GOU
qu
il
ne les oime pas; tout le monde prétend s'y con–
uoirrc, cout
le monde en veut raifonncr ; mais il n'dl
donné qu'ii ceux qui
les oiment d'en raifonner fenfé–
mem: elles élevenc !'ame, elles étendent les idées,
el–
les ornent l'imaginotion, elles adoucilfent les mcrurs,
elles meuent le dernier fcenu 3 la politclfe de l'elprit.
En général wus les gol1cs honncces que vous
pourre~
placer daos fon ame, feront autatu de relfources con–
tre les paffions
&
l'ennui; mais faites-les lui concevoir
de In maniere dont ils lui conviennent,
&
fauve1.-le des
préveotions
&
du ridicule.
La fource de wus les ridicules efi de placer fa gloi–
re ou daos de petites chofes ou dans des qualités que
la natore nous refufe, ou daos un méritc qui n'efi pas
celui de notre état. Qoiconque ne voudra fe diflinguer
que par l'hooneur, la probité, la bienfaifance, les ca–
kns, les vertus de fon état ou de fnn raog, celui-13
cfi inacceffible
a
u ridicule; il ne négligera pas le mé–
rite de plaire, mais il oc l'efiimcra pas plus qu' il ne
'·aut; il le cherchera daos les qualités qui font en lui,
non daos celles qui lui font étrangeres:
il
fe
pr~t<ra
a
toutes les bagatelles qu'exige la frivolicé du monde, fans
en
e
ere profondément occupé: il efiimera les Leures,
les Sciences, les
Ares,
paree que le beau en wut gen–
re efi digne d'occuper fon ame: peut-étre les cultive–
nt-il, mais en
l~cret
daos
fes momens de loilir
&
pour
Con
amufement; il aimera
&
fervirn de !OUt fon
pouvoir les Snvans, les Gens de Lettres, les Artilles,
fans étre leur enthouliafie, leur
courtiC:~n,
ni
leur ri–
val.
Le tems qu'il palfe avec vous doit lui donner une
expérience anticipée; ne négliget ríen de ce qui peut la
luí procurcr: oovret devant fes yeuK le livre du mon–
de,
npprene~-lui
la maniere d'y Jire; tom ce qui pcut
y frapper fes ycox ou fes orcilles, doit fervir
~
fon in–
firuéHoo. Faites éclorre fes idées, s'il en
a;
s'il n'en
a point, donnet lui en.
L'étude de I'Hifioire lui aura montré en grand le ta–
bleau des p:1ffions homaioes; il
y
aura parcouru
les di–
verfes révolutions qu'elles ont produir fur la terre; on
lui aura fait remarquer cet amas de contradiélions qui
forme le caraélere de l'homme; ce mélange de gran–
deur
&
de petitelle, de courage
&
de foiblelfe, de lu–
mieres
&
d'ignorance , de fagelfe
&
de folie dont il efi
capable: il
y
aura vu d'on c6té le vice prefque toa–
jours triomphant, mais intérieurement rongé d' inquié–
tudes
&
de remords, ébloüir les yeux du vulgaire par
des Cueces palfagers, puis
~tre
plongé pour jamais dans
J'opprobre
&
daos
1'
ignorninic: d' un
a
uere c6ré,
la
vertu fouvent perfécutée, quelquefois obfcurcie , mais
tou
1
ours contente d'elle-meme, reprendre avec le tems
Con
afcendant fur les hommes,
&
durant toute la fui–
te des fiecles, recevoir l'hommnge de l'univers, affile
fur les débris des empires.
En luí montraot plus en détail les fragilités de notre
efpece, ne
[3
luí peignet pus trop en .noir; faites-la lui
voir plus foible que méchante, cntraméc vers le mal,
mais capable du bien.
11
faut qu'il nc foit pas la dupe
des hommes, mnis
il ne faut pas qu'il
les ha'ilfe ni
qu'il les rnéprifc. Qu'il ''oye leurs miferes avec affe·¿
de fupérioriré pour n'en etre ni furpris .ni blclfé. Q.u'
il conooilfe fur-tout l' homme de fa nartbn
&
de
Ion
fiecle; c'efi avec luí qu'il doit vivre, c'efi de luí qu'
il doit fe défier, c'efi lui dont
il
doir prendre les ma–
nieres
&
ne pas imiter les mceurs: qu'il foit au fnit de
fes bonncs qualités, de fes vices dominaos, de fes o–
pin'o~,
de fes
travers, de
,Ces
ri?icules : que pour s'en
faire un
tableau plus détatllé , tl
le parcoure un peu
dans les divers érats; qu'il faifilfe les nuances qui les
dilférencient; qu'il évalue tout au poids de la raifon.
Qu'il apprenne ;\ JUger
les hommes non par leurs di–
fcours, mais par leors aélions. Qu'il Cache que celui
qui1Baue efi l'ennemi le plus vil, mais le plus dange–
reux : que les
honn~tes
gens font peu flaueurs, qu'on
n' obtienr leur amitié qu' apres avoir mérité leur efii–
me, rn.nis qu'ils font les feuls fur lefquels on puilfe com–
pter.
Par défaut d'cspérieoce, il préfumera beaucoup de fes
lurnieres; par un etfet de
la vi••acité de l'age, il au–
ra des fantailies peu raifonnables; permettet-lui quelque–
l'ois de les fuivre, quand vous fere'l. sl1r que l'effet dé–
mentira fon attente: les hommes nc s'infiruifent qo'a
Jeurs dépens. Ce ne fera qu'il force de fe trompee qu'
il íc croira capnble d'erreur.
Veille'l. fur fes rnceors, mais fongn que c'efi un
ho~me du monde que vous éleve-¿; qu'il va fe trouver
lt–
vré
i
lui-mcme au milieu des pnffions
&
des vices ;
GOU
693
que poor
~·en
garantir
il
faut qu'il les connoille. Vo–
yez
a
quel point il efi infiruit,
&
regle1. vos conleils
lur ce qu'il ínit : ne
lui parlez point en mairre , rai–
foonct avec votre ami. Quelque confiaoce qu'il ait en
vous, il ne vous dira pas tour ; mais Je vous
fuppole
alfez de péuétrnuon pour dc,•incr ce qu'il
~e
vous au–
ra pas dit,
&
pour lui parler en conféquence: alors les
inílruélions que vous lui donnere7.
feronr d'autnllt plus
d'impreffion fur lni qu' il vous foup<yonncrn moios d'a–
voir
v(l
le befoin qu'il en a.
Voyez tout , mnis ayc'l. quelqucfois l'nir de ne pas
voir; daos d'aurrcs cas,
&
lorfquc le jeune homme s'y
auendra le moins, faires-lui coonoitre que ríen nc vous
échappe.
Faites-lui remarqucr dans le petit nombre d'exempks
qui viendroot
a
fa connoilfance' l'efiime
&
les avnma–
ges qui fuivem
la fagetJe
&
la bonne conduite;
&
dans
mil le exemples frappans, qui malheureufement ne •·ous
manqueront Jamais, les dangers du vice
&
le mépris
qui l'accompagoc.
Prene'l. gnrde qn'il ne luí tombe entre les mains de
mauvais livres , craigoez
fur-tout qu'il ne les life en
fecret; il vaudroit be>ucoup mieux qu'il
le~
ll1t devant
vous:
Ji
vons lui en furprenez dans le commencement
de l'éducation, lite'!.- les lui: fi cela arrive vers la fio,
foyez plus circonfpeél; o'nllez pas vous compromeme
par un tele ineonfidéré qui aigriroit le ¡eune homme
&
que vous ne pourriet pas foOtenir: vous connoirfe'l.
Con caraélere
&
les circonfiances; reglez-vous fur cela ;
n'employe'l. que les motifs que vous fentirez eflicaces:
nttaquez l'ouvrage du c6té du fiyle, du raifonocmenr,
&
du goOt ; parlet-eo comme d' une leélure indigne
d'un honn&te homme, d'un homme poli . ll
y
a peu
de Jeunes gens avec qui oette méthode ne réoffi(fe.
Les nceuds de !'autoricé doh•cnt le relacher
a
mefure
que l'éducation s'avance. Si l'on veut qu'un Jeunc horn–
me ufe bien de fa
liberté, il faut, autant qu'on le peut
lui rendre infenfible le pnlfage de la fubordioation
ii
l'in–
dépendnoce .
Le jour qu'il JOÜira de fa liberté, quelque bien né
qu'il foit, quelque nttachement qu'il ait pour vous, il
fera charmé de vous quitter ; mais fi vous vous éres
bien conduit, fon yvrelfc ne fera pas
longue; l'eflime
&
l'amitié vous le rameoeront: nlors l'nutorité que vous
aure'l. fur lui fera d'autnnt plus puiífaote qu'elle fcra de
Con
choix ; vos confeils lui feront d'autant plus miles
qo'il vous les aura demandés : vous oc
1'
emp~chcrez
pas de romber daos quelques écarts , mais ils kront
moins grands
&
vous l'aiderez
a
en revenir . On 6te
aux jeunes gens leur
gottwnuur
lorfqu'ils en ont le plus
befoin ; c'efi un mal fans remede : mais
peut-~rre
le
gouvernwr
ne peut-il jamais leur etre plus ucile' que
quaod dépouillé de ce ritre , on l'a mis
a
portée de
vivre avec eux familierement
&
comme lcur ami.
Les détails fur
la
matiere qu'on vicnt de traiter fe–
roieut in6nis: on s'efi borné ici
a
des vl1cs
crc~-géné
rales. Quelques-unes ne font npplicables qu'ñ l'homme
de qualiré; la pll1part peuveut convenir
a
wus les états:
fi
elles font JUfies, c'efi
a
la prudence du
gotJvernwr
qui les jugera telles ,
il
en faire
l'application
&
3
les
moditier convenablemeot
3
l'ige,
a
l'état, au caraélere,
au
tempérament de Con éleve _
Cet artide eft de M.
LEFEIIVRE.
(jo
U V E R N E
u
R
de la perfonne d'rm pri"ce
.
Si
en général l'éducntion des hommes efi une chofe tres–
importante, combien doit le paroitre dnvanrage l'édu–
carion d'un prince, dont I<S mceors donneronr Icor em–
preinte
:1
celles de toute une narion
&
dont le mérite
ou les défauts feront le bonheur ou' le rnalheur d'une
intinité d'hommes?
ll feroit
a
rouhaiter ' daos qll,j!lque étal que ce ror'
qu'on püt tOOJoUrs choilir pour
gotJver,.wr
d'un J<Une
rrioce un homme auffi difiiogué par l'érendue de fes
con.ooilfances que par fa probité
&
fes
1
en us ,
&
no.n
moms recommandabk par !:1 grttodcur de f,s emplots
que par l'éclat de fa nuiffance; il eo feroit plus.capable
de faire le bien
&
le feroit avec plus d'autontó.
Pour ne pas
f.:
jeuer fur cene matiere daos de vagues
fpécularions, le peu qu'on fe propol'e d'en dirc fera riré
en partie de l'infl ruélion donnéc en 17r6 par les états
de Suede au
gouvtrm ur
du prince royal
&
des
prince~
hérédiraires,
&
en portie de ce qui fut pratiqué daos l'édu–
carion meme de J'cmpereur Charles-Quint , par Guil–
laume de Croy, feigneur de Chiévre, gouverneur de'
Pays-Bas
&
de la per(onne de ce prince .
Puifque les rois font hommes avam que d'erre rois,
il
fnut commencer par leur iofpirer toutes les
'errus
mo•
•