D E S E D 1 T E U R S.
~xv
1'imagination meme o Qu'on
fuppo~
pour un moment nos Pei ntre,s
&
nos Scul–
pteurs privés de l'avantage qu'ils avoient ode mettre en reuvre la meme matiere
que les Anciens: s'il5 euilent, comme nos Littérateurs, perdu beaucoup de tems
a
rechercher
&
11 imiter mal cette matiere, au lien de ionger
a
en employer
une autt'e, pour imiter les ouvrages meme qui faifoient l'objet de leur admira–
tion, ils auroienr fait fans doute un chemin beaucoup moins rapide,
&
en fe–
roient encore
a
trouver le marbre o
A l'égard de la Mufique, elle' a da arriver ' beaucoup plus tard 11
un certain
degré de perfeétion, parce que c'efi un art (jue les Mo?ernes 0!1t été.obligés ?e
créer o Le tems a détruit tous les modeles que les Anclens aVOlent pu nous lalf–
fer en ce aenre;
&
leurs ECl'Ívains, du moíns ceux quí
110US
renent, ne nous
ont tranfmis fuI' ce fujet
que~des
connoíffances tres-obfcmes, ou des hifioires
plus propres
a
!lOUS étonner qu'a nous infl:ruire o Auffi plufieurs de nos Savans,
poulfés peut-etre par une efpece d'amour de propriété, ont prétendu que nous
avons porté cet art beaucoup plus loin que les Grecs; prétention que
le~
défaut
de monumens rend auffi difucile
a
appuyer qu'a détruire,
&
quí ne peut-etre
qu'alTez foiblement combattue par les prodiges vrais ou fuppofés de la Mufique
ancienne o Peut-etre feroit-il permis de conjeél:urer, avec quelc¡ue vraiffemblance,
que cette MuGque éroit tout-a-fait différente de la nótre,
&
que fi l'ancienne
étoit fupérieure par la mélodie,
1
'harmonie donne
a
la
moderne des
av~ntages .
Nous ferions injuil:es,
fi
a
)'occa[¡on du détail
Ol!
nous venons d'entrer, nous
ne reconnoiillons poinr ce que nous devons a l'Italle; c'efl: d'elle que nous avons
rey
u
les Sciences, qui depuis onr fruétifié
fi
abondamment dans route l'Europe;
c'
íl:
a
elle fur-tout que nous devons les Beaux-Arts
&
le bon gout, dont elle
nous a fourni un grand nombre de modeles inimitables.
Pelldant que les Arts
&
les Belles-Lertres étoient en honneur, il s'en falloit
beaucoup que la Philofophie fit le meme progres, du moins dans chaque narÍon
prife en corps; elle n'a, reparu que beaucoup plus tard oCe n'en pas qu'au fond
il
foit plus airé d'exceller dans les Belles-Lettres que dans la Philofophie; la fu–
périorité en rout genre
ea
égal~ent
difficile a atteindre o Mais la leél:ure des
Anciens devoit contribuer plus promptement 11 l'avancemem des Belles-Lettres
&
du bon gout, qu'a celui des Sciences naturelles oLes beautés littéraires n'ont
pas befoin d'etre vues long-tems 'pour etre fenries;
&
comme les hommes [en–
tent avant que de penfer, ils doivent par la meme raifon juger ce qu'ils fentent
avant de juger ce qu'ils penfent o D'ailleurs, les Anciens n'éroient pas 11
beau–
conp pres
fi
parfaits comme Philofophes que comme Ecrivains o En effet, quoi–
que dans l'ordre de nos idées les premieres opérations de la raifon précedent les
premiers eHorts de l'imagtnation,
celle~ci,
quand elle a fait les premíers pas, va
beaucoup plus vite que l'autre: , elle
a
l'avantage de travailler fuI' des objets qu'
elle enfante; au lieu que la raifon forcée de fe borner 11 ceux qu'elle a devant
elle,
&
de s'arreter achaque inaant, ne s'épuife que trap fouvent en recherches
infruél:ueufes oL'univers
&
les réflexions [ont le premier livre des vrais
Philo[~'phes,
&
les Anciens l'avoient fans doure étudié: il étoit done néceffaire de fal–
re comme eux; on ne pouvoit fuppléer 11 cette étude par celle de leurs ouvrages,
dont la plupart avoient
été
détruits,
&
dont un petit nombre mutilé par le tems
ne pouvoit nous donner fur une matiere aufIi vaHe que des notions fort incer–
taines
&
fort altérées o
La ScholaHique, qui compofoit toute la Science prétendue des fieeles d'¡gno–
rance, nuifoit encore aux progres de. la' vraie Philofophie dans ce premier fieele
de lumiere o On étoit per[uadé depuis un tems, pour ainli dire, immémorial, qu'
on pofsédoit ?ans
tout~
fa
puroe~é
la doél:rine d'Arifrote, commentée par les Ara–
bes,
&
altéree par mIlle addmons abfurdes ou puériles;
&
on ne pen[oit pas
meme a s'aífurer
íi
cette Philo[ophie barbare étoit réellement celle de ce grand
homme, tam on avoit conylI de refpeél: pour les Anciens o C'efl: ainli qu'unc:
foule de peuples nés
&
affermis dans leurs erreul'S par l'éducation, fe croyent
d'a~tant
plus fincel;ement dans le chemin de la vérité, qu'il ne leur efi meme ja–
malS venu enpen[ee de former fur
c~la
le moindre doute, Auill, dans le tems
que plufieurs Eerivains, rival1X des Orateurs
&
des Poetes Gl'ecs , marchoient 11
coté de leurs modeles, ou peut-etre meme les furpalToient, la Philo[ophie Grec–
que, quoique fort imparfaite, n'étoit pas meme bien connue o
Ta ~t
de préju,gés qu'une ,admiration aveugle pour l'antiquité contribuoit
~ e~tretemr, femblOlent le fortlfier encore par l'abus qu'ofoient faire de la [oumlf–
flon dcs peuples quelques Théologiens peu nombreux, mais
pllÍífan~ :
je dis peu
Tome
l o
D
nom~