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744

GRA

fllppoíe aucunc cornparaiíno; il efl íynonyrne de

qt~an­

tité, d'itwdut.

En Mora le il en relatif,

&

pone l'i–

dée de íuperiorité. 1\inli quaod on \'applique aux qua–

lités de l'ci'prit ou de \'ame, ou colltéli\'emeot

ii

la

períoone, il exprime un haut degré d'élévation au-dcí–

fus de la muhitude.

Mais cette élévation peut ecre ou naturelle, ou fa–

élice;

&

c'efl-lo ce qui dif\iogue la

g>·andeur

réelle de

la

grandtt¡r

d'inflitution. EITayoos de les définir.

La

~randeur

d'ame, c'efl·a·dire la fermeté, la droi–

ture,

1

élévation des íentimeus, efl la plus belle partie

de la

grandeur

perfonnelle.

AJoilte~-y

un efprit vaf\e,

Jurnineux, profoud,

&

vous aure1. un grand homme .

Daos l'idée colleélive

&

générale de

grand homme,

il íemble que l'on devroit comprendre les plus belles

proportions du corps; le peuple n' y manqne jamais.

On efl furpris de lire qo' Alcxaodre

ét~t

petit;

&

l'on

trouve Achille bien plus grand loríqu'on voit dans l'f–

Jiade qu'aucun de fes cnmpagnons nc pouvoit remuer

ía lance. Cctte propenflon que nous avons tilos

a rnc–

ler du phylique ao moral daos l'idée de

lo

grandeur,

vient

1°.

de

1'

imagination qui veut des me!ttres íenli–

bles;

2°.

de l'épreuve habituelle que nous faiíons de \'u–

oion de \'ame

&

do corps, de \eur dépendance

&

de

Jeur aélion réciproque, des opérations qui réíultent do

concours de leurs facu ltés .

J

1

étoit naturel íur-tout que

dans les tems ou la íupériorité entre les hommes íe

décidoit

a

force de bras, les avanrages corporels fuf–

íent mis au nombre des qualirés héro'iques. Daos des

liec\es moins barbares on a rangé daos leurs clalfes ces

quailtés qui nous íonc commuoes avcc les betes,

&

que les betes ont au-delfus de nous. Un grand homme

a été difpeníé d'etre beau, nerveux,

&

robulle.

Mais il s'en faut bien que daos l'opinion do vulgai–

re l'ldée de

grandcrlr

perfonnellc foit réduite encore

a

ía pureté philoíophique. La raiíon efl efclave de l'ima–

gination,

&

l'imagination efl efclave des íens. Cdle–

ci mefure les cauíes morales

:l

la

grandtur

phyrique

des eífets qu'clles ont produires,

&

les apprérie

a

la

wife.

JI efl vrailfemb lable que celui des rois d'Egypte qui

avoir fait éle,•er la plus haute des pyramides, íe cro–

yoit le plus grand de ces rois; c'clt a·peu·pres ainfi

que l'on ¡ugc vulgairement ce qu'on appelle les

grands

homma.

Le nombre des combattans qu'ils ont armés ou qu'

ils ont vaincus. "l'érendue de paxs qu'ils ont ravagée

.ou cooquife, le poids dont leur fbrtune a été dans la

balance do monde, íont comme les rnatériaux de l'i–

dée de

grandn~r

que l'on attache

a

leur perfonne. La

réponfe do pirare

d

Alexandre,

quia

ttt

magmí cla.IJc

imperator,

exprime avec autant de force que de vé–

rité narre maniere de calculer

&

de peíer la

grandeur

homaioe.

Un roi qoi aura palfé ía vie

a

entretenir dans fes

états l'abondance, l'harmouie,

&

la paix, riendra peu

de place daos

1'

hiOoire . On dira de lui froidement

il

j11t

hon;

on ne dira jamais

i/

fut grand.

Louis

IX.

feroic oublié fans la déplorable expédirion des croifa.

des.

A-t-on jamais enrendu parler de la

grandeur

de Spar–

''', incorruptible par fes mreurs, inébral1\able par fes

tois, invincible par la fageilc

&

l'auflérité de fa diíci–

pline? E !I-ce

a

Rome venueofe

&

libre que l'on pen–

fe, en rappellant fa

gcandwr?

L'idée qn'on y attache

ell formée de routes les cauíes de fa décadencc. On

llppelle fa

'grander~r,

ce qui entra1na ía ruine; l't'clat

des crinmphes , le fracas des conqueres, les folles en–

creprifes, les íucci:s infoí\renables, les richelfes corru–

ptrices, l'en6ure dtl pouvoir,

&

cerre domination valle ,

donr l'éttndue faifoit la foiblelfe,

&

qui alloit crnuler

íous fo11 propre poids .

Ceux qui on r en \'efprit alfez jufle pour ne

p~s

alté–

rer par tour cer

alliag~ phyflqu~

l'idée

m~rale

de

gran–

deur,

Ont crft do-tnOIOS pOUVOir la rcflremdre

a

quc\–

qoeS·UOeS des qualités qu'e! le embralfe. Car ou croo–

ver un grand homme'

a

prcndre ce terme

a

la

ri–

gueur?

Alexandre avoit de l'étendue dans l' eíprit & de la

force daos \'ame. Mais voit-on daos íes projers ce plan

de JU(iice

&

de !agelfe, qui annonce une ame élevée

&

un génie lumineux

r

ce plan qui embralfe

&

diípofe

}'avenir, oU tous les revers ont leur re!fource, tous

)es Cueces leur nvaorage, ou cous les maux inévirables

font compenfés par de plus grands biens?

Deedlo

fi–

fJe

terrurum,

ptr

fn~tm rtdit~trrJJ

orhtm

,

trijli1 eft

( Sénec.) .

Les

viles de Céíar é¡oient plus belles

&

GRA

plos íages. Mais

il

faoc commencer par l'abíoudre da

crime de haure rrahiíon,

&

oublier le citoyen dans l'em–

p<reur, pour rrouver en lui un grand homme.

11

en elt

3-peu-pres de .meme de cous les princes auxquels la fla–

terie oo l'admiratioñ a dooné le nom de

grandJ.

lis

l'ont été daos quelques parties, daos la législation! dans

la politique, daos l'art de la guerre, daos le chmx des

hommes qu'ils ont ernployés;

&

au lieo de dire

il a te/le

ou te/le grande q11alité

,

on a die do guerrier, do po–

litique, du législatcur,

c'eft

un grand homme. Httc

&

illrtc

accedat, ut perfella 'IJirtuJ

fit,

au¡ualitaJ ac tenor

'V

ita!,

per

omnia conflam jibi

(

Seoec . ) .

N

ous ne con–

noiOons daos l'antiqolté qu'un íenl homme d'état, qui

ait rempli daos coure íon étcndue )'idt'e de la véritable

grandeur,

c'efl Antonio;

&

un feul homme privé,

c'clt Socrate.

f/oyez l'article

G

Lo t

RE .

JI

el! une

grandmr

faélice ou d' inflitation, qui n'a

rico de commun avec la

grandeur

pcríonne\le.

11

faut

des grands daos un état,

&

l'on

o'

a pas tou¡ours de

grands hommes. On a done imaginé d'élever au be–

foin ceux qu'on ne poavoit aggrandir;

&

cette éléva-

. rioo arriñcielle a pris le nom de

grandetlr.

Ce terme

au Gngulier efl done íufceptible de deux íens,

&

les

grands n'onc pas manqué de íe prévaloir de l'équivo–

que. Mais íon pluriel ( les

grandeurJ)

ne préfenre plus

ríen de períonnel; c'efl le ter me abflrait de

grand

daos

fon acception politique; eoíorte qu' un grand homme

peut n'avoir aucun des caraéleres qui diflinguent ce qu'

on appelle

/eJ

grandJ,

&

qu'uo

grand

pene n'avoir au–

cune des qualités qui conflituent le grand homme .

f/oyez

GRAN D. (

Philof Mor.

&

Politique.)

Mais un grand daos un c!tat, tiene la place d'

un

grand homme; il le repréfenre; il en

a

le volume, quoi–

qu'il arrive fouvent qu'il u'en ait pas la folid iJé. Rico

de plus beau que de voir réunis le mérite avec la pla–

ce. lis le íoot quelquefois

a

beaucoup d'égards;

&

norre

fiecle

en

a des exemplts; mais fans faire la faryre d'an·

cun tems ni d'aucuo pays, nous dirons un moc de la

coudition & des mreurs des grands, tels qu'il en efl

par·tout, en protefianr d'avance contre toute allulion

&

coute application períonnelle.

un grand doir erre aupr es du peuple l'homme de

la cour,

&

a

la cour l'homme du peuple . L'une

&

l'aurre de ces fooélions demandent ou un mérire recom–

mandable; ou pour y íuppléer un extérieur impofant .

Le mérite ne íe donoe point, mais l'extérieor peut fe

preícrire; on l'étudie, on le compofe . C'efl un per–

íonnage

it

joüer. L'exrérieur d'un grand devroit erre

la déceoce

&

la digniré . La décence efl une dignité

n<'–

gative qui confifle

a

ne ríen íe permettre de ce qui pene

avilir ou dégrader íon étar, y attacher le ridicule, ou y ré–

pandre le mépris. ll s'agit de modifier les dehors de

1~

grandeur

íuivant le gnOt, le caraé!ere, &·les mreurs

des nations. Une gravité racicurne efl ridicule en Fran–

cc; elle l'auroit été

it

Arhenes. Une politelfe legere eút

éré ridicule

a

Lacédémonc ; elle le íeroic en Efpa·

goe. La popularité des pairs

d'

Angletcrre íeroit dé–

placée dans les nobles

V

éniriens. C'efl cf!' que l'exem–

ple &

1'

uíage nous eníeignenc fans étude

&

fans ré–

flexion. ll femble done a!Tez facile d'etre

grand

avec

décence.

Mais la digniré poflrive dans un

grand

efl l'accord

parfair de fes aéliom, de fon langage, de ía conduite

en un mot, avec la place qu'il occupe. Or cette di–

gnité íuppofe le mérite,

&

un mérite égal au rang .

C'efl. ce qu'on appelle

payer de fa perfonne.

Ainú les

prcm~ers

hommes de l'ét31 devroient faire les plus gran–

des choíes; condition toOjours pénible, íouvent impoí–

flble

it

remplir .

11

a done fallo íuppléer

a

la digniré par la décora–

tion,

&

cet appareil a produit fon etfet. Le vulgaire a

pris le

fantóme

pour la

rlalit!.

11

a confondu la per–

fonne avec la place. C'efl une erreur qu'il faut lui laií–

ftr; car l'illufion efl la reine du peup\e .

Mais qu'il nous foir permis de le dire, les grands font

quetquefois les premiers

a

dérruire cette illufion par u–

ne hauteur révoltanre.

Celui qui daos les

grandwrs

ne fait que repn!ícntcr

devroit favoir qu'il n'ébloüit pos tour le monde,

&

mé:

nager du-moins fes contideos pour les engagcr au

ri –

lence. Qu'un homme qui voit les choíes en e\les-mé–

mes, qui refpeéle les préJogés,

&

qoi o'en a point, fe

monrre

a

l'audience d'un

~rand

avec fa fimpliciré mo–

defie: que celui-ci le

r:~o1ve

avec cet air de fupériori¡é

qui protege

&

qui burmile, le íage o'en íera ni offen–

fé, ni íurpris; c'efl une fcene pour le peuple. Mais

quand la foule s'efl écoulée,

fi

le grand cooíerve fa

gra-