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ELO

relldrc une émlltion v,ive, qu'uue idée

c lai~e ,

Lc foin

froid

&

ecudié que l'orateur [e donn eroi t pour expri–

m er une "arcille emotion, ne [erviroit qu'a I'a ffoiblir

en

lui ,

11

I'éteindre meme, ou peut-etre

a

prouver qu'

il

De

la relTentoit pas, En Ull moe

fenea: vjvemwt,

&

djeu e01.t ce '1uc

VOtlS

'lJo1<drez ,

vaila tomes les re–

gles ole I"éloqueoce proprement dite, Qu'on imerroge les

écrivains de géllie [ur les plus bcaux endroits de Icurs

ou vrages , i1s avoueront qlle ces endroits

[0 01

prefque

roujclUrs ceu x qui leur om

le

moiL1s couté , paree qu'

ils onr eté comme infpirés en les produifallt , Préten–

dre que des préeeptes froids

&

didaa iqL1 es don neront

le moyen d'erre éI0'l"ellt , c'ea feulement prou ver qu'

on eA incupable de I'erre ,

Mais comrne pour t;tre elair il ne faut pas conce–

voir

ii

dcmi, il ne faut pas non plus [eOlir

ii

demi

pour erre éloquem , Le [emimellt dont l'orateur doit

erre rempli,

el!,

comme je I'a i dit, un [emimem

p1'O–

fo >:d,

fruit d'une

[ell ~bi li~é

,'are

&

exquife,

&

non cette

emorion [uperfieietLe

&

pafljgere qu'il excite dan

5

la plu–

paM:

de

f~s

auditeurs; émotiou qui eft plus

eHéri~ure

qu'

interne , qui a pour objet I'orateur meme, plu ló t que ce

qu 'il dit,

&

qui dans la multitude n'eft fouvent qu'une

impremon machinale

&

animale, produite par I'cx cmple

o u par le ton qu'on lui a donné , L 'émotioll communi–

quée par l'orateur, bien lo in d'etre dans I'auditeu r une

m1rque cerraine de fon impu irTance

a

produire des cha–

le s femblablcs

:l

ce qu'jl admire, eft au contraire d 'au–

tam plus réelle

&

d'auram plus vivc, que I'aud iteu r

pl us de génie

&

de talent: pénétré au meme degré

que I'orateur, il auroit dit

les

memes cha fes tant il eft

vrai que c' eft dans, le degré feul du fentimem que

I'é loquence confifte, l e rellvoye ceux qui en dou te–

ront encore , au' pay fan du D anube , s'ils fon< capa–

bies de penfer

&

de fem ir ; car je ne parle poiflt aux

nulres,

T out cela -prouve fuffifa mment , ce me fembre, qu'

un orateu r vivell1ent

&

profondémem pénétré de fon

objet , n'a pas be[oin d'art pour en pénétrer les au–

tres _ J'njoute qu'il

n~

peut les en pénétrer, fans en

etre vivcment pénétré lui-mCme , En vaio objeaeroit-

011

que pluíieurs écrivains om eu l' art d'infpirer par

leurs ouvrnges ramour des vertus qu'i1s n'avoient pas:

je réponds que 1 .. fentiment qui fait aimer la vertu,

les remplirToit su momem qu'i1s en écrivoient; c'é–

roit en eUK dans ce momeut un fcnriment tres-péné–

tram

&

tres-vif, mais málheureufement parTager, En

v ain objeaeroit-on encore qu'on peut toucher fans

e–

Ire touché , comme on peut coovaincre faos etre coo–

vaincll, Premierement, on ne peut

rie/lement

convain–

cre fans e tre convaincu foi-meme: car la conv iaion

..lelle

eft la fu ite de I'év idence;

&

on ne peut don–

ner I'éviden ce aUI autres, quand on ne I'a pas _ En

fecood lieu, on peut fans dou te faire croire au x au–

Ires qu'i1s voyent c1airement ce qu'ils ne voyent point,

'c'eft une eCpece de phaotome qu'on leur préfente

a

la

place de la réalité; mais on ne peut les tromper fur leurs

affeaions

&

[ut

leurs [emimens,

00

ne peut leur perfuader

qu'ils fOll t vivement pénétrés, s'ils ne le fom pas en effe t :

u n aud iteur qni fe croit touché, I'efl donc véritablemeot:

o r on ne donnc point ce qu'o n n'a point; on ne peu t

donc vivemenr toucher les autres fa ns étre rouché vi–

vement foi-meme, foit par le fentimellt , foit au moins

par

I'imagination ~

qui produit eo ce moment le m e–

me elfet ,

Nul difcours ne fera éloquent s'i1

n'

éleve I'ame ;

l'éloquence pathétique a fans doute pou r objet

de

tou–

cher; m ais j'en appelle aux ames [eníibles, les mou–

v emens pathétiques [ont toOjours el1 elles accompagnés

d'él é vation, On peut done dire qu'

éloquent

&

fublj–

me

fom propremem la meme chofe ; mais on a réfer–

v é le mot de

fubl;me

pour défigoer particulierement

l'éloquen('e qui préfente

a

I'auditeur de grands obJets;

&.

cet ufage grammatical, dont quelques liuérateurs

pédans

&

bornes peuvent étre la dupe, nc chaoge rien

:i

la vérité ,

11

réfulte de

ces

príncipes que I'on peut etre élo–

quent dans quelq ue langue que ce foi t, parce gu'!1

n'y a poim de langue qui fe refu fe

ii

I'expremon

VI–

ve d'Ul1 f'Cll timenr élevé

&

profond, Je ne Cai par quel–

le raifon un grand nombre d'écrivains

mod~:nes

nou.s

parlen~

de

I'éloqttcnee dcs ehofes;

comme s

JI

y avolc

une éloquence des mots , L 'éloquence n'eft jamais que

dam le fUJet;

&

le caraaere du fujet ,

10U

pltlt~ t

du

femiment qu'í1 prodoit, parTe de lui - mcme

&

nécef–

[airem nt au dircours , raj Ollte qoe plus le diCcours fe–

ra

limpie daos un grand [uj et, plus il fera éloqueot ,

ELO

437

pa~cc

qu'i! 'repréCeotera le [emiment avce plus de vé–

rilé, L'éloquence ne confiae donc point, comme taot

d'aU(ellr l'oi1l dic' d'apr!:s les aociens,

ii

dire les cha–

fes g,randes d'un (tyle fublime, mais d'un ftyle fimple'

ear 1I n' y a poi ut proprem em dc fl yle fu blime , c'ea

la chofe qui doit I'erre:

&

comment le ayle pourroit–

iI

eere fubl ime fa ns elle, ou plus qu'elle ?

Auffi les morceaux vraiment

[llblim~s

foot toOjours

eeux qui fe traduifem le plus aiCément,

Q.ue

v ous re–

/le-I-jl? moj

, , , , ,

e omment vottle<.-vous que

j e

vous

traite? en ro;

....

QII'il

mottrrit

.. ..

Die/e dit:

'1"le la lum;ae fe faiTe,

&

el/e fe fit

, , , .

&

tallt

d'a.ures merccaux ll OS nombee Ceront toOj ours fubli–

mes

daos toutes les

laogu~s,

L'exprel)Jon pourra ¿tre

plu s ou moins vive, plus ou moi ns précifc , íClon le gé–

nie de la Isngue; mais la graodeur de I' idée fubGlle–

ra to\lte eotiere,

En

un mor on peut etre éloquent

en quelque bngue

&

eo quelque ftyle que ce foit.

parce que

l'lloeut;on

n'ea que I'écorce de l'éloquen–

ce, avec laquelle il ne faut pas la confo ndre,

M ais , dira-t-oll, li I'éloqucnce véritable

&

propre –

rnellt dite a fi peu befoill des regks qe

1'¡loeut;on,

li

elle ne doit avoir d'autre expremol.l que celle qui eft

diél:ée par la nalu re , pou'rquoi donc les andeos dans.

Icurs éerits (ur I'éloquence ont-i1s traité fi

a

fond de

1'l/octltion ?

Certe que ftion mérite d'ctre approfoodie .

L'éloquence ne coniifte proprement que dans des

Irairs vifs

&

rapides; Ion erret eft d' émouvoir vive–

ment,

&

tout~

émotion s'atfoiblit par la durée, L'é–

loqucnce ne peut donc regucr que par intefvallos dans

un di Ccours de quelque érendue, I'éclair part

&

la nue

fe refcrme , Mais fi les ombres du tableau fom nécef–

Caires , elles ne doiveo t pas erre tra p fortes ;

iI

fau t

fans doute

&

:1

l'o[3 teur

&

a

I'aud iteur dés endroits de

repos, dans ces endroits I'auditeur doir refpirer, non

s'endormir,

&

c'eft au. charmes tranq uille_s de

l'lloe,,–

t im

ii

le tenir dans cene liruation douce

&

agréable .

Ain li (ce qui femblera paradoxe, Cans en ctre moi os

vrai ) les regles de

I'¡¡octtt;. ,.

n'ont lieu

a

propremen¡

parler ,

&

ne

[ 0 01

vraiment nécerTaires que pour les

morccaux qu í' ne [ont pas proprement éloquens, que

I'orateur eompo[e plus a froid,

&

ou la nature a be–

foin de I'art, L'homme de génie ne ,

doi~

cr aindre de

lomber dans un

ayle

lache, bas

&

rampan!, que lorf–

qu'il n'eft poim foO tenu par le Cujet; c'eft

~Iors

qu'il

doit [onger

a

l't!Ioeut;on,

&

s'en occuper : Dans les

autfes

cas,

fon

é(o eue;on

fera telle qu'elle doit etre

fans qu'il peore, Les anciens, íi je ne me trompe.

one femi cette vérité,

&

c'eft pour cene raifon qu'ils

ont traité principalement de l'

¡/oeut;on

dans leurs ou–

vrages fur I'art oratoire, D ' aillcurs des trois parties

de I'orateur, elle efl prefque la feule dom on puirTe

don ner d.s préceptes direas, délaillés

&

poíitifs:

I'jn–

vent;on

n'a poim de regles, ou n'en a que de vagues

&

d'infu ffifan tes : la

di{pojiejon

en a peu,

&

appartieut

ph,tót

a

la logique qu' a la rhétorique, Un autre mo–

tif

3

porté les auciens rhéteurs

a

s'étendre beaucoup

[ur les regles de

1't!loCTItjon:

leut' langue étoit une efpe–

ce de mulique, fufceptible d'une mélodie

ii

¡aquelle

le peu ple mcme élOit tres-feoíible, Des préceptes fur

ce flljet, étoient aum nécefTaires daos les rrnités des au–

ciens fur l'é loq uence, que le fom parmi nous les re–

gles de la compoíition muficale dans un traité complet

de mulique ,

11

eft vrai que ces fortes de regles ne

donncnr ni a r orateur ni au muficien du talem

&

de

l'oreille; mais ell es fom propres

11

I'aider , Ouvre'L le

trailé de Ciceroo intitulé

Orat. r,

&

dans lequel il s'eft

propofé de former ou plarÓt de peindre un orateur

parfait; vous verrez non-feulemeot que la partie de l'é–

loeution

eft celle

ii

laquelle

iI

s'ntrache principalement.

lIlais que de toutes les qualités de

l'éloeutioH ,

I'harmo–

nie qui réfultc du choix

&

de I'arrangemem des mots,

eft celle done

il

eft le plus occupé,

11

parolt m€me

avoir regardé cet objet comme trcs-elfemiel dans des

morceaux trcs-frappans par

!e

fond des cha fes ,

&

.oil

la beauté de la penfée f. mbloit difpenfer du foin d'ar–

ran¡¡er les mots , le . n'

e~

citerai que cet exemple :

" l'

élOis préfent ., dlt C lcéron, lorfq ue

C .

Carbon

, s'écria dans une harangue au peuple:

O Maree Drll–

,;

fe, patrem appel/o ; eu d;<ere (ol,baf, facrtlm

eJJ.e

"

reYl'lpubJicam;

qUICumr¡uc

eam vlolavi./Jent, ab

omnt–

" bm ciT,

ei

P.a:'laS

perJólu~as; pae~j¡

djélum fap;en¡"

, ttmeritaf ji7,. eomprobavle;

ce dlchorée

eomp robav lt

,: . joule Cicéron, excita par fon harmonie un cri d'ad–

" m ira rion dans touce l' aflemblée, " Le morceau qqe

nous venons de citer renferme une idée íi noble

&

fi

bellc" qu'il eH aflOremenr lres-é!oquene par lui-meme,

&

Je