)
MAN
,
n'~tre
pas . L'incarnation de
J.
C. rend l'ouvrage di–
,, gnc de íou nmcur;
m~is
comme D ieu cll elfentielk–
" rncm heureux
&
parfait , comme il n'y
a
que luí qui
" foit bien a fon égard , ou la cauíe de fa perfeétion
&
, de íon bonheur, il n'aime invinciblemem que ía pro–
" pre fubllance;
&
tout ce qui
ea
hors de D ieu, do:r
" etre produit par uue aélion éternclle,
&
immuable
il
, la vérité; mais qui ne tire fa néceftité que de la fup–
" pofition d<s décrets divins , .
ll
y en a qui vont plus loin que le
P.
Mallebranch~,
&
qui donnent plus d'étendue
a
la liberté de D ieu.
11<
veulent non-íeulcment que D ieu ait pa ne point pro–
duire
k
monde ; mais enca re qu'il ait choifi librement ,
entre les degrés de bien
&
de perfeélion poffibles, le
degré qu'il Jui a ph1; qu'il ait jugé
a
propos d'arreter
lit
l'exercice de íon pouvoir infini, en tirant du néant
te\ nombre précis de créattue¡ douées d'un tel degré de
perfeélion,
&
capables d'une telle mefure
ele
bonhcur.
Quelque íyfli:me qu'on adopte, foit que l'on. dife que
la fagelfe de D ieu lui a fait une loi de créer le mond•
le plus parfait,
&
qu'elle a fculement enchalné ' fa
li–
berté, fuppofé qu'il fe
détermin~t
une íois
a
créer, íoit
que l'on foutienne que fa fouveraine liberté a mis aux
chafes créécs les bornes qu'il a vouln, on peut réf6ud re
les difficultés que l'on fait fur !'origine du mal. D ites–
' 'OUS
que D ieu a été parfaitement libre dans les lim ites
qu'il
a
donné<S aux perfetlions de fes créatures? D one
il
a pu leur donner une liberté flexible pour le bien
&
pom
le mal. D e-la
J'ori~il)e
du mal ¡poral, du mal phytiqne,
&
du mal mé_taphy tique .. L e mal mótnphyfiqne prend ra
fa
[o
urce daos la limit;ttion oriy,inale des créatures; le mal
moral, daos )'abus de la liberté;
&
le mal phyliqne, daos
les pdncs
&
les douleurs qui feront ou un etfct de la
punition du péché, ou une fuite de la conflitutibn na–
turelle des corps .
Y
ous en tene7.-vans au meil leur de
tous les mondes poffibles? A lors vous conceve1. que
tous les
ll1;11JX
qui paroilfen t défigurer l' uoivcrs , étant
lié> avec le plan du meilleu r monde, D ieu ne doit point
en avoir choifi un moins parfair,
il
caufe des inconvé–
niens qu'eu rcffentiroieot cerraines
créatur~s.
Ces
incoo ~
véniens font les ingrédiens dn monde le plus parfait.
1 1~
fon r une fuite nécdfaire des regies de conven,ance, de
proport ion, de JiaiCon, qu'one fagetfe infinic ne manque
jamais de
ft~ivre ,
poúr
~rriver
au but que la
bont~
fe
propofe, ..favoir
le
plus grand bien total de cet atfem–
blage de créatures qu'elle a produites . Vouloir gue tout
mal fU.t
e~cln
de la natnrc, c'cll prétendre que la bonré
de Dieu devoit exclure tollte réguhlrité, tout ordre,
toute proportiCJIJ
d:.tllS
fon ouvr:tgc,
0\.1,
Ce qui revieliC
~u
méme , que D1eu ne fauroit €ere infinimenr bon, fans
1e
dépouiller de fa fageffc . Suppofer un monde com–
pofé des memes étres que nous voyons,
&
dont tou–
tes les parties foroient liécs d' une maniere avamageufc
a
u tout, fans aucuo mélange du mal, c'efl fuppofer une
,chimere.
M. B•yle fe trompe atfurément , quand il prétend que
cette bonté, qni fait le caraélere de la divinité, doit
agir
a
l'infi ni pour pr,évenir tout mal
&
produire tout
bien. Un étre qui etl bon,
&
qui n'e(l que cela , un
,erre qui n'agit que par ce (eul attribut, c'e(l un e rre
contradiéloire , bien loin que ce foit l'étre parfait. L'etre
parfait comprend toutes les perfeélioos daos fon e!Tence ;
il efl inñni par
l'atf~mbla~e
de toures enfcmble, com–
me il l'efl par le degré oii il polfede chacune d'elles.
S'il efl infiniment bon , il ell auffi infiniment fage, infi–
liimeot libce .
Les maux métaphyfiques font injurieux
a
la fagetfe
&
3
la puilfance de D ieu: les maux
phyfiq~es
ble!fem
fa bonté: les maux moraux ternitfent l"éclat de fa Caín–
teté . C'e(l la, 'en partie, oii fe rédui(ent tous les rai–
fonncmens de M. Bayle; alfurément il entre les chafes.
On accorde que quelqne v1ces ont été liés avec le
meil–
leur plan de l'univers; mais on ne lui occorde pas qu'
ils foient contraires
a
fes áivins attributs. Cette obje–
élion auroit lieu s'il n'y avoir point de vertu,
fi
le vice
tenoit; fa place partout.
11
dira, faus doute, qu'il fuffit
que le vice regne ,
&
que la vertu efl: peu de chofe en
comparaiíon. Mais je n'ai garde de luí accorder cela;
&
je erais qn'etfeélivement,
a
le bien prendre, il
y
a
in–
comparablement plus de bien moral, que de mal moral
daos les créamres raifonnables, dont nous ne connoif–
fons qu'uu tres-petit nombre . Ce mal n'efl: pas meme
r;
grand daos les hommes qu'on le débite.
ll
n'y
a que
les gen> d'un naturel malin, ·ou des gens devenus un
peu fombres
&
mifantrJpes par les malbeurs, comme le
T iman rle Lucieo, qui tronvent de la méchanceté par–
tout, qui empoiíonnent les meillenres aélions par les in–
~~rprétatioq¡
ljnif)res qu'ils Jeur
d~nnent ,
&
dont la bile
MAN
amere réomd [ur la vertu la pi m purc les couleurs odicu–
fes du vice.
11
y
a de! perfonncs qui s'appliquem
il
nom
faire appercevoir des crimes, oii nous
A
e découvrons
que des vert us ;
&
cela , pour montrer la pénétrotion
de Jeur cfprit. O n a critiqué cela dans T acite, dans
l\1 .
de
b
Rochefoucauld,
&
daos le livre de l'abbé
Efprit , touchant la
f~nlfcté
des venus humaines. Mais
fuppoínns que le vice furpatfe la vertu dans le genrc:
hum~in,
com•ne l'on íuppo(e que le n.,mbre des reprou–
vés [urpaffe cclui des tlus;
il
ne s'cnfuit nullement que
le vice
&
la mifere furpatfent la vertM
&
In
félicité dans
J'univers.
11
faut pl11tót juger tout le comraire,
p~rce
que la cité de D ieu doit etrc le plus parfait de wus' le>
états po!Iibles, puifqu'il a été formé,
&
qu'il efl tou –
jours gouvt'rn.é par le plus grand
&
le meilleur de tou>
les monarques . L'nn)vers n'efl pas contenu daos la
r~uJ.e
planete de
la
terre. Que dis-je? cette terre que nous ha–
bitons, comparée avec l'univers, fe perd
&
s'évanouit
preíque daos le néant. Quaod méme la rév élation ne
m'opprendroit pas déja qu'1l y a des mtelligences créécs,
auili différcntes enrre elles, par leur nature , qu'ellcs le
fo nt de moi, ma raiiOn nc 1ne conduiroit-elle pas 3 croirc
que la
ré~ion
des fu bflanoes penfantes c(l, peut-étre ,
auffi variée dans fes efpeces , que la matiere l'e(l daos
fes parties ? Quoi cette m uiere, vile
&
morte
p~r
elle–
mi'
m~,
rer;oit un miIlion de heaurés diverfes, qui font
prefqne méconnoítre fon uniré parmi tant de différen–
ces;
&
jc voudrois penfer que dans l'ordre des cíprits
il n'y a
p~s
de ditférmces pareilles ? Je voudrois
croir~
que tous ces efprits [ont enchainés dans la
m~me
fphére
de perfeélion. Or, di:> queje pnis
&
que je dais fup–
pofer des efprits d'un antre erdre que n'eil le míen, me
voilii conduit
a
des nou vclle< conféquences, me voili
forcé de
re~onnoltre
qu'il pem
y
avoir, qu'il y a m€–
me beaucoup
pi~
de bien moral que de mal moral dan>
l'univers .
Eh
bien , me dire1.-vous, quand je vous ac–
corderois tout cela, il feroit toujours vrai de dire, que
l'a,nour de Dieu pour la vertu n'efl pas fans bornes,
pnifqu'il tolere le vice que fa
puiff~nce
pourroit íuppri–
mer ou prévenir . Mais cene objetlion n'e(l établie que
íur une équivoque trompeuíe. Effeélivement, il n'efl:
pas véritable que la haine de D ien pour le vice,
&
!(m
amour pour la vertu foienr in6nis dans leur exercice.
Quoique chacune de fes perfeélions foit en Jui fans bor–
nes, elle n'e(l pourtant exercée qu'avec reflriEbon,
&
proponiotlelkmen t
a
Con
obiet extérieur. La vcrtn efl:
le plus noble état de J'étre créé: qui en dome? mais
la
vertu n'efl pas un objet infini; elle n'el1 que 1' erre
fini,
pen r.~nt
&
voulaDt dans l'ordre avec des
dc~ré>
6-
nis. Au·delfus de la vertu font d'autres perfeélions plns·
grandes Jans le tout de l'univers, qni s'attirent la c.lln–
plaiC:1nce de
Die.tl. Cet amour du meilk ur dans le tour,
remporte en D ieu fur les autres amours particuliers .
D e-la le vice permis;
il
faut qu'il f,>it, paree qu'il fe
trouve nécctfaircmen: lié atl meil leur plan , qui n'anroit
pos été le meilleur de tous les poffible;,
(i
la vertu in–
telligente eut été invariablement vertoeufe. Au refle ,
~
l'amour de la vertu,
&
la haine du vice, qui tendenq¡·
ii
procu rer l'exiftence de la vertu,
&
a
empecher ce
JI~
du vice, ne font que des volontés amécédente> de D ieu
prifes enfemble, dont le réfultat fait
la
volonté confé ·
qnente,
ot¡
le decret de créer le mdlleur;
&
c'elt de
ce decret que l'amour de la verlll
&
de la
félj~ité
des
créatures raifonnables, qui efl indéfini de [oi,
~
va nuffi
loin qu'il
Ce
peut, ret;oit quelque< petites li<l)itations,
a
cauíe de l'égard qu'il faut avo r au bien etJ g\!né ra!.
C'efl: ainfi qu'il fau t entendre que D ieu aime fcJUverai–
ncmeht la vertu,
&
hait fouverainement le vice;
&
que
néaumoins qnelque vice doit étre perm is.
Apres avoir difculpé
1~
providence de Dieu fur les
maux moraux, qui font les péchés, il faur maimenant
la ju(lifier fur les maux métaphyfiques,
&
íur les matti
phyfiques. Commens;ons par
le~ m~ux
métaphyfiques, qui
confi fle11t daos les imperfeélions des créatures. Les an–
ciens attribuoient la canfe i:lu mal
3
la mlticre qu'il•
croyoie!H iocréée
&
indépendame de D ieu .
JI
n'y avoir
tallt de maux, que paree que D ieu, en travaillant fu r
h
matiere, avoit trouv é un fu
jet
rébell.e, indocile,
&
inca–
pable de fe plkr
a
fe< volontés bienfaiíantes: mai> nons
qui dérivons tou t de D ieu, oii trouverons nous la fource
du mal? La réponfe efl , qu'elle doit étrc cherchée
daos la nature idéale de la créature, entant que cette
créamre efl: renfermée daos les vérités éternel les , qni
fom dans l'emendement divin . Car il faut confidérer
qu'il y a une imperfeélion ori)\inale dans les créatures
avant le péché , paree que le¡ créamres font limitées ef–
fentiellemem. Piaron a dit , dans fon Timée , que le
monde avoit fon origine de l'entende¡nent joint
a
la,
oécef-