ELE
la grande affliaion oous rappelle fous un feul point de
vae, rous nos ditférens déplailirs.
" Oüi, (di! certe malheureufe princelfe, en baignant
de fes larmes la Ilatuo
oe
Thétis, qu'ellc ticnt embraC–
f6e) " oüi, c'ell une furie
&
non une épollfe que Pa–
" ris emmena dans Ilion en
y
amenant Helene; c'ell
" pour elle que la Grece arma mille vailfeaux; c' ell
" elle qui a
~erdl1
mon malheureux
&
cher époux ,
,\ dont un cnnemi ba.bare a traíné le corps pale
&
" détigllré autcur de nos murailles. Et moi arrach ée
" de mon palais,
&
conduite au rivage avec les trilles
" marques de la Cervitude; co!ubicn ai-je verfé de lar–
" mes, en abanaonnant une vllle encore fumante,
&
" mon époux indignement lailfé Cur la pouffiere? Ma\-
heureuCe, hélas, que je fuis! d'ctre obligée de Cur–
" vivee
a
tunt de maux, & d'y Curvivre pour etre I'e–
" fclave d' Hermione, de la cruel le Hermione qui me
" réduit
a
me conCumer en pleurs, sux piés de la déeC–
" fe que j'implore
&
que je tiens embralfée.
Euripidc auroit pil exprimer les
m~mes
ohofes en
vers ·,·umbes eomme i\ le fait par-tout ailleurs; il auroit
pil employcr le vers hexametre; mais
iI
a préféré l'é–
légiaque , parce que l'élégiaque étoit le plus proprc pour
rcndre les felHimens douloureux .
Si nous n'y fentoos pas aujourd'hui ccue propriété ,
cela vient fans doute, de ce que la langue greque n'ef!
plus vivante,
&
de ce que _nous ne Cavons pas la ma–
niere donf les Grecs pronon<;oient leurs vers; cependant
pour peu qu'on falfe de réftexion fur la forme de l'¡–
IIg ie
greque, on reconnoltra aiCément combieo le me–
lange des vers,
h
"ariété des piés, la période commen–
)unt
&
tinilfam au gré du poete,
&
a
quelque meCure
que ce foit, donnent de fucilité
a
varier les vers, fui–
van! les variations qui arri vent dans les grandes paffions
&
rpécialement dans les Centimens douloureux,
&
dans
les accens plaimifs qui en font l'expreffion .
Je dis
¡'ltigie gret[ue,
a
la
différ~nce
de
I'üégie la–
tine,
car les Latins 'en pcenant des Grecs les différen–
tes formes
~
vers, les ont réduites II une Corte de cor–
reaion qui approche preCque de la llérilit'é
&
de la
monotonic .
O n ne peut s'empecher en faiCant ces réflexions fur
le mérite des
éUgie.s
greques, de ne pas
regrett~r
par–
liculierement ceHes de Sapho, de Platon,
d~
Mllnner–
me, de Simonide, de Phile tus, de Callimaque, d'Her–
l11éliauu¡
&
de quelques autres door les outrages du
Icms nous ont privés .
'
11 ne nous ref!e que deux fcules pieces de toutes les
poélies de Sapho, ceue tillé que la beauté de
Con
gé–
nie tit furnommer
la dixiey"e mufe;
mais il ell aifé
de Ce perfuader
I
&
par I'hymne qu'elle adrelfe
a v
é–
DUS
&
par cene ode admirable 011 elle exprime d'une
mal;iere
fi
vive les fureurs de I'amour, combien Ces ¡–
"giC!
devoient etre tendres, palhédques
&
pa ffi onnées .
J ~
penCe auffi que eelles de Platon, fi bien nommé
l'l:lomere des philoCophes, Cont dignes de nos regrets;
j'cn juge par le gou t, les graces, les
b~autés,
le Ilyle
enchanteur de Ces nutres ouvrages,
&
mleu x encore par
les vers paffionn':s qu'¡¡ tit pour Agathon, & que M. de
FOlHenelle a traduits dans Ces dialogues .
LorJt¡u:Agathis pour un
baif.r
deJiáme .
C ,nfmt a me payer des maux 'lue
J
al fmttS;
Sur mes levres foudain je vois voler mon ame
Q.uiveut pa./Jer fur "lIes d'Agathis.
Mimnerme, dont Smyrne,
&
Colophon fe difputerent
la nailfance, dél'loya Ces talens Cupérieurs dans ce gen–
re de poéfie. Etant vieux
&
déja fur le retour, ¡¡ de–
Viflt éperdamel1 t
amour6U~
d'une joucufe de ¡hite appcl–
lée
Nan"o,
&
en éprouva les rigueurs . Ce fut pour
f1échi r cene maltreíle inhumaine, qu'¡¡ compor.1 des
é–
Ilgics
fi
tendres '& li bel.Ies, qu'au rapport d' Athénée
lout le monde Ce fai euit un plailir de les chanter , Sa
poéiie a tant de doueeur
&
d'harmonie, dans les frag,–
mei!s qui nous rellent de lui, qu'¡¡ n'ell pas furprenant
qu'on lui ail · donné le Curnom de L igyllade ,
&
qu' A.- '
galhoc\e en nt fes délices. Sa réputation fe répand lt
dans tout I'univers ;
&
ce qui couronne ron éloge, ef!
(¡n'Horace le préfere
a
Callimagne .
.
Simonide
a
qui l' ¡le de Céos donna. la nallfancc, '
dans la
7S
olympiade, n' eut guere molOs de Cucces
que Mimnerme dans le genre élégiaque . Le caraaere
de Ca muCe étoit
Ii
plaintif que les larmes de $Imo-
!\ide palTerent en proverbe . '
. .
, P.h1Jét3S
&
Callimaque car ie ne les fépareral pOlOt,
v~curent
100S
denx
a
la
~our
de Ptolemée Philadelphe ,
Tome V.
ELE
409
dont Philc!tas fut précepteur
,&
Callimaque bibliorhé–
caire. Les anciens qui font mention de ces deo, pOe'–
tes, les joignent prefque touJours enfemble . Properce
invoque a-Ia-fois leurs manes,
&
quand il a commen–
cé par les loliangcs de I'un , il fillit ordinairement par
les loüaoges de l' autre. Quintilien meme en parlant
de
1'lIigie,
ne les a pas féparés.. Philetas publia plu–
lieurs
éUgits
qui lui acquirent une grande réputation,
&
dont l'aimable Bauis
011
Binis fut l' objet. Elles lui
mériterent une Ilatue de bronze, ou il élOit repréfenté
chuntant fans un plane, ceue Binis qu' il avoil tendre–
ment aimée.
Pour Callimaque, on le regardoit au témoignage de
Quintilien, comme le maltre de
1'lIégie.
Catu lle Ce tit
un honneur de traduire fon poeme fur la chevell1re de
Bérénice,
&
de tranfporter quelquefois dans fes pro–
pres écrits, les penfées
I!?
les expreffions du poete grec ;
&
Properce malgré fes talens, n' aln,bitionnoit que le
titre de
C"I/ima'lue rOIPain .
lrIermélianax contemporain d'Epicure, ef! le dernier
poete grec dont le tems nous a ravi les
élégies.
11
parl1t dans la foule des amans de la fameuCe Léontil1m,
& e'ell
a
cene célebre courtiCane gu'il les avoit adreC–
fées .
La poéfie fut ignorée, ou
peut-c~tre
méprifée des Ro–
mains jufqu'au tems que la Sicile palfa Cous lem do–
mination. Aloes Livius Andronicus, grec d' origine J,..
fut leur infpirer avec I'amour du théatre, quelque goa t
pour nn art fi noble: milis ce gOllt ue
commen~u
de
fe perfeé1ionner qu ' apres que la Grece aílujenie leur
cut donné des modeles. BientO t ils tent eren t les mc–
mes routes'
&
leur émulation étaot de plus en
plu~
excitée ils 'réuffirem entin a le difputer preCque en touS
les
gen~es,
a
ceux-memes qu'ils imitoielll.
Parmi les hommes de gout qui contribueren t davan–
tage al1X progres 'de leur poélie, on vit paroltre Cuc–
ceffivement Tibulle, Properce
&
Ovide ( car je lailfe
Gallus, Valgius, Paffie.nus, donl le tems nous a envié
les écrits ); & ces trois poetes
J
malgré la difi"érence
de leur cnratbere
l '
Ollt fai t admiren leur talent pour le
genre élégiaque: mais Ti!>l1llc
&
Propurce ont fingu–
lierement réuni touS les fu lTrages ; on ne
Ce
lalfe poine
de les loüer.
Tibulle a
con~u
&
parfaitement exprirné le caraé1ere
de
I'éligie:
ce de[ordre ingénieux qui el! fi conforme
a
l~
uature, ¡¡ a Cu le jemr dans fCes
é/égi,,;
on diroit
qu'elles Cont uniquement le froi t du femimem. Rien
de médité, rien de concerté, nul art, null-e étude eu
apparence. La nature feule de
la
paffion ell ce qu' il
s'ell propofé d'i'miter,
&
qu'il a imité en en peignant
les mouvemens
&
les etfcts, par les ¡magos les plus
vives
&
les plus naturelles . 11 déiire ,
il
crai nt; il bla–
me, il approuve; il loue , il condamne; il dételle, il
ai me; il s'irrite,
iI
s'appaife .; il palTe en un moment
des prieres aux menaces , des menaces aux Cupplications .
Rien dans
Ces
éllgics
qui pujíle faire voir de la tiaion,
ni ces termes ambitieux qui forment une efpece de con–
tralle
&
Cuppofent nécelfairement de l' atfeétation , ni
ces allufions Cavantes qui décréditem le pocte, pa¡ce
<jl1'elles font difparoitre la nature
&
qu'elles détrui(ent
la \,¡lailTemblance . D ans Tibulle tout refpire
la
vérité.
1I ell teudre, naturel , délicat, paffionné
I
nobl e fans
falle; iimple Cans balfeile; élégam Cans artitice. 11 fen!
tout ce ql1'il dit,
&
le dit Itl"Jours de la maniere don t
il faut le dire, pour p rrfuader qu'i1le fenl. Soit qu'i\ fe
repréCe:1te dans un deCert inhabité , mais que la préfen–
ce de Sulpitie
I~i
fait trouv er aimable; fo;t qu'il fe
peigne accal>lé d'ennui,
&
reglant, comme s'
il
devoit
expirer de la douleur, ¡'ordre
&
la pompe de Ces fu–
nérai lies il touohe ,
iI
failit, i\ pénelre;
&
quelque
chofe 'lu:il repré[enlC, il IranCporte Con leacur dans tou-
tes les lituations q'u'il déCI'it.
,
/]?roperce, cxact, ingénieux, inllruit, peut. Ce parer
avec raifon du titre de
e
aI/lm"'!tI e romarn;
1I le mé–
rite par le tour de fes exprclfrons , qu'il emprume com–
munément des G recs,
&
par leur cadence qu'
iI
s' ell
peopoCé d'imiter. Ses
élég;CJ
Com I'ouv rage des graces
memes'
&
n'eo
p~
fentir ks beautés , c'ell [e déelarer–
ennemi'des mufes. Rien n'ell au-delfus de fon art, de
fon !ravai l , de Con fav oir dans la fable ; peut-étre quel–
quefois pourroit·on lui en faire
1111
ro~roche;
mais fes
images plaiCent prcCque tolljones . C)'lllhic ell ·elle lége–
remem alfoupie? telle fut ou la filie de M inos, lors
qu'abandonnée par un amam perfide, elle s' endormil
lur le rivage; ou la filie de Céphée, quand déliv rée
d'un monilre atfreux, ene fut oootrainte de céder au
fommeil qui viDt la furpcendre, Cymhie verfe-t'elle des
FU
~
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