MAN
(emens la confervarion tantOt d'une
parri~
de
moi·m~me · rantOt d'unc a1nre; mais fi je n'approchc du fe u
qu•i une dHhncc con venable,
JC
fens alqrs une cl¡aleur
douce
&
c'e!l
oiofi qu'auffi·tOr qQe les imprel!ions des
o b¡ers ' o u les mouvemens du corps, de l'efprit o u du
c reur 'ront' tant-[,>it -peu' d: nature a fílv o rl[cr la
dur~e
de norre erre o u fa perft:étion, n•Jtre aureur y a
lib~ra·
lement auaché du plaifir. J'appelle
:l
rémoin de
~we
profufion de fentim ens agréables , dqnt D •cu nous pré–
vicnt, la peinture,
l•
Ccu lpwre, l'architcélure, tO\JS les
objets de
13
vue , la mufique,
la
dan!~,
la poéli<, l'élo–
quence, l'hifioire, toutes les fcico ces ,
tnm~s
lt-s occu –
patio n<, l'amirlé, la rendreiTe, en fin rous
l~s
mouve–
rnens du co rps , de l'c[prir
&
du ca:ur .
M . Bayle
&
q u<lques
a
utres philofophcs, anendris fur
les maux du genre pumain, ne <'en cr,,ient pas [uffi l1un–
m enr
d é domrnag~s
par tO\IS ces biens,
&
ils voudtoient
prefq ue
no~s
faire rcKrt !ter q ue ce ne {bienr pas eux qui
syent été
charg~s
de ditlcr les lols du fcndmenr. Sup–
pofons pour
\lll
momenr que
l~
narure fe [oit rcpofée
fur
eu ~
de ce foi n,
&
ellilyons
de
deviner que! edt éré
)e plan de lcur admlniflrario n. lis auroienr apparemment
commeucé par fermcr l'enrrée
de
l'univers
a
tour [en–
timent doulo ureux
1
no us n'cuffions vécu que pour le
plaiur, mais notre vle auroir eu alo rs le fort de ces
tleurs , qu'un méme jour voít naitre
&
mourir. La faim,
la folf, le dégoO.r, le froid, le chaud, la laffirude , au–
cune douleur entin nc nous auroít avcrtis de< maux pré–
fens ou a venir, aucun frein ne nous anroir
mod~rés
dans
l'ufa~e
des plaifirs,
&
la doulettr u'edt été anéantie
daos l'univers que pour faire place
~
la mo rt, qui, pollr
dérruire roures les
oC
peces d'animaux,
Ce
filt é¡;alement
armée contre eux de leurs maut
&
de leurs biens .
C es prtrendus législareurs, pour pré venir cerre de{lru-
8 íon t¡niverfelle , auroiem apparemment rappell é les fen–
timens douloureux,
&
fe feroient conrentés d'en affoi–
blir l'impreffion . Ce n'etlt été que des douleurs fourdcs
qui nous eu!fcnr ovcni , au lieu de nous
affi i~er
. M ais
tous les inconvénicns du premier plan fe feroient retrou–
vés dans le fl!,cond . Ces avertiffemens refpeélueux au–
roient é ré une voix rrop foible pour erre entendue daus
la
jouiífance des philirs. Combien d'hommes o nt peine
i\
entendre les menaces des dou\eurs les plus vives
!
N ous, enffions encore bienrllt
troe~vé
la mort dans l'u–
f1ge méme des !:>iens deil inés
a
aiTOrer narre durée.
Pour nous dédommager de la douleur, on auroit peur–
~tre
ajouré une nouvelle vivaciré au plaifir des fens .
Mais ceux de l'efprit
&
du crrur fuiTent alors devenus
inupides,
&
ce font pourrant ceu% qui fo nr le plus de
nature
á
remplir le vuide de la •ie . L'ivreiTe de quel–
ques momens eur alors empoifonn é rout le reOe du tems
par l'ennui . EOr-ce éré par l'aug mentJtion des plailirs
de !'amo qu'on nous ed r conf<ll és de nos do uleurs ? ils
eu{fent fait oublier
\~
foín du corps . Enfin auroir-on rc–
doublé daos une méme pro porrion rous les plaili rs , ceux
des feos, de l'cfprit
&
du ccrur ? M aís
il
eO.t fallu auffi
lliouter dans
la
meme pro po n jon une nou velle vivaci–
té aux fenrimens do uloureu x . 11 oe feroir pas moim
pernicieux pour le genre humain, d'accroirre le fentimenr
du plaifir fans accro1rre celui de
IJ
douleur, q u'il le fc–
r oit d'affoiblir le fenri ment de la d,>uleur fans affoiblir
celui du plaifir . Ces deux différenres réformes produi–
r oient le
m~me
effet, en affoiblitTanr le frein qui nous
empéche de nous livrer
a
d~
morrels exces.
L es
m ~mes
législareurs euiTeor Can; doqre
caraétérif~
par l'agrémenr rous les biens uéceiTaires
:l
norre cunfer–
'varion, mais· euffi ons-nous pu efpérer d'eux qu'ils euf–
fcnr éré auffi ingénieux que l'efl la n>ture ,
a
ouyrir en
ra vcur de la \"Úe, de l'ou"Je
&
de l'efprir, des fources
toujours fécondcs de [eurimens agréables dans la varié–
~~
J es objets, dans leur Cyrnmétrie , leur propon ion
&
Jeur reífemblance avec des objers
comm~n~ ?
1\uroient–
íls lo ngé
i
marquer R• r une jmprellion de p
!air.rsces
r apports [ecrers qui font
les
charmes de la
muuqu~,
!es
graces du co rps
&
de l'efprit, le fpeélacle enchantear
d~
la
beauté daos les plantes , dans les animaux, dans \'ho m–
me daos les penft!cs; dar¡s les [entimens ? Ne regrer–
ton; done poiilt la réforme que
l\1 .
Bayle auroir vo uln
introduire daos les lois du Cenument. Reconnoiflnf!S plu–
tOt que la bonté de D ieq etl tclle, qu'il femble
~voir
prodigu~
toures les forres de plaiurs
&
d'agrémens, qui
ont pu
~rre
marqlléS du fceau "de 'fa fageiTe. C o!]cluons
done que pui[que la diOribuiion du plaifir
&
celle de
)a
do~\eur
en"tre également dans la meme unité de de[–
fein, elle. n'annonceot poinr
deu~
iqtelligences eiTenriel·
lemenr ennemies .
·
Je fcns qu'on peut m'objeéter que Dieu auroit pu
IIOU5
reodre
h~ureuf
; íl o'efi
do~c
pas l'ftre io61!it:¡IC!jt
i\1
A N
boq. C ette objeétion fu ppo[e que le bonheur des 'Créa·
tures raiíonnab\es efl le but uniquo de D ieu. Je conviens
que
r.
Dieu n'avoit rógardé que l'homme dans le ch0ix
qu'il a fair d'un des
1
mondes poffi oles ,
il
auroit choiti
une [uite
d~
poffi bles, d'o u rous ces maux feroíeut ex–
clu¡ . M ais !'Erre
infjnimen~
far,e fe leroit manqué
a
lui-m~me ,
&
il n'auroit pa< fu ivi en rigueur le plus g r1nd
ré fultat de roures [es tcndances au bien. Le bouhcur de
l'ho mme a ,bien éré une de fes vues, maís
¡¡
n'a pa¡
éré l'unique
&
le derníer terme de fa fageífe. Le rclle
eje
l'uniyers a mériré
[es
regards. Les peines qui arri–
vonr
a
l'homme font une fuire de Con aífujertiiTemenc
aux lois univerfelles , d'o u fo rr une fou le de biens dont
uous n'avons qu' une connoiiTance imparfaire.
11 di
in–
dubitable que Dicu ne peut faire fouflrir fa créature pour
la faire fouffrir . Cette
vo\ont~
impitoyable
&
barbare ne
fauroit érre dans celui qui n'eil pas moins la
bonl~
que
la puiiTance. M ais quand le mal de l'humanité efi la
dépendance néceífaire du plus grand bien dans le rout,
il faut que D ieu fe laiiTe dérerminer pour ce plus grand
bien.
N
e
dérachons poinr ce qui efl
lié
par un ncrud
indiífoluble . La puiífance de D ieu efi infinie, •uffi-bien
que fa bonré, mais l'une
&
l'aurre eil tempérée par
fa
fageiTe, qui n'efl pas moins infinie,
&
qui tend toujourli
au plus g rand bien . S'il y a du mal daQS
Con
ouvrap,e,
ce n'ell qu'ii tirre de condition, il n'y e{!
m~me
qu'a
rirre de nécelliré qui le lie 3\'ec le plus parfair, il n'y
el!
q~'en
vertu de la limitation originale de la créature.
Un monde ou notre bonheur n'eOr jamais été altéré,
&
ou la nature euriere auroit fervi
a
nos plaifirs fans
mélange de dif)lra ces, étoir afftlrc.'ment tres-poffible,
mais il auroit eurrainé mrlle défordres plus grands que
n'efl le mélange des peines qui rroublenr nos plailirs.
M ais D ieu ne pouvoír-il pas fe d!fpenfer de nous af·
fu¡ettir
a
des corps,
oc
nous foufiraire par-1:1 aux dou·
leurs qui fuivenr cerre union? 11 ne le devoir pas, paree
que des créaturcs faitcs comme nous, enrroienr nécef·
fairemenr daos le plan du meilleur mo nde.
ll
eil vra!
qu'un monde ou rl n'y auroit cu que de intelligences,
~toit
poffible, de méme qu'un monde o u
il
n'y auroit
eu que de>
~tres
corpo rels . Un troiueme m onde, o
u
les corps exiflanr avec les c[prits , ces [ubOanccs diver·
Ces
auroient été fans rapport entre elles, éroit également
poffible. Maís ton< ces mondes [onr moins parfaits que
le nótre, qui, outre les purs efprits du premier, les
~tres
corpore\s du fccond, les efprirs
&
les corps du troifie.
me, contienr une liaiíon, un concert corre les dcux e–
[
peces de fubtlances créables. Un mo nde ou íl n'y au–
roir eu que des efprirs, auroir été trnp fimp le, tro p uni–
fo rme. La fageiTc doir varier davanra¡\e fes ouvrages:
multiplier uniqaement la méme choíe, quclque noble
q u'elle pu'ITc
~tre,
ce fe roir une fuperftuité.
1\
voir mil!e
Virgiles bien reliés dans fa bibl iotheque, chantcr tOU•
JOUrs les
m~mes
airs d'un o péra, n'avoír que des bou–
tons de diamans, ne
man~er
que des iJiÍans , uc boire
que du vin de Champag ne, appelleroít-on cela raifon?
Le [econd monde, je vcux dire, celui qui auroit éré
purement marér iel, é rant de fa narure infenlibie
&
ina–
nimé , ne fe feroit pas connn
&
auroit été incapable de
rendre
.a
D ieu les aétio ns de graces qu i lui fonr dues.
Le rro1fiemc monde auroit éré comme un édifice im–
parfai¡,
01,1
comm• un palais ou auroit reuné la Colitu–
de, co mme un érat fans chef, fans roi , g u comme un
temple fan; facriticateur. M ais dans un monde ou l'e–
fprit e{} uni
i
la matíere,
l'ho~me
devienr le centre de
tour, il fait remonrer jufqu'a Dieu tous les érres ct>r·
porels, dont
il
efi le lien né e{fa<re . ll efi
1
'ame de tout
ce qui eO inanimé ; l'inrelligence de tou r ce qui en ell
privé, \'interprete
d:
tout ce qui n'a pas rer,;u la parole,
le
pr~rre
&
le pon
u
fe de toure la nature. Qui ne voit
qu'nn !el monde, e{! beaucoup plus parfait que les autres
~
Mars
re~enons.
au fyllcme des deur principes . M.
BJyle
conv~ent 1111-'!'~me
que les idées les plus fares
&
les. plu.s
el~
tres d."
1
ordre n? us apprennen r qu'un
~rre
qur e11fie par lur-mEme, qur efl nécefraire q ui
di
érer–
nel, duir
~rre
unique . infini , to ur-puiiTanr'
&
doué de
toures forres de perfeétions; qu'a
coníulre~
ces idées -
on ne trouve cien de plus abfurde que l'hypothe[e
d~
deux príncipes éternels
&
indéoendans !lun de l'aurre .
Ccr
aJe~
de
M.
B•yle me fuffit,
&
je n'ai pas befo in
de le fmv re daos tous fes raifimnemens . M ais un fyfi e·
me, pour
~tre
bon, dit-il, a bef<>in de ces deux cha fes •
l'u.n!:
1
que les .idées en foicnt diilinétes; l'aotre, qu'ii
pqríle rendre rarf<m des phénomenes . J
'en
conviens : mais
ti les idées vous manquem pour crplíquer les phénome–
nes, qui vous oblige de faire un fyOe me , qui explique
toure~
les contradiétions que vous vous imaginez voir
~a!li ¡'u¡¡iv~¡s , Po~r ex~c4ter
110
u
noble deífeín, il vous
man·