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,

ELE

fon defordrc, fon égarement, la pfileur de fon ,viCage,

les ruilreaux de larmes qui .co111ent de Ces yeux, fOn!

les armes de Ca douleur,

&

c:ell avee ces trails que la

pitié nous pénetre,

11

en eít .ainli de

l'.él~gie

pallionnée,

Mais une amante qui n'ell qu'affligée, -<loil réullir pour

nous émou voir les eharmes de Ja beaulé, la yarure, ou

pllll6l le négligé des graces, Telle doie

.ée~c

l'¡ligic

leodre. femblable

a

Corine .au -¡nomenl de Ion .réveil :

Sd!pe etiam nond,)m digeftis mane ,api/lú

1

'Pllrp"reo ja,uit fimi fnpina thoro;

Tum'lue fllit n.gleaa decens,

Un Cemimenl eranquiJle

&

doux, le! qu'il regne dans

I'élégie

eendre, a beCoin d'cere nourri fans eelTe par une

imaginaeion vive

&

féeonde, Qu'on Ce figure une per–

fonne trille

&

reveuCe qui Ce prornene daos une eampa–

gne, oUlDue ce qu'elle voil lui reeraee l'objel qui l'oc–

cupe fous mille faces nlluvelles: lelle eít dans

l'¿ligic

lendle la licuaeion de l'ame

l'égard de I'imaginaeioo,

Quels lableaux ne Ce fail-on ¡pas dans ,ces douces re ve–

ries?

Tant ót on eroie

voyagt'Y fttr "tln

4'Vaiffeou

avec ,e

'Iu'on aime, on eft expofi

ti

la mime tempile; on dort

ji" le mEme roeh",

&

a

/'ombre du méme arbre; on

fe defaltere

a

la mime JOllree; foit

ti

la por'pe, foil

a

Ir. pror,e du

na~lire,

une pl,mche fuffit pour del/x;

01J

fo ttjfre tout

a~"

plaijir; 'lu'importe

.fi'''

le v;nl ,du

m.,d:, ou

ce/al

dll

nord, .enfle la

'lJDlle,

pOllrvu fJ11

on

art les yellx ,atta,hés fllr fon amante? 'lupiter embrtJ–

feroit le imiffeau, ,on ne trm,bleroit

'1'"

pour e/le,

Prop,

1.

11,

él.

28.

Tantót on fe peint foi 'méi?Ze explrant; 'on

túnt

d"Ii1~

défailiante main la main

d'une amrmte

é–

plorle; ell. fe précipite ¡"r le lit Ort I'm exp"e; elle

¡'lÍe fon amane juf9l/e jr". le bli,ber; elle ,ol/vre (on

~orps

de baiji:rs milis de larmes;

011

voit les jetmes

garfon¡

&

les jezmes

filies

revenir de ce ¡Peaacle les

yeux baiJJis

&

mOllillls de plmrs; on voit fon amante

s'arra,hant les ,heve1/x,

&

fe d¿ehirant les

J01t"';

O"

la tonjure d'épargner les ma"x de jon amane, de mo–

dlrér fon de(e¡poir,

Tib.

1.

1,

él.

1,

C'ell aillli que

dans

l'élégie

lendre, le rcnlimenl 'doll eere fans ce(fe

a–

nimé par les tableaux que l'imaginaeion lui prér.nce,

II

o'en eít pas de meme de

l'éflgie

paffionnée, l'objee pré–

fene

y

rcmplil loute l'ame; la paffion ne reve poim.

00

peUI entrevoir quel eít le ton du

CeO~imel1l .

dans

TibuUe

&

dans PropeFce ,_ par les eXlraies qlle nous eo

avons doooés, n'ayanl pas oCé les traduire, Mais ce n'ell

qu'en les liCall! daus l'original, qu'un peue CeOlir le char–

me

de leur fiyle: touS deux faciles

a.ee

préeilion, vé–

hémens

a.ec

doueeur, pleins de nacurel, de délieaeefle,

&

de graces, Quintilien reg:ude Tibulle cc>ml11e le plus

élégane

&

le plus poli des poeees élégiaques lalios; ee–

pendanl il aVllue que P.roperce a des partifans qui le

préfercm

a

Tibulle,

&

DOUS ne <iiffimulerons l'as 'que

oous Commes

d~

-ce nombre. A l'égard du reproche qu'

il fait

a

Ovide d'elre ce qu'il appel le

laftivior;

Coil que

ce mOl-la fignitie

moins chátié,

ou

plul di!fUI,

ou

trop

livré

ti

fon imagination,

lrop amOureu! de (o n bel e–

fprit,

nimium

amator irlgen;; fui,

ou

d'une moJlejJ"e

trop "/gligée dans fon fty[e

(car on oe Cauroil l'eneen–

'dre comme le

laf(~va

pite/la

de Virgile-,

d'une volupeé

foláere)

;

ce reproche dans IOUS ces fens erl égalemel1l

foodé. AutIi Ovide o'",-t-il excell¿ que dans

1".Iigie

gra–

cieuCe, ou les négligences Com plus excufables ,

Aux trails_dom Ovide s'efi peiul

¡¡

lui-meme

l'él/–

gie

amoureuCe, on peul juger du ítyle

&

du ton

qu'i~

Jui

a.

donnés,

Venit oJoratos. elegia nexa capillos

..

..... .

Forma decenJ

,.

'VefliJ

tenrúffima, (ulttll amantit.

,

,,'.

¡imis fllbrijit o"lIil,

Fal/or? an. in. dextra, mp-thea virga fuie

?

11 Y

prend que1quefois le tOIl plaimif; mais ce

~on-¡a

meme eít un badinage ,

'

Croye.. 'Iu'il efl des Jicux Jenfihles

a

l

'inj1.re,

Apres mille fermms

C

orine' fe parj"re .

. En a-t-elle perdu quel'l"'lIn de fes aetraits ,

Ses yelix Jont-ils moins bea"x, fon teint eft-il.

moi"" frais

?

Ah ce Die", s'il

m

eft, (anI, doute aime les belles;

Et ce QIl'it

1IOUS

dlfend, n'eft permis 'lile pOllr

el/es!

-

L'amout avec ce front rianl

&

cel air leger, peut

ELE

'crre auffi inJ(énieux, auffi brillanl que l'on vem, La

parurc lied hien

3

la coquenerie; c'e!! elie qui peul

.a.oir les cheveux entrelacés de rafes, C'dl fur le ton

,galanl qu'un amanl peul dire:

Cherche

1/11

amontplus dottx ,plslS patient 'I"e 'moi;

DI,

tribt!t

d"

me!

1)(EtI'X

.ma

potlpe cottronnle

Brave a" port les f"r-ettN .de /'onde m"únée.

C'e:/l-la que feroil pIncé< cene mélaJlhore

Ii

peu nalU–

.relle, dans une

/¡¿gie

CérieuCe:

Ne<

pro(f;¡

J

metis 'I"as pene tmere Videbar,

-Cllrri",lo gl'avis eft faaa ruina meo,

.

,Triít,

1, W,

él,

8.

Tibutle

&

Properce rivaux d'Ovlde dans l'

¿"gie

gra–

-cieuCe l'om ornée comme lui ·de IDUS les 'Ihrélors de

l'imaglnaeion, Dans T ibulle, le 'P(,)rIr,ait d'Apollon qu'

il

voil en Cooge; dalls Properee, la pemture des champs

-éliCécs; dans Ov'ide, le lriomphe de l'amour, le chef–

d'ceuvre de Ces

{Ugia,

Conl des lableaux ravilTans:

&

c'eít ainli que

l'élégie

doil elre parée de la malO des

graces IOUles les fois qu'-elle n'eít pas animée par la

l'affion, ou atlendrie par le

fenci~ent ,

C'ell

a

quoi les

modernes n'om pas alTez réHéenl : che1- eux, le plus

fouvene

l'é/égie

eít froide

&

négligéc,

&

par conCéquent

plale

&

ennuyeuCe: car il n'y ,a que deux moyens de

pl,ire; amuCer, ou émouvoir,

- N ous n'avons encore parlé 11i des néroi'des ,d'Ovide,

qu'on doit meltre au rang des

¡I/gies

paffionnées, ni

de Ces

trifles

donl fon exil eít le Cujel,

&

que l'on

doie compter parmi ,les

//égies

-telldre~

,

SlOS ce

liber~illage

d'd'prie, cette abondance

d'im~gi­

nalion qui refroidie preCqne par-eonl le Centimene dans

Ovide, Ces

héroides

Ceroient

:a

C,6lé des plus belles

élé–

.gia

de P roperee

&

de Tibulle, On eít d'abord Curpris

d'y erouver plus de palhélique

&

d'illl~re¡,

que dai1s les

trifles,

En elrel

iI

femble qu'un poeee doie eere plus

émti

&

plus capable

d·én~ouvoir

en deplorane fes mal–

heurs, qu'en peignanl les malheurs d'un ",er[onnage ima–

ginaire, Cependam Ovide eít plein de chaleur, lorlqu'il

loüpire au nom de Penelope apres le relDur d'U

Iylli: ;

il eít glacé , 10rCqu'í[ Ce ,plaint lui-meme des rigueu rs

de Con exiJ

a

Ces amis

&

¡¡ -

fa femme, La premierc:

raiCon qui fe préCence de la foibleae de fes deroiers vers,

eít eelle qu'il en donne lui-meme.

Da mihi MrPoniJen,

&

tot ,;r'tm'fpice ,a[lIs;

l ngen tuYa

tnntis excidet

omnc ma/iJ.

" Qu'on

Ine

donne un Hornere eo bUle an meme fOTt,

" Son génie aeeablé cédera (oas ("eflOr! ,

Mais le malheur qui émouífe l'eCpril, qui afláilTe l'ima–

ginalion,

&

qui énerve les idées , Cemble devoir alleu–

drir I'ame

&

remuer le Cemiment: Or c'eít le feneiment

qui eít la partie foible de ces

¿lIgi"

,

tandis qu'il en la

partie dominaule

d~s

héroi'des, Pourquoi? parce que la

chaleur de Con génie élDil dans Con irnaginaeion,

&

qu'

il s'el! pein t les malheurs des aUIJes bien plus vivernent

-i:¡u'il n'a reíTemi les tiens, Une prcuve qn'il les, reifen–

·toil foiblement, 'c'eít qu'i1 les a mis en vers :

Ses ¡oibles diplaijirs s'amurent

J

¡arler ,

Et

'luicon~ue

fe plaint , ,herche

fl

fe confoler,

A

plus

fOrle

~aiCol1

,. quiconque Ce plaiot en cadenee,

Cependam il femble_ridicule de préeendrc qu'Ovide e–

xilé de R ome dans les deCerls de la Scyehie, ne fut

poiot pénélré de Con malheur, Qu'on liCe pour s'en con–

vainere ceue

élégie'

ou il Ce compare

3

U lyae; que

d'efpril,

&

eombien peu d'ame! OCons le dire a l'avan–

lage des Leures: le plaifir_de chanter fes malheurs, en

éloil le charme: il lcs,-oublioil en les raCllnlant ':

iI

en

elll éeé ac.;ablé, s'il ne les eUI pas éeries;

&

li l'on de–

mande pourquoi il les a peints froidemont,

c'ca

paree

qu'il Ce plairoil, a les peindre .

Mais lor[q u'il veut ex primer la -douleur -d'un aUlre

ce n'efi plus dans, Con ame,' c'ea dans fon

imaginatiOt~

qu'il en puiCe les couleurs:

11

ne prend plus fon modele

en lui-meme, mais dans. les poffibles: ce n'ea pas Ca

maniere

d'~ere,

mais fa maniere- de Co-ncevoir qui Ce

reproduil dans res vers;

&

la_

com~ntion

du travail qui

le déroboit

a,

lui-meme, oe fait que lui repréCenrer, plus

vivemeot un perConnage Cuppo[é. Ainli Ovide efi plus

BriCeis ou Phedre dans les

hiroí-d.. ,

qu'i1 n'ca Ovide

dans le,

trifles,

Tou- .

\