Table of Contents Table of Contents
Previous Page  52 / 864 Next Page
Information
Show Menu
Previous Page 52 / 864 Next Page
Page Background

~xxiv

DISCOURS. P RELIMINAIRE

me

me convenir

~ue

cet u[age a contribué a rendre la lumiere plus générale, fi

néanmoins c'eLl: etendre réellement l'e[prit d'un Peuple, que d'en étendre la [u–

perficie, Ccpendant

il

réfulte de-la un ineonvénient que nous aurions bien dfu

prévoir, Les Savans des autres nations aquí nous avons donné l'exemple, ont

eru avee raifon qu'ils éeriroient eneore mieux dans leur Langue que daos la nó-.

tre. L'Angleterre nous a done imité; l'Allemagne, ou le Latin iembloit s'etre

refugié, eommcnee infenfiblement

a

en perdre l'ufage : je ne doute pas qu'elle

ne foit bien-tót fuivie par les Suédois, les Danois, & les Ruffiens. Ainfi, avant

la fin du dix-huitieme [¡ecle, un Philofophe quí voudra s'inLl:ruire

a

fond des dé–

eouvertes de fes prédéeeífeurs, fera contraint de charger fa mémoire de fepn

a

huit Langues difIérentes;

&

apres avoir confumé

a

les apprendre le tems le plus

préeieux de fa vie,

il

mourra avant de eommeneer

a

s'iriil:ruire. L'ufage de la

Langue Latine, dont nous avons fait voir le ridicule. dans les matieres de gout,

ne pourroit etre que tres-utile dans les Ou,!rages de Philofophie, dont la clarté

~

la préeifion dOlvent faire tout le mérite,

&

qui n'ont befoin que d 'une Lan–

gue ul'liverfelle & de convention,

Il

feroit done

a

fouhaiter qu'on rétabl1t cet

ufage: mais

il

n'y a pas lieu de l'efpérer, L'abus d0nt nous 010ns nous plaindre

eLl: trop favorable

a

la

vanité

&

a

la pareífe, pour qu'on fe fIate de le déraci–

ner, Les Philofophes, eomme les autres Ecrivains, veulent etre lus,

&

-{UT-tout

de leur nation, S'ils fe fervoient d'une Langue moins familiere, íls auroient

moins de bouches pour les célébrer,

&

on ne pourroit pas fe vanter de les en–

tendre,

Il

eLl: vrai qu'avee moins d'admirateurs, ils auroient de meHleurs juges :

mais e'eLl: un avantage qui les touehe peu, paree que la réputation tient plus au

nombre qu'au mérite de ceux qui la difrribuent ,

En réeo,mpenfe , cal' il ne faut ríen outrer, nos Livres des Sciences femblent

avoir acquis jufqu'a l'efpece d'avantage qu'il fembloit devoir etre particulier aux

Ouvrages de Belles-Lettres, Un Ecrivain refpe8:able que notre fieele a eIlcore le

bonheur de pofséder,

&

dont je loüerois ici les difIérentes produ8:ions,

fi

je ne

me bornois pas

a

l'envifager eornme Philofophe , a appris aux Savans : fecoúer

le joug du pédantifme, Supéríeur dans 1'art de mettre en leur jour les idées les

plus abLl:raites,

il

a su par beaueoup de méthode, de précwon,

.&

de clarté, les

abaiífer

a

la portée des efprits qu'on auroit cru le moins faits pour les faifIr,

Il

a meme osé preter

a

la Philofopnie les ornemens qui fembloient luí etre les plus

étrangers,

&

qu'elle paroiífoít devoir s'interdire le plus séverement;

&

cette har–

dieífe a été jullifiée 'par le fucces le plus général

&

le plus fIateur, Mais fem–

blable

a

tous les Ecnvains originaux, il a laifsé bien loin derriere lui ceux quí

ont cru pouvoir l'imiter,

L' Auteur de 1'HiLl:oire Naturelle a fuivi une mute différente, Rival de Pla–

ton

&

de Lucrece, iI a répandu dans fon Ouvrage, dont la l'éputation eroit de

jour en jour, cette nobleífe

&

cette élévation de Ll:yle, qui font fi propres aux

matieres pbilofophiqnes,

&

quí dans les écrits du Sage doivent etre la peinture

de fon ame,

Ce¡>endant la PhiJofophie, en fongeant

a

plail'e, parolt n'avoir pas oublié qu'

elle efi principalement faite pour iníh'uire; c'eLl: par cette raifon que le gout des

fyih~!mes,

plus propre

a

fIater l'imaginatíon qu

'¡'¡

éclairer la raiion, eLl: aujom:d 'hui

prefqu'abfolument banni des bons Ouvrages, Un de nos meilleurs Philofophes

femble luí avoir porté les derniers coups

*.

L'cfprit d 'hypothefe

&

de conje–

-ame pouvoit etre autrefois fort utile,

&

avoit meme été néceífaire pour la re–

naiflimce de la Philo[ophie; paree qu'alors il s'agiífoit encore moíns de bien pen–

fer, que d'apprendre

a

penfer par foi-meme, Mais les tems font ehangés, & un

Ecrivain qui feroit parmi nous l'éloge des Syfremes viendroit trop tard, Les a–

vantagei que cet cfprit peut procurer maintenant font en trop petit nombre pour

balancer res inconvéniens quí en réfultent; &

fi

on prétend prouver l'utilité des

SyLl:emes par un tres-petit nombre de découvertes qu'ils ont occafionnées autre–

foís, on pourroit de meme eon.feiller

a

nos Géometres de s'appliqucr

a

la qua–

drature du eercle, paree que les eHorts de plufieurs Mathematlcíens pour la

trouver, nous ont produit quelques théoremes, L'efprit des SyLl:emes eLl: dans la

PhyfIque ce que la Métaphyfique eLl:

da~s

la

Géomé~rie,

,S'U eLl:

quelquef0.i~

né–

eeífaire pour nous mettre dans le chemm de la vénté, 11

~Ll:

prefque touJours

incapable de nous

y

~onduire

Ear lui-meme, Eclairé

p~

l:obfervation de la ,Na–

ture ,

il

peut entrevon' les ,caufes de phénomenes: malS c eLl: au calcul

a

afsurer

pour

*

M. l'Abbé de Condil1ac , de I'Académie .royale des Science6 de Pruffe , dans

fOil

Traité des S'Yft.",,,,

/