G_OR
de tout ce que nous venons de voir; e' éroient tro!s
lC~:ur>
d'une rare
b~auté,
qui faifoknt fur tou> ceux qlfi
]e, regardoienc des impr<tlions li furprenances , qu'oo
difoic qu'elles les changeoknc en pierres: c'efl, par e–
xemple, l'opinioo d' Ammooius Serenos; H¿rJclide cll
du méme fcruimeot, avec ceue drtférence
qu'H
;'expri–
me d'une maniere peu tavorable
a
la mémoire des
Gor–
gona,
car il les peim comme des perfonoes qui faifo ieo c
de leurs charmes un hont<UX rrafic .
Mais eotin rl y
2
des écrivaios tour auffi ancieos que
ces deroiers, qui loin d'accorder aux
Gorgona
une
fi–
gure charmance, nous afsOrenc
a
u contraire que c'étoient
des fe mme> fi laides, li difgraciées de la oaturc, qu'on
ne pouvoit jcuer les yeux fur elles fans erre comme
glacé d'horreur.
Voi13 fans donce qui fuffit pour prouvcr que tour ce
que les hifloriens nous débitent des
Gorgona,
efl rem–
pli de cootradiélinns; car fous que!les tllrrnes differen–
tes ne nous les onr-ils pas repréfencées
?
lis en ont fait
des héro"t"nes, des aoimaux fauvages
&
f¿roces, des
61-
les écooomes
&
laborieufes, des prodiges de beaucé ,
de monflres de laideur, des modeles de lagelfe qui ont
mérité d'e tre miCes au rang des fcmmes illu!lres
&
des
counifanes fcandaleufes .
La moicié de ces m.!mes hiflorieos les place daos la
Lybie ; l'autre moitié les cranfporte
a
mille licues de–
U,
&
les établit daos les Orcades. Les uos tirenc leur
nom de
,,,.,_,;,,
mor cyrénéen
qui vclH
dire
M inerve
l
d'nutres de
,.n~•,
nom lybiquc d'uo animal fauvage ;
&
d'autres en fin du mor grec , ..
1
,<,,
qu i ligoitie
la–
bottrwr .
Qnel parti preodre enere ranc d'opioions
fi
drf,
férentes? celui d'avoüer qu' elles foot
a
peu-prl:s éga–
lemeot dénuées de vrairTemblance.
Ce o' efl pas tour: quelqocs merveilles que les hiflo –
rieos ayem publiées cnuchaoc les
Gorgones,
les Poetes
ont encare renchi ri fur cux ;
&
il ne faut pas en c1rc
étonné: oo fait qu'un de leors droits principaox eil de
créer ; s'ils en ofent volontiers daos coures les matieres
qu'ils traiceor, on peot dire qo''l en ont abufé dans
cclle-ci: ils fe font donné pleinc corriere,
&
le> fi·
Etioos qu'ils oous onc débirées fur ce point, foot au–
tanc de merveille done ils ont furchnrgé le tableau.
Homere feul s'efl conduit avec la plus grande r<fer–
ve; il (e con rente, de noos dire que fur l'égide de M i–
nerve,
&
le bouclier d' Agamemnoo fait d'apres cene
égide, étoit gra vée en relic
f,
!'horrible
Gorgone
lan~atlt
des rcgards dfroyables au milieu de la cerreur
&
de la
fo ite .
Mais
fi
le prince des Poeres efl concis, H é(lode en
revanche s'efl appliqué
a
fupplécr 3 cette hriéve1é par
des portrairs de main de maitre, done il a ero devuir
embell ir fon poeme du booclier d'Hercule
&
celui do
la géoéalogie des dieux: on diroit qu'il n'a eu derTcin
daos le premier oovrage que de prouver la grande io–
telligence qu'il avuic des regles de lan ·art,
&
l'éléva·
rion done il écoit capable lorCqu'il vouloit pr.ndre l'ef–
for . , Sur ce bouclier, dir-il, efl décaché Perfée ne
, porrant fur ríen ... On le voit qui hite fa fuice picio
,, de trouble
&
d'effroi. Les fceurs de la
Gorgone,
mon–
" flres altreux
&
inacceffibles, monflres dont le oom
" feo! fait frémir. le fuivent de pres
&
cachcnt de ,.,_
ceiodre: elles volent fur le
difqn~
de ce diamant Iu.
mroeox ; l'oreille en<eod le bruic que leurs a11es fonr
fue l'airain; deux noirs dragons pendeor
il
lcurs ceio-
,. cures; ils drelfent la rece, ils écumeot; Icor rage
, écl3te par le grincemem de leurs deocs,
&
par la fé·
, rocicé de leurs regards , .
Daos la
thl•gonie,
H éliode le preod fur un ton moins
haue,
&
rcl que doit erre celui de la fimplc narracioo,
<JOÍ
ne fe propofe que d'iollruire . 11 entre ici dans le
décail,
&
oous apprend de qui les
Gor?,ones
avoienr re–
~
o la oaiíTaoce, leur nombre , leurs ooms, lcors ditfé–
reoces prérogar ives, leur combar contre Perfée,
&
lo
renverfemem de leur trille fam illc .
La fable d' Héfiode re9uc de
nouveau~
oroemeos do
l'nrt des poere qui lui fuccéderent. Oo pcur s'eo con·
vaincre par la leélure d'lEichyle daos fon Prométhé<;
de Pindare, dans fes odcs pythiques;
&
de
V~tgile,
daos fon tixierne livrc de I'Enéide: m•is c'ell O vide
qui brille le plus; amateur des détails,
&
oe m1niar1t
guere un fu¡et fJ11s l'épuifer , il a rempli celui- ci de
cent nouvelles fittrons , que vous crouv err"!. daos fes
métnmorphofes; il y Cerne les tleurs
a
pleioes maim fur
la
conquére de M 'dufe por N eptuoe, l'expédicioo fa–
meufe de Perfée, la défaire de la
Gorgone
&
celle des
géo¿raux de Phrnée.
Ce fut d' apri:s tant de rn«rériaux cranfmis par les
7•m•
f/ll.
GOR
651
poctes grec>
&
lacios, que les M ythologues qur écri–
vircnt en pro fe, Phérécyde , Apollodore, Hyga1
&
a
otres, compoferent leu r dtverfes
com~llatioos,
qu1 d'ail–
leurs n'on t r'en d"intéreUant.
Loio de m y arréter • J< cours
a
l'eKplicatioo la plus
vraiffemb lnble des my1teres préceodus que renferme la
fable des
Gorgones;
mai.s Je ue la n·ouve
p:H
cette ex–
plication dans de' alli¡;orie< phyliqoes, morale1
u
u
guer·
rieres; jt n'y ,·oi que des JCOX d'efprit.
l'vl .
le C1erc,
a
1'
exemp le de Burharr, a
e
u ra11on de chcrchor le
mor de lénigme dnns les lnngues orienroles, quorqu'
il fe foit trompé en croyant pronver dan> fes r\or<s
favamcs fur Héliode, que par ks
Gorgones
il faut en·
cendre
des cava/es d'Ajri9ttr,
qu'enlev,
r<nt
les Phéni–
ciens en comcmrc;an t dans ceue pnrne do monde .
M. F ourmont lencan c les défeéluolité> d' un lyilrme
qui ne s'ajulloir poinr aux détails de la fnble, s'eli rc–
wurné d'une aotre maniere;
&
oous alloos voir le fruíc
de fes recherche> .
11
a trou,·é daos le oom des cwis
Gorgones
&
JUf–
que daos le nom des cinq filies de Phorcu,, celui des
vai(Teaux de charge qui faifoient commerce fur les có–
tes d'Afrique otl l'on trafiquoi t de l'or, des dctm d'é–
léphant, des corues de diven aoimaux, des yeux d hye–
nc
&
alltres marchandifcs . L'écha ngc qui s'en tartoit
en différens pons de la Phéuick
&
de¡
~les
de la Gre–
ce, c'cO le myOcre de la drot, de la coroe
&
de l'ceil,
qne les
Gorgones [e
prt!roient mutudkmcm : ain fi les
cinq tilles de Phorcus écoi<nt les cioq vaiiTeaux qoi com–
pofoieot la petite
flotte
de ce prince, comme le prou–
veuc leur> nom• phéniciens. Dans toures les laogncs
o–
rientales, les vaineaox d'on prioce s' appdlem
¡,•s
fil–
Ies ; enyo
en
¡
héoicien lignifie un va lfeau de charge ,
navis oneraria; plphrldo
par tranfpoiKIOO pour
perplu–
du,
un vaiCJeau
qu1
pone
l'tau
dl)U Ce
~
navis
ar¡uarifl;
flheino,
une galere,
nnvis 'l.Jilluaria;
e1o·iale,
une cha–
lou pe,
navis tranfieoria; Medttfa ,
on fouremend
Se–
phina,
le vaiHeau alniral,
na1Jis
imperatoria.
De ces
cinq vaitreaux, trois étoienr de l'ile de Choros, nnm–
mée enfuit
ion,,.',
ílt des
Phlar¡ucs,
&
deux éwient
nommées
,
1
~,~l,
gritJ,
vailleaux gagné. fur les Grecs.
L'ile de Cyre o
u
Corcyre, lthaque
&
autres voili·
ncs, écoient des iles phéniciennes de nouvelle date .
Paléphacc dir que Phorcus ou Phorcys éwit cyrt!néen:
cela
(e
prut; mais alnrs comme chéf de colooie, il ró–
gnoir
a
lthaque,
a
Céphalonic
&
a
Charos. Daos
1'0-
dyífée, Minerve momre
a
U
lyífe
&
fa patrie
&
le
pon du vieillard maria Phorcys; voil3 le pere des
Gor–
goncs
retro ové: Phur ys roí d'lthaque
&
des dcux Hes
voilioe~,
qui pollede
&
eovoyc commercer cinq vait–
featlx, trois de Choros, c'eil-a-dire les trois
Gorgonrs,
&
deux qu'il a pris fur les Grccs
1
qui foot les grées,
)'fell.:t.l
.
Le comrnerce de ce prince fe faifoit en Afrique a·
vee les habitarlS de
Cyr~nc,
du mont Atlas, des Ca–
nades
&
de la cóte de G uinée . Piine, Pcolomée, Mé–
la, Paufanias, Hannoo, Héliude méme , attefleoc que
ce commerce étoit fréqoenc des le liec le de Pcrfée .
D e' cinq vailleaux de Phorcys, Perfée négligea le
per–
pbldo
chargé d"cau douce,
&
l'enyo
qui oc reotermoic
que des chofes communes pour les befoins de la flotte;
il s'wacha aox trois
G•rgones
qui porcoienr une dent
ou les dencs, c'efl-1-dire l" yvoire; une corne ceO-i-dirt:
les coroes d'ao'mnux ; un ceil ' c'efl-
a-
dire les yeux
d'hyene ou de poilfon,
&
le. pierres précieufes.
Le r_not ph6nicien
rofch
ligmtie également
tétc, <hrf
&
ve'!'".
La tece de !Vlédufe une fois coupée, ou
~la
tót Ion commnndant une fois détruit ( aurre équ¡vo–
que qui auconle a dire que cene rere dl un venio) ,
il fort fur le charnp de ceue cere ChryC.1or ouvrier en
mé!BuK,
&
le
P~gaft,
c'eil-i-dire le
PJ~alfe,
efpcce
de bufte d' Atrique, done les longues ore:! les quand il
courr paroilfent des alles .
En fin on nous parle de
p~tri6cations
étranges,
&
el–
les le préCenccot d'ellcs.mem<>. Perfée vainqu it lu 6oc–
t~
de Phorcys vers le Syrres. On fait .
~ue
_ceue ré–
giOo a tOOJOUrs été fJmeufo pour ks pétnllcnuoos , JU[–
qu'a
faire croire :1ux auteurs arJbes , qo'il
ft:'
trouvoir
dans les cerres des villes erHieres oú les hommes
&
les
aoimau x pécri6és, conf<rvOÍ<tlt eocore la pollure qu'ils
avoien t lors de lcur pérri6carion fubire.
V
oiU done
a
quelques embellillemeos poétiqaes pres,
le
fond réel de la fnble des
Gorgones,
qu'il falloic re·
mettre en phéoicieo, die M . Fourmooc; en elti:c JC ne
fuis pas éloigné de croire que c'ell
a
lui qu'appartient
la gloire d'avoir expliqué le plus probablement l'éuig.
me.(D.J. )
Nnnn
;¡,
GO·