dans le meme tems qu'il voyoit

l'attentat de l'amour contre la

yeflale

(la reine Elifa-

beth).

La

frene fur

le

dos du dauphin

défigne dairement

le mariage

d~

la reine Marie avec le

dlluphin de

France.

Le poete la repréfente fous l'image d'unef–

rene

par deux raiCons ;

&

paree qu'elle étoit reine

d'ul1e partie ele l'lle , &

a

caufe de

ú~s

.dangereux

attraits.

Rempliffoit L'air lFaccens

ji

doux

&

ji

mélo–

á,ieux ;

voilit qlli fajt allufion

él

íon eCprit

&

a

fes

connoiffances , qui

l~

rendirent la [emme la plus ac-

complie ele fon tems.

.

Les hifroriens franc;ois rapportent que pendant

Gu'elle étoit

a

la cour de France & dallphine encore,

elle prononc;a une harangue latine dans la grande–

falle du Louvre avec tallt de grace

&

d'éloquence ,

quetollte l'affemblée en fut ravie d'admiration.

Que la mu en

JUrel"

fe calma aux charmes de fa

lIoix

;

parla l'auteur entend l'Ecoffe , qui fut long–

tems contre elle. Ce trait efr d'autant plus jufre , que

l'opinion commune efr que les firenes chantent dll–

ram la tempete.

Ccrtaines étoiles fe p'¿cipiterent follement de leurs

fp heres, pourpreter l'oreille aux fons harmonieux qu'eLLe

faifo!t mentir.

C'efr ce qui fait allufion en général

aux ruvers mariages qu'on luí propofa ; mais cela

regarde plus partículierement la fameuíe négocia–

tion. du duc ae Norfolk avec elle; négociation qui

lui ayant été fi farale , auffi-bien qu'au comte de Nor–

thumberIand

&

a

plufieuIs autres illufrres familles ,

on pouvoit dire avec aífez d'exaétitude, que

certai–

nes éloiles fe précipiterent follement de

lell,{S

fplzeres.

Shakefpeare poffede

él

un degré éminent l'art de

remuer les paíúons, fans qu'on appen;oive qteil tra–

vaille

a

les faire naltre, mais le creur fe ferre

&

les

larmes coulent au moment qu'ille faut.

11

a encore

l'art d'exeiter les paffions oppofées ,

&

de faire rire

quand il le veut ; il C0\1\101t les reíforts de notre ten–

orelre

&

ceux de nos foibles le plus frivoles , les ref–

forts de nos fentimens les plus

vifs~

comme ceux de

no fenfations les plus vaines.

.

Il

e1l:

ridicule de lui reprocher fon manque de lit–

t~rature

, puifqu'il efr certain qu'il montre dans fes

pleees beaucoup de connoiífances ,

&

qu'il n0115 im–

p

rt:

!OTt peu de favoir dans quelle langue il les a

a

qUl{ .

n voit qu'il avoit une bonne teinture de

1Hifloire ancienne

&

moderne ) d la Mythologie ,

STR

&:

de te qUl coníEtue

l\~ruditioh

pothique. Non–

feulement l'eCprit , mais les mreurs des Romains fe

trollvent peintes dans

Coriolan

&

dans

Jules-C-éfar

{uivant les divers tems Oll ils ont vécu. Ses

defcrip~

~ions

lont

~xaét~s,

.&fes

métap~ores

en général am.z

Juíl:es.

l!

eonnolífolt les

dramatJ.qu.es

arecs

&.

latins

&

l'on fait qu'il a emprul'lté de Plaute Pintrigue

d'\ln~

de {es pieces. I1 ne fe montre pas quelquefois moins

habile dans la critique qu'il fait des défauts de fryle

on de compofition' des autres anteurs. En voil>i deux

exemoles.

Da~s

la

pie~e

Intitulée ,

TOllt

ce qui

fin;t

bien,

t.ft

bien.,

aae V. fcene

n.

Parolles

repréfente fes mal""

heurs au

payfan

par une métaphore fale& groffiere;

voyant que le

p ayJan

fe bouchoit le nez,

ParolLes

dit :

II

n.'eft pas nécej/aire

que

YOUS

'Vous bouchie{ le

nl{

:

je

parle par métaphore. Le

payfan

répond:

Si

yotrt

m:raphore fen e mallYllis

..• '••

je me beucherai le ne{

pour les métapltores de qui que ce foit.

D ans Timon,

aCle

V.

fcene

IJf.

le

poete flattant

Timon.

par fes inveaives contre

l~1ngratitude

de fes

amis " dit d'un ton ronflant ,:

le

Juis tranJPorté de fu"

reur

,

c.r

je n.e puis couyrir Celte monftrueufe ingratitudrt

d'aucune fayon.

Timon répond :

LaiJ!e{ la nzte , on

ne

la 'Yerra

que

mieux.

La plaiCanterie de cette répon(e

eíl: excellente : elle renferme non-feulement un fOll–

verain mépris du flatteur en particuhe:.r., 'mais

c..~ite

utile lec;on en général , que les choCes fe'

voiéhdle

la

maniere la plus claire , quand on les, exprime

~~1p\e.

mento

.

.:::'

En admirant Shakefpeare , nous !'le

devo~s

pas

fermer les yeux fut fes défauts ; s'il étonl'le par la

beauté de fon génie, il révolte quelquefois par. fOQ

comique trivial,fes

pointe~'&

fes mauvaifes plaifan..

teries ; une fcene ridicule fe trouve

a

la fuite d'une

fcene admirable :

c;ep~'n,dant

M. P.pp.e 9roit

9

u'on

peut en quelque maniere excufer de pareils defautS

~ans

ce.

po~te,

&

en

don~er

des raifons,

fan~ quo~

11

eíl: dlfl1clle de conceVOlr qu'un ft grand genie

y

foit tombé de gaieté de creur. II écrivit Cl'abord pour

le peuple fans fecours , fans avis,

&

fans aucune vue

de réputation ; mais apres que fes ouvraaes eurent –

mérité les applaudiffemens de la cour

&

de la viHe ,

il perfeaipnna fes produétions,

&

refpeaa davan..

tage fon audiioire.

/ Il faut encore obferver que dans la plltpart des

éditions de cet

~~lteur

il s'y

e~

91iffé des erreurs fans

nombre, dont 1Ignorance a ete la fource. On a mis

tres-injuíl:ement filr le compte du

poe~e

quantité de

fautes , qui ne viennent que des additions arbitrai...

res, des retranchemens , des tranfpofttions de vers

&

meme des fcenes, de la maniere dont les perfon:

nages ont été confondus & les difcours de l'un at-.

triblllés

el

l'autre ; en un mot, de l'altération d'un

nombre inflni de paffages, par la bétife

&

les mau–

vaifes correétions qu'onlfaites les premiers.éditeurs

de ce poete.

Pope conclud que malgré tous les défauts que la

plus févere critique peut trouver dans Shakefpeare

~

&

mal~ré

toute l'irrégularilité de fes pieces, on

doit

confiderer fes ollvrages comparés avec d'autres plus

polis

&

plus réguliers , comme un ancien Mtiment

majefiueux d'architeéture gothique, comparé avcc

un édiflce moderne d'une architeaure réguliere. Ce

dernier eíl: plus élégant

&

plus brillant, mais le

pre~

mier a quelque chofe de plus fort

&

de plus grand.

Il faut avouer qu'il y a dans l'un aífez de matériaux:

pour fournir

a

plufieurs de !'aU(Ie efpece.

H.y

regne

plus de variété ,

&

les appartemens font bIen plus

vafres, quoiqu'on y arrive fouvent par des palfages

obfcurs, bifarremeAt

ménagé~

&

defagréables. Tout

ce qu'il y a de défeélueux n'empe.che pas que tour

le corps n'infpire du refpea, qUOlque plufieurs des

--