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1 M 1

;;crits, fclon

Quintili~n,

qu'iI faut prendre I'abondanee

&

la [

ich.ae

des termes , la variété des figures,

&

la

maniere de compofer: enCuite, ajoute cet oratcor, on

s'atuchera fortemcnr

a

imiter \es perfeaions que I'on

'Voit en eux; cac

011

oc

doie

pas doutcr

qu'l1ne

bonne

partie de l'aft oc confine daos

ltimitat;on

adroirement

déguifée.

Lailfons

di

re

a

certaines gens

que

l'im;tatioll

n' ell

qu'une efpece de fervilude qUI tend

a

étouffer la vigucur

de la

n~ture;

loin d'affoiblir ceUe na<ure, les avantages

qu'on en tire ne fervent qu" la fortifier. C'cfl ce que

M. Racine a prouvé folidemcnc dans Utl mémoire agréa–

ble, dont le précis décorera eet artiele.

Stéfychore, Archiloque, Hérodote, Platon, ont été

des imltateurs d'Homere, lequel vrai(femblablemeut n'a

pu lui-meme, Cans

imita/ion

de ceux qui I'ont précé–

dé, porter rout d'un coup

la

PoéCie

a

fon plus haut

point de perfeaion. Virgile n'écrit prefque rien qu'iI

n'imite; tant<>t

iI

fuit Homere, tamllt Théocrite, tan–

lbt HéCiode ,

&

tam<>t les poctes de fon tems;

&

c'eO:

pour avoir eu t3nt de modeles, qu'il efl devenu un mo–

dele admirable

a

Con tour.

j'ayoue qu'iI n'efl pas impoffible que de, hommes plus

favorifés du cíel que les autres, s'ouvrent d'eux-memes

un chemill nouyeau,

&

Y marchent fans guides; mais

de tels exemples font li merveilleux, qu'ils doiyent paf-

fer pour des prodiges .

r

En elfel, le plus heureux ¡¡énie a befoin de fecours

pour croitre

&

fe foutenir; 11 oe trouve pas tout dans

fon propre fonds. L'ame ne Cauroit coocevoir ni eofan–

,er une produaion célebre, ri elle n'a été comme fé–

condée par une fouree abondante de conooilfances. N os

efforts font ioutiles, fans les dons de la nature;

&

nos

effortS font imparfaits ri 1'00 n'accompagne ces dons,

fi

)'imit#tion

nc les perfeaionne.

Mais il oe Cuflit pas de connoitre l'utilité de

I'imita–

tion;

iI faut Cavoir encare quelles regles on doit fui–

vre pour en retirer les avantages qu'elle eíl capable de

procurer.

La premiere chofe qu'iI faU! faire efl de fe choilir un

bon modele.

JI

efl plus faeile qu'on oe peoCe de: fe laif–

fer furprendre par des guides dangereux; on a beCoin de

fagaeité pour diCcerner ceux auxquels on doit fe livrer .

Combien Séneque a-t-iI contribué

a

corrampre le goti!

des jeunes gens de fon tems

&

du n6tre? Luc&in a éga–

ré plulieurs eCprits qui ont voulu I'imiter,

&

qui ne pof–

fédoient pas le feu de fon éloquence. Son traduaeur

entrainé comme les autres, a eu la folle ambiúon de

lui dérober la gloire du flyle ampoulé.

11 ne faut pas méme s'attacher tellemem

a

un exeel–

Ient modele, qu'il nous cOllduiCe fenl

&

nous falfe ou·

blier tOUS les autres écrivains. 11 faut comme une abeil–

le dil igente, voler de tous cbtés ,

&

s'onrichir du fue de

toutes les Reues.

Vir~ile

trouve de I'or dans le fumier

d'Ennius;

&

celui qUl peint Phedre d'apres Eurypide,

y

ajoute encare de nouveaUI traits que Séneque lui pré–

fente.

Le diCcernement n'efl pas moins nécelfaire pour pren–

dre dans les modeles qu'on a ehoiris les chafes qu'on

doit imiter . Tout n'efl pas éaalement bon dans les.meil–

leurs .utours;

&

tout ce qui e11 bon oc eonvient pas éga–

lement dans tous les tems

&

dans tOUS les lieux .

De plus, ce n'eO: pas a(fe'!. que de bien choiCir; I'imi–

t4/;0"

doit étre faite d'une maniere noble, généreufe,

&

pleine de liberté . La

bon.ne

imitati."

dI

une comi–

nuelle invention. 11 faut, pour ainlí dire, fe transformer

en fon modele, embellir fes penrécs,

&

par le tour qu'on

leur donne, fe les approprier, enrichir ce qu'oll lui prend,

&

lui lai{fer ce qu'on ne peut enric!]ir. C'efl ainri que

la

Famaine imitoit, comme iI le déelare nettement.

Mon imitation n'eft

PO;¡Jt

un efoJavage:

" Je n'é'mploie que I'idée, les tours

&

les lois que

" nos maltees fuivoient

eux-memes " .

Si d'ail/eurJ '1u"'1ue ",droit pleiP chez eux d'excel-

Itnce ,

.

Peut

~ntrt"

danI

mtl

VtrJ

¡ans nrdle

'lJjo/~nct,

1e

l'

J

tran[porlt,

&

vel!X 'JI,'

il

n' nit ríen

d'affel1l,

'Iáchant de rt1ldre mien

1

cet

air d'

IInti'luit'.

Malherbe, par exemple, montre comment on peut en–

richir la

penf~e

d'un autre, par I'imuge Cous laqtrelle iI

repréfente le vers

fi

eonnu d'Horace,

pal/ida morl <e'luo

pf'lfae pu{e, paup.,

""!

taberna/, r"fu";,!,,! ttlrr<J. .

1 MI

Le

'--allfJre 111

fa ,abane,

ou

le

,haIIJlJ6

le eouvr.,

Eft f"jet

a

fa loil;

Et la

~ardt

.r.ui

vci/le aux h""r;creJ

el.

ID"1Jre,

N'

en

dlfena

pas nOl

roÍl .

Sophocle fait dire au malheureul l\jax, 10r Cqu'étant

prét de mourir,

iI

trouve Con fils:

n

1t',L"

;-trl':." ...

""u

iu"t'uaír""for

T~

l '

. ",,'

i,..,,", .

Virgile exprime la meme chofe d'une maniere diffé–

reme.

Difce,

ptur,

'V;rtNtefn

IX

me, vcrslmf[ue labDrtm

t

}/ortunam ex aJ;iJ.

Et nous trouvons dans Andromaque la

m~me

idée

rendue encare d'uoe fa<ron nouvelle.

FaiJ

COnl1lJ;tre

ti

mon

jils,

ItI hlroJ

J,

fa

race:

/I/ltal1t

que

t1~

pourras, cDnduis-le

fu,'

leur

trae.;

Dil -Iu; par

1'1<"

exploit' le"rl nomI one 1<latl,

PI"tút

ce

'!"

ih ont fait, que

ce

'1,,',iJ "nI

111.

M. Defpréaux qui diCoit en badínant, "qu'il D'étoit

" qu'un gueux rev etu des dépouilles d'Horace,.1' s'el1

li fort enriehi de ces

dépouill~s,

qu'iI s'en eíl taic

UD

tréfor, qui lui appartiem jullemelll; en imitaOl toujours.

il ell coujours uriginal.

11

n'a pas Iraduit le pacte laún,

milis 11 a jonté contre lui, parce que dans ce genre de

combar, 011 peut etre vaiocu falls honte.

Si Virgile u'avoit pas oCé jouter contre Homere, nous

n'aurions point fa magnifique dcCcription de la defceote

d'Enée

~ux

enfers, ni I'admirable peimure du bouclier

de fon héros. C'efl ici qu'iI faut convel11t que le pacte

latin nous apprend eomment

il

s'y faut prendre pour fe

rendre original en imitant; e'efl de cette maniere que les

grands Peinlres

&

les Seulteurs imitent la nature, je venl

dire en I'embelli{fam.

Voye>:.

le

mbnoire

de M.' l'abbé

Fraguier fur les

imitationJ

de l'Enéi'de.

L'approbatiou conílante que 1' )plligé\1ie

~

Racine a

re"üe fur le thé5tre fran<rois, iufli6);

fan~'

doute I'opi–

nion de ceux qui meueO! cette tragédie au nombre des

plus belles. En la eomparant

a

la piece du memo nom,

qui a fait les délices du théatre d'

Ath~nes

on verra de

quelle fa<ron on doit imiter les anciens . Eurypide, da

I'aveu d' Ariflote, ne donne pas

a

fon Iphigéme, un ca–

roaere conflaDt

&

foutenu; J'abord, elle déelare qu'ellc

périt par le meurtre injulle d'un pere barbare : un mo–

ment apres, elle ch.nge de fentiment, elle exeuCe ce

pere,

&

prie Clytemneílre de ne poiOl hair Asamemnon,

pour I'amour d'elle . L'auteur de ¡'Iphigérue moderne

femam la ¡aute d'Eurypide, a pris grand foin de l'évi–

ter ;

iI

a peint cetle 611e touJours refpeaueufc

&

10ujoUf$

Coumife aUI volontés de fon pere .

Aina

I'imitation

née de la leaure continuelle des bons

orisinaux, ouvre

I'ima~ination,

inCpire le gont, étcnd

le génie,

&

perfeaiGnne les talcos; e'eíl ce qui fait dirc

ii

un de nos meillcurs poetes:

Mon

feJl

J'

¡chauffe

ti

leur lumiere,

Ainfi

qu'/IW jUll1e

p~int,.e

¡"jlrlúe

SOUI CO}pel

&

JoUI /'Argi/li.r••

D~

(es

YTI.,síern

1ui

J'

ont condu;e,

s~

rel1J

la

tOIlC!;(

fflm;li~re;

JI

pr~l1á

1Ioblement lellr

man;er~,

Et compofo aVe< leltr 'lPrit •

Ne rougilfons donc pas de confulter des guidos ha–

biles, tnujours préts

a

nous conduire. Quuiqu'ils

foien~

nos maitres, la graode diflance que nous voyons entre

eux

&

nous, ne doit poiOl oous elfrayer. La carriere

dnns laquelle ils Ont couru li

~Iorieufernent

efl enrore

ouverte; nous pouvoos I<s attemdre, en les prenant pour

modeles

&

pour rivaux dans nos

imitationl;

ti

oous ne

les atteignons pas

1

du-moins nous pouvoos en approcher,

&

apres les granas hommes,

il

eq enaDre des places ho–

norables. La réputation de .Lucrece n'empécha pllS

Vir~

gile de paroitre,

&

la gloire d'Hortenlius ne rallentit

poiO! I'ardeur

d~

Cicéron pour I'éloquence . Quel hom–

me étoit plus propre

a

deferpérer fes rivaux que Cor–

neille ? cependant iI a trouvé un égal;

&

quoiqu'un au–

tre ait mérité la

m~me

couronne, la lienoe lui eíl de-–

m~urée

tollte entiere, n'a rien perJu de fon éclat.

Concluons que c'efl

a

¡'imit<trion

que les modernes

doivcqt leur gloire,

&

que c'eO: de

c~tte

meme

;",;'a–

tion

que les anciens out tiré leur ¡¡randel\t.

(D.

1.)

)"11-