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MAN

netteté , par la vrniíE:mblance

&

par la conformité qu' on

l ui trouve aux lois

&

aux idées de l'ordre;

&

ceux qui

l'ont embro!fé,

a

cauCe de cctte perfeélion, n'ont pas

comume de fe rebuter, (ous

pr~te~te

qu'ils ne peuveM

rendre raifon de wutes les expéríenees.

11<

imputent ce

dUaut aux bornes de leur cfprit . On obje&oit

a

Copcr–

nic , quand il propofa Con.fyaeme, que Mars

&

V

énus

devroicnt en un tems parome beaucoup plus grands par–

ce qu'ils

s'approchoi~nt

de

la

terre de plutieurs diame–

trcs. L3 cooféquence étoit néce(faire,

&

cependar¡t on

ne voyoit ríen de cela. Ouoiqu'il ne Cüt que répondre,

il ne crut pa1 pour cela devoir l'abandonner .

11

di R>it

feu lement que le

t~ms

le feroit aonooitre. L'on ptenoit

cette raifon pour une défaite;

&

l'on avoit, ce fem ble ,

raifon : mais les luneues ayant été tr.ouvées depuis , on

2

vu que cela

m~me

qu'on lui oppofoit, comme une

grande objeélion, étoit la con6rm:ition de fon fyneme,

&

le renverfement de celui de Ptolomée.

Voici quelques-unes des raifons qu'o11 pcut propofer

comre le

Mani<béifmr .

Je les tirerai de M . Bayle lui–

meme ' qu'on f•it avoir employé route la force de f<•n

c:fprit pour donner

a

cette malhaureufe hypoth iífe une

couleur de vraitlemblance.

l.

o. Cene opinion

ea

tOUt-arfait injurieufe au dieu qu' ils

appellcnt bon 1 elle lui óte pour le moins la moitié de

fa puilfance,

&

elle le fuit timidc, injune , inlprudent

&

ignorant. L• craime qu'il eut d'une irruption de fon en–

ncmi, difoient-ils,

l'oblip,eo~

a

lui abandnnncr une par–

ríe des ames, atin de .liiUver le rene . Les ames étoient

des pon ions

&

des membres de fa fubnanee,

&

n'a voient

commis aucun

péch~.

11

y

eut done de fo pm de !' in.

j u!lice

3

les traiter de la [orte, vu principalemcnt qu'ci–

Jes devoie11t étre tourmcmées,

&

qu'en cas qu'elles cnn–

traéb!fent quelques fouillures , elles devoient demeurer

éternellemcnt au pouvoir dn mol . Ainfi le bon príncipe

n'avoit fu

m~nager

fes Íntérets, il s'étoit expofé

a

llliC

éterncllc

&

irrép3rable motilation. Joint

:1

cela que

fa

crainte avoit été mal

fondé~

1 car, puifqne de toute étcr–

nité , les états du mal étoient

fép~rés

des états du bien ,

il

n' y nvoit nul fujet de craindrc que le mal

fit

une ir·

ruption fnr les terres de fon ennemi. D 'ailleu rs ils doll–

ncnt moins de prévoy.ance

&

moins de pni!fance au bon

principe qu'au mauvais. Le bon príncipe n'avoit poinr

prévu l'infortune des détachemens qu'il expofoit aux af–

tams de l'enncmi, mais le m1uvais priocipe avoit fort

bien fu quels fcro!ent les détachemens que l'on enverro't

contrc lui,

&

il avoit préparé les machines néceffitires

pour les eolever . Le bon príncipe fut a!fez limpie pour

aimer mieu¡ fe mutiler, que de rcccvoir lur fes tcrres

les détachemens de l'enn.emi, qui par ce moyen eíit per–

du une partie de fes membres . Le mauvais príncipe avoit

toujours été fupé rieur, il n'avoit rieu perdu,

&

il avoit

fait des

conqu~tes

qu'il avoit gardées; mais le bon prín–

cipe a\•Oit cédé volontairement beaucoup de chafes par

rimidité , par inju(\ic!

&

par imprudence. Ainfi, en re–

fufant de counoirrc q11e D ieu foit l'suteur du mal, on le

fait

m~

uvais en toutes manieres.

z

0 .

L e dogme des

M~nichéens

ea

l'éponge de. ton–

res le& religions, puifqn'Cfl raifonnam conféquemmeot,

ils ne peuvent rieu attcndre de leurs prieres, ni ríen crain–

dre de leur impiété . lis doivent c!tre perf,tadés que quoi

qu'ils fl!feut, le dicu bon leur fera toujours propice,

&

que le dieu mauvais leur fera toujours comraire. Ce font

deux d!eux, doot !'un ne peut faire que dn bien,

&

!'au–

n e ne peut faíre que do mal; ils font déterminés

~

cela

par ·leur namrel ,

&

ils fui veot , fdon toute l'étwdue de

lcurs fo rces, cette détermination .

3<~.

Si uous confultous les idées de l'ordre, nous ''er–

rous fort clairemem que l'unité, le pouvoir infi ni

&

le

bonhcur appartienncm

a

l'ameur du monde. La nécef–

lité de la natore a porté qu'il

y

eut des caufes de tous

les effm.

JI

a done fall u néce!f&irement qu'il

e¡in~t

une

force fuffiCante

a

!a produélion du monde. Or, il ea bícn

plus felon l'ordre, que cctte pui!flnce foit réunie daos

un fcul fujet' que

(j

elle étoit partagée

a

deux ou trois,

ou

a

cent mille. Concluons done qu'elle n'a pas été

partagée,

&

qu'elle rélide toute entiere dans une fcule

nature,

~

qu'ainf1 il n'y a pas denx premiers príncipes,

mais Ull feul . 11

y

auroit a1mnt de raifon d'cn admcttre

'

11ne intinité, C<1mme onr fait qucl ques·uns, que de n'en

admettre que deur. S'il ea centre l'ordre que la puif–

fance de la tmure foit partagée

a

denx fujets' cambien

feroit-il plus é trange que ces deux fujets fu!fent cnne–

mis. 11 ne pourroir n•?tre de-13 que toute forre de con–

folia n . Ce que !'un voudroit faire, l'amre voudroit le

défaire,

&

ainfi ríen ne fe feroit; ou s'il fe faifoir quel–

quc; chofe, ce feroit un ouvrage de bifarrerie,

&

bien

él01gné de la Junelfe de cet univcts. Si le

Maniébt!ifme

Tome X .

MAN

eut admis .dea·x príncipes qni agi!fellt de coucerr, il e.lt

.été expofé

a

d" moindres inconvéuiens · il

~uroit

nón–

m~!ns

choqué ".idée de !'o.rdre par rappor;

a

la maxime,

.qo ti ne faut pomt multtpher les

~tres

fans néceffité: car,

s'il

y

a deux premíers príncipes,

il•

otH chacun toute la

force nécelfatre pou r la produ&ion de 1' univers

ou

ils

oc l'ont pas; s'ils l'ont, J'un

d'tux

ell

fuperfln; ~s'ils

ne

l'ont pas, cette force a été panaaée inutilement

&

il

eur bien mieux ••alu la réunir en

~n

fe111 fujet

el~e

eut

éré

pl~s

a&ive. Ou.tre

~u'il

n'e(l pas aifé de

~ompren­

dre

<jll

une caufe qut extlle par elle-méme n'ait qu'une

portian de force . .Qu'en-ce qui l'au roit' bornée

a

tant

ou

a

tant de degrés? E lle ne dépeod de ríen, elle tire

tont de fon fond. Mais fans trap mlilter fur cene raifon

qui pa!Te pour folide dans les écoles, je demande

fi

1~

pouvoir de faire tou t ce que l'on veut, n'e(\ pas effen–

ticllement renfermé dans 1' idée de Dieu ? L a raifon

m 'apprend, que 1' idée de D ien ne renferme aucun at–

tribut avcc plus de necteté

&

d'é•idence, que le pou–

voir de faire

Cf!

que l'on vem.

C'ea

en quoi coofi!le

l,a b¿atitude , Or, daus l'opinion des

Manich~ens,

D ieu

n'¡¡urott pas la pui!fance de fai re ce qu'il defire le plus

fonc.ment; done il ne feroit pas heureule. L a nature do

ilon princípe, difent·ils, e!l tclle qu'il ne peur produire

que du bien'

&

qu'il s'oppofe de toutes fes fnrces

a

l'in–

trodu&iou du mal .

11

vettt done,

&

il fouhaite avec la

plus grande ardeur· qu'il n'y ait point de mal; il a fait

tout ce qu'il a gu pour empccher ee défordre. S"tl a

done manqué de la pui!fanec néceaaire

a

l'cmpocher,

fes vo:ontés les plus ardentes ont été fru!lrées,

&

p~r

conféquent fou bonheur a été troub!é

&

inquietté; il

n'a done point la pui!fance qu

1

il doit avoir felon la con–

fl itution de fon etre. Or, que peut-on dirc de plus ab–

furde qne cela? N'e!l-¡:e pas un dogme qui iq!plique con–

tradiélion ? Les dcux príncipes des Maniche"ens feroient

les plus malheureu¡ de tous les

~tres.

Le bon prínci–

pe ne pou1roit jetter les yeux fur le monde, que fes re–

gards ne fulfent ble!fés par une infiuité de crímes

&

de

défordres, de peines

&

de douleurs qui couvrem

1~

tace

de la terre . Le mauvais príncipe ne feroit .pas moins aifli¡;é

par le fpcélaclc des vertns

&

des biens. Daos leur doulcm,

ils devroicnt fe rrouver malheurcuK d'ctre immortels .

4°. En fin, je

d~mande

aux Manichéens, !'ame qui

fait n11e boune a&ion, a-L-elle été créée par le bon prin–

cipe, ou par le mauvais ? Si elle a été cróée par le mau–

vais príncipe, il s'enfuit que le bien peut naltre de

la

Cource de tout mal . Si e'ea par le bon príncipe, le mol,

par la me!me raifon, ptut na?tre de

la fource de mur

bien; car cene méme ame en d'autrcs rencontres com–

met des crimes. Vous voila done réduits

a

renverfer

vos propres raifonnemens ,

&

:l.

foutemr, contre le fen–

timent intérieur, que jamais !'ame qui fait une bonne

aélion, o'en la meme que ce!le qui péche. Pour fe ti–

rer de cette difficulté,

ils

~uroicnt

befoin de [uppofer

trois premiers príncipes ; un e!fentiellement bon,

&

la

caufe de tout bien; un e!fcntie!lement mauvais,

&

la

caufe de "tOllt mal; un e!feoticllement fufceptihle do bien

&

do mal ,

&

purement paffif. Apres quoi ti faudroit

dire

qu~

!'ame de l'homme en formée de ce troilieme

príncipe,

&

qu'elle fait tamót une bonne a&ion,

&

mn–

tó t une mauvaife, felon qn'elle

re~oit

l'inlluence ou du

bon príncipe, ou du mauvais. Ríen n'ell done plus ab–

furde ni plus rídicule, que les deux príncipes des M a–

nichécns.

Je néglige ici plufieurs autres raifons, par lefquelles

ie pourrois attaquer les endroits foibles de ce fyfleme

extravagant. Je ne veux point me prévaloir des abfurdi–

tés palpables que les M auichécns débitoient, quand ils

defecndoiem dans le détail des erplications de lour do?,me.

Elles font

li pitoyabks, que e'en les réfuter fuffi fam–

ment, qne d'cn fai re un fimple rapporr. Par les fragmens

de Icor fyfleme, qu'on rcncontre

&

la dans les pe–

res, ti paro'lt que ceuc fcélc n'étoit point heurel\Íe en

hypothcles. Lenr premicrc íuppoli tion étoit faulfe , cam–

me nous vcnons de le prouver; mais elle cmpiroit entre.

leurs mains, par le pcn d'adrdfe

&

d'efprit philofophique

qn'ils employoient a l'er pliquer. li s n'ont

p~s

a!fez con·

nu, feion M. Baylc, kurs avamagcs, ni fu

fairc

jou~r

lcur príncipale machine, qui

~toit

la diffi culté fur l"on–

ginc du mal.

11

s'imar,ine qu'un habite homme de leu r

paní, un D efcartes, par cxemple,

aL~roit.

b"cn

cmb:1rr~ífé

les

onhodo~es ,

&

il femble que

IUt-~cme ,

faute

~

011

autre

ait •·oul u

[e

chnrgcr d'un foin

11

pect nécetT.1tre,

au jugcmem de bien de• gens. Toutes les hypothcf«,

dit-il, que les Chrétiens ont établies, parent mal les coup•

qo'on lcur porte; elles triomph"nt t'Jute< quand elles

~gi!fent

ofl"enfivement: mais elles perdent tout lcur avan–

Lagc, quand il faut qu'e!les fouticnnent l'altaque. 11 avoue

e

:z.

que

/