XXXV)
DISCOURS PRELIMINAIRE
pas été en état de produire, le notre laiíTera
a
la pofrérité des mOllUmens dont
11 a bien droit de fe glorifier. Un Poete ·célebre par fes talen?
&
par fes
mal~
heurs a effacé Malherbe dans fes Odes,
&
Marote dans {es Epigrammes
&
dans
fes Eprtres. Nous avons vu naltre le feul Poeme épique que la France I>uiffe
oppofer
a
ceux des Grecs, des Romains, des Iraliens, des Anglois
&
des Efpa–
gnols. Deux hommes illufrres, entre lefquels notre narion femble partagée, &
que la poftétité faura mettre chacun
a
fa place, fe d¡fputent la gloire du co–
ihurne,
&
1'011
voit eneore avec Un extreme plajfir leurs Tragédies apres cel–
les des Corneille .
&
de Racine. L'un de ces deuX' hommes, le meme'
a
qui nous
devons la HENRIADE,
fUr
d'obtenir parmi le
tres~perit
nombre de granas Poe–
tes une place dií1:ingllée
&
qui n'efr qu'a lui, poíledc en meme tems au plus
haut dégré un talcor que n'a eu prefque aucun POetc meme dans un dégré mé–
diocle, celui d'écrire en profe . Perfonne n'a micux connu l'art fi rare de ren–
dre fans efforr chaque idée par le terme qlli lui efr propre, d'embellir tour fans
fe méprendre fur le coloris propre
a
chaque chofe; enfin, ce qui caraétérife
plu-S qu'on ne penfe les grands Ecrivains,
(le
n'etre jamais ni au-aeíTus, ni au–
aeHol1s de fon fujet. Son eifai fur le fieele de Louis
XIV.
efl: un morceau d'au–
tant plus précieux que l'Auteur n'avoit en ce genre aucun modele ni parmi les
Anciens, ni parmi nous. Son hifroire de Charles
XII.
par la rapidité
&
la no–
bleíTe dl1 {tyle efr digne du Héros qu'il avoit
a
peindre
¡
fes picces fugitives fu–
périeures a toures ccHes que nous eilimons le plus, fuffiroient par leur nombre
&
par leur mérite pour immortalifer plufieurs Ecrivains . Que ne puis-je en
par~
courant ici fes nombreux & admirables Ouvrages, payer
a
ce génie rare le tri–
but d'éloges gu'il mérire, qu'il a
re~u
tant de fois de fes compatriotes, des é–
trangers,
&
de fes ennemis,
&
auquel la pofrérité mettra le comble quand
il
ne
pourra plus en joüir !
Ce ne follt pas
la
nos femes richeíTes.
Un
Ecrivain judicieux, auffi bon
ci~
toyen que grand Philofophe. nous a donné fur les principes de Lois un ouvra–
ge décrié par q"uelques Franyois,
&
eHimé de toure I'Europe. D'exccl!ens
au~
teurs ont écrit l'hiffoire; des efprirs juíl:es
&
éelairés l'ont approfondie: la Co–
médie a acquis un nouveau genre, qu'on
~uroit
tort de rejetrer, puifqu'il en ré–
fulte un plalór de plus, & qui n'a pas été auffi inconnu des anciens qu'on vou–
droir nous le perfuader; enfíll nous avons p1ufieurs Romans qui nous empechent
de regretter ceux du demier fiecle.
.
Les beaux Al'ts ne font pas moi en bonneur dans notre nation. Si j'en erois
les Amateurs éelairés, notre école de Peinrure efr la premiere de l'Europe,
&
pluíi@U\"s ouvrages de nos Sculpteurs fl'auroient pas été defavoués par les
An–
ciens . La Muóque efl:
peut~etre
de tous ces Arts celui qui a fait depuis qUlnze
ans le plus de progr€s parmi nous. Graces al1x travaux ¿'un génie male, hardi
&
fécond, les Etrangers qui ne pouvoieot fouffi-ir nos fymphonies, commencent
a
les gOllter,
&
les Franyois paroiifent enfin perfuadés que Lulli avoit laiHé dans
ee genre beaucoup
a
faire .
M.
RAMEAU, en pouffant la pratique de fon Art
a
un- fi haut dégré de perfeB:ion, efr devenu tout enfemble le modele
&
I'objet
de la jaloufie d'un grand nombre d'AnUl:es, qui le décrient en s'eff"o\'yant de
l'imitcr. Mais ce qui le difringue plus particuliel"ement, e'efr d'avoir refléchi
avec beaucoup de fucd:s fur la théorie de ce meme Art; d'avoir
fU
trollver
dans la Baife fondamentale le principe de I'harmonie
&
de la mélodie; d'avoir
récl.uit par ce moyen
a
des loís plus certaines
&
plus limpIes, une fcience livree
avant lui
a
des regles arbirraires ou díB:ées par une expérience aveugle. Je fai-
11s avec empreíTement l'occafion de célébrer cer Artifre philofophe, dans un di–
fcours defriné principalement
a
l'éloge des gramds. hommes. Son mérite, dont
il
a forcé Rotre fieele de convenir, ne fera bien connu que quand le tems aura
fait taire l'envie;
&
fon nom, cher
a
la parrie de notre nation la plus éelairée,
ne
peut blefl'er jei perfonne. Mais dut-il déplaire
a
quelques prétendus Méce–
nes, un Philofopbe [eroit bien
a
plaindre,
{i
meme en matiere de fciences
&
de
gout, il ne ' fe permettoit pas de dire la vérité.
Voila les biens que nous poffédons. QueHe idée lle fe formera-t-on pas de
nos tréfors littéraires, fi l'on joint aux Ouvrages de tant de grands hommes les
traval1X de toutes les Compagnies [avantes, defrinées
a
maintenir le gout des
Sciences
&
des Lettres, &
a
qui nous devons tant d'excellens livres! De pareil–
les Sociétés
ne
peuvent manquer de produire dans un gtat de grands avanta–
ges pourvú qu'en les multipliant
a
l'exces, on n'en facilite point l'entrée
a
un
trap
grand nombre de gens médiocres; qu'on en banniíTe toute inégalité propre
.
a
éloi-