DES EDITEURS:
xxvij
A la
t~te
de ces illuilres per[onnages, doit etre placé l'immortal Chancelier
d'Angleterre,
FRAK~OIS
BAC01\,
dom les Ouvrages
G
juitement eil:imés,
&
plus ,e~
flimé~ ,
pounant qu'ils ne [ont connus, méntent encore plus notre lec.'ture que
nos éloges. A confidérer les vues faines
&
étendues de ce grand homme,
la multitude d'objets fur lefquels fon efprit s'eít porté, la hardielIe ge fon
fiyle gui réunit par-tout les plus fublimes images avec ' la préci{¡on la pIüs ri–
goureufe, on feroit tenté de le reg,lrder comme
le
plus grand, le plus univer–
fel,
&
le plus éloquent des Philofophes. Bacon né dans le fein de la nuir la plus
profonde, fentit que la Philofophie n'étoit pas encore, quoique bien des gens
fans donte fe flatalIent d'y exceller; car plus un fieele eít groffier, plus il fe
croit inítruit de tout ce gu'il peut favoir.
Il
commen~a
done par envifager d'une
vüe générale les divers objets de tontes les Sciences natllFelles; il partagea cesl
Sciences en différentes branches, dont il fit l'énumératiorvla plus exac.'te qu'illui
fUt poffible: il examina ce que 1'0n favoit déja fur chacun de ces objets,
&
fit
le catalogue immenfe de ce qui reítoir
11
découvl'ir: c'eft le but de fon admira–
ble Ouvrage
de ta dig1úté
~
de
f
accro~f!eme1Jt
des cOll1loiffa1/ces h1tmailtes.
Dans
fon
1t01tVet orga1ze des Scieltces,
il perfec.'tionne les vúes qu'il avoit données dans
le premier Ouvrage;
il
les porte plus loín,
&
fait connoitre la néceffité de la
Phyfique expérimentale, a laquelle on ne penfoit point encore. Ennemi des fy–
fiemes, il n'envifage la Philolophie gue cO,mme cette partie de nos. eonnoilIau–
ces, qui doit eontribuer
a
nouS
rendre mellleurs ou plus heureux :
II
femble la
borner
11
la SeieJlce des chofes ntiles,
&
reeommande par-tout l'étude de la Na–
ture. Ses aun'es éerits font formés fuI' le meme plan; tout, jufqu'a leurs titres,
r.
annonee l'homme de génie, l'efprit gui voit en grand.
Il Y
recueille des faits,
11
Y
compare d:2s expériences, il en indique un grand nombre a faire; il invite
les Savans
11
étudier
&
a
perfeétionner les Arts, qu'il regarde comme la partie
la plus relevée
&
la plus elTentielle de la Science humaine: il expofe avec une
fimplicité noble
fes cOldeaftres
~
fes pettfées
fur les diflérens obJets dignes d'in–
térelIer les hommes;
&
il eut pu dire, comme ce vieillard de Térence, que rien
de ce qui conche l'hum,mité ne lui étoit étranger. Science de la Nature, Mo–
rale, Poli ti que , OEconomique, tout femble avoir été du relIort de cet efprit lu.,
mineux
&
profond;
&
I'on ne fair ce qu'on doít le plus admirer, ou des richef–
fes qu'il répand [ur tous les fujets qu'il traite, ou de la dignité avec laquelle il
en
parle. Ses écrits ne peuvent etre mieux comparés qu'a ceux d'Hippocrate
fur la Medecine;
&
ils ne [eroient ni moins admirés ni moins lús, fi la cultu–
re de l'efprit étoit aufIi chere au genre humain que
la
eonfervation de la fanté.
Mais
il
n'y a que les Cbefs de fede en tout genre dol1t les Ouvrages puülent
avoir un certain éclat; Bacon n'a pas été du nombre,
&
la forme de fa Philo–
fophie s'y oppofoit. Elle étoit trop fage pour étonner perfonne; la Seholaftique
qui domllloit de fon tems, ne pouvoit etre renverfée que par des opinions har–
dies
&
nouvelles;
&
il n'y a pas d'apparence qu'un Philofophe, qui fe conten–
te de dire aux hommes,
voita te p(Jtt que VOU.f avez 4ppris, voici ce q1ti
VOtu
refle
ti
chercher,
foit deHiné a faire beaucoup de bruit parmi fes contem–
porains. Nous oferions meme faire guelque reproche au Chaneelier Bacon d'a.
voir été peut-etre trop timide,
íi
nous ne favions avee c¡uelle retenue,
&
pour
ainfi dire, avee guelle fuperilition, on doit juger un génie
{i
fublime. Quoiqu'
il
avoue que les Scolailiques ont énervé tes Sciences par leurs quefi-ions minu–
tieufes,
Si
que l'efprit doit facrifier l'érude des erres généraux
11
celle des objets
particuliers, il femble pourtant par l'emploi fréql1em qu'il fait des termes de I'E–
cole, quelquefois meme par celui des principes fcholailiques,
&
par des divi..
fions
&:
fu5divifions dont l'ufage étoit alors fort a la mode, avoir marqué un peu
trop de ménagement ou de déférence pour le gout dominant de fon úecJe. Ce
grand homme, apres avoir brifé tant de fers, étoit encore retenu par qnelques
chaines qu'il ne pouvoit ou n'ofoit rompre.
Nous déclarons ici que nous devons prindpalement au Chancelier Bacon l'Ar–
bre ellcyclopédique dont nous avons déja parlé fort au long,
&
que 1'0n trou–
vera
a
la fin de ee Difcours. Nous en avions fait I'aveu en plufieurs endroits du
ProfPe[fus;
nous y revenons encnre,
&
nous ne manquerons aueune occafion
de loe répéter, Cependant nous n'avons pas erú devoir fuivre de point en point
le grand bomme que nous reconnoilIons ici pour notre maitre. Si nous n'avons
pa plaeé, comme lui, la rallon apres l'imagination, c'eíl: que nous avons fui vi
daos le Syfieme encycJopédique l'ordre métaphyíique des opérations de l'Efprit,
plfit"t que l'ordre hiíl:orique de fes progres depuis la renai1Tance des Lettres;
Tome
l.
D
:2..
or-