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XlCxij

DISCOURS PRELIMINAIRE

utile

a

des etres auffi peu éclairés que nous le fommes fur les raifons premie–

res de toutes chofes ; fes

M01tades

prouvt;nt tout au plus qu'il a

,fl

mieux que

perfonne qu'on ne peut fe former une idée nette

~e

la

mati~re,

mais

~~es

ne

paroUfentpas faites pOU!' la donner; fon

Harmome préétabtte

femble n aJouter

qu'une difficulté de plus

a

l'opinion de Defcartes fU!' l'uhion du corps

&

de l'a–

roe; enfin fon fyfl:eme de

t'Optimifme

efl: peut-etre dangereux: par le pré.endu

avantage qu'il a d'expliquer tout.

Nous finirons par une obfervation qui ne parol tra pas furprenante

a

des Phil0-

fophes. Ce n'efl: guere de leur vivant que les grands hommes dont nous venons

de parler ont changé la face des Sciences. Nous avons déjit vu pourquoi Bacon

n 'a point été chef de feae; deux raifons fe joignent

a

celle que nous en avons

apportée . Ce grand Philofophe a écrit pluíie s de fes Ouvrages dans une , re–

traite

a

laquelle fes ennemis l'avoient forcé,

le mal qu'ils avoiem faít

a

l'hom–

me d'Etat n'a pu manquer de nuire

a

l'Aut~llr.

D 'ailleurs, uniquement occupé

d'etre urile, il a peut-etre embraffé trOP de matieres, pOU!' que fes contempo–

rains duffent fe laiffer éclairer a la fois fur un íi grand nombre d'objets. On ne

permet guere aux grands génies d'en favoir tam; on veut bien apprendre quel–

que chofe d'eux fur un fujet borné: mais on ne veut pas etre obligé

a

réfor–

roer tomes fes idées [ur les leurs. C 'efl: en partie pour cette raifon que les Ou–

vrages de Defcartes ont efIuyé en France apres fa mort plus de perfécution que

leur Auteur n'en avoit fouffert en Hollande pendant fa vie; ce n'a été qu'a vec

beaueouR de peil1l:! que les éeoles om enfin ofé admettre une Phyíique qu'elles

s'imaginoiem etre eontraire

a

eelle de MoiJe. Newton, il efl: vrai , a ttouvé dans

fes contemporains moins de eontradiaion; foit que les découvertes géométri–

ques par lefquelles il s'annons;a,

&

dont on ne pouvoit lui difputer ni la pro–

priété, ni la réalité, euffem accoutumé

a

I'admiration pour lui,

&

a

lui rendre

des hommages qui n'étoient ni trop fubits, ni trop foreé s ; foit que par fa fu–

périorité il imposclt filenee

a

l'envie; foit enfin, ce quí parolt plus diffieile

a

eroi–

re, qu'il eut aff'<lire

a

une nation moins injufl:e que les autres.

11

a eu I'avantage

fingulier de voir fa Philofophie généralement

re~ue

en Arigleterre de fon vivant ,

&

d'avoir tous fes compatriotes pour partifans

&

pour admirateurs, Cependant

il s'en falloit bien que le refre de I'Europe flt alors le meme aeeueil

a

fes Ou–

vrages. Non-feulement ils étoient inconnus en Franee, mais la Philofophie fcho–

lailique y dominoit encore, lorfque Newton alZoit déjil renverfé la Phyfique Car–

téíienne,

&

les tourbillons étoient détruits avant que nous fongeailions

a

les a–

dopter. Nous avons été auffi long-tems

a

les, foutenir qu'a les reeevoir. II ne

faut qu'ouvrir nos Livres, pour voir avec furprife gu'il n'y a pas encore vingr

ans qu'on a eommencé en Franee

~

renoneer au Cartéíianifme . Le premier qui

'<lit oré parmi nous fe déclarer ouvertement Newtonien, efr l'auteur du Difcours

jitr ta fig ttre des Ajlres,

qui ,joint

a

des eonnoiffanees géométriques tres-éten–

-dues, eet efprit Philofophique avee lequel elles ne fe trouvent pas toujours,

&

-ce talent d'éerire auquel ' on ne croira plus qu'elles nllifent, quand on aura lú fes

Ouvrages. M, de MAUPERTUIS a eru qu'on pouvoit etre bon citoyen, fans adopter

aveu.glé~ent

la Phyfique de fon

,pay~

;

&

.pour attaquer eette Phyfiq?e,

il

a eu

~efom

d un eourage dont on dOlt 1m favOll' gré.

En

effet notre na¡lOn, fingu–

li.erement 3,:,ide de nouveautés dans les matieres de gout, efr au eontraire en ma–

tle!'e de SClence tres-attachée

a~x

opinions anciennes, Deux difpofitions fi eon–

tratres en apparenee ont leur pnncipe dans pluíieurs ,eaufes,

&

fm-tout dans eet–

te ardeur de joüir gui femble conllituer notre caraaere, Tout ee gui efr du ref–

fon du femiment n'efr pas fait pour etre lona-tems cherehé,

&

eeffe d'etre a–

gréable, des qu'il ne fe préfente pas tout

d'u~

coup: mais auffi l'ardeur avec 1a–

<¡~elle

nous nous y livrons s'épuife bientót;

&

l'ame dégoCttée auffi-tót que rem–

pite, vole ·vers un nouve1 objet gu'elle abandonnera de meme . Au eontraire, ee

n'eH qu:il fo!,ee de

,m~ditation

que l'efprit parvient

a

ee qu'il cherehe: mais par

c~tte ratf~n

Il

ve~t

JOLur, auffi long-tems gu'il a eherché, [ur-tout lorfqu 'il ne s'a–

glt que d une Phtlofophte hypothétique

&.

conjeaurable, beallcoup moins péni–

ble q!1e des ealculs

&

des combinailo11s exatres, Les Phyfieiens attaehés

a

leurs

thé~nes,

avec le meme, zele

&

par les memes motifs que les artifans

a

leurs

pratl,gues

~

ont fUf ce pomt

e~ueoup

plus de reHemblanee avec le peuple qu'ils

ne. s

.1magm~~t

. •Refpeaons touJours Defcartes; mais abandonnons fans peine des

opllllons. qu

11

eut eombattues lui-meme un íiecle plus tard, Sur-tout ne eonfon–

dons pomt fa

ea~e

avec celle de fes feaateurs. Le génie qu'il a montré en cher–

chant dans la nUlt la plus fombre une route nouvelle quoique trompeufe, n'é-

tojt

11