D E S E D 1
r
E U R S.
XXUJ
,
-
coup de vanité de croine leur ap¡¡>al.1tenir, D'ailleurs cette vanité n'éroit point
fans quelque efpece de prétexte. Le pays de l'érudition & des faits ea inépui–
fable; on crait, pour ainfi dire, voir rous les jours augmenter fa fubfrance par
les acquifitions que l'on y fait fans peine. Au contraire le pays de la raifon &
des découvertes eft d'une aíTe1. petite étendue;
&
fouvent au lieu d'y apprendre
ce que 1'0n ignoroit, on ne parvient
a
force d'étude qu'a def-apprendre ce qu'oll
croyoit fav0ir. C'eft 1'0W'quoi,
~
méFite
f, _
t inégal, un El1udit doit etre beau–
coup plus vain qu'un Philofophe,
&
peut-etre qu'un Poete: cal' l'e[prit qui in–
vente eft toujours mécontent de fes progres, parce qu'il voit au-deli't; & les plus
grands génies trouvent fouvent dans leur amour propre meme un juge fecret,
mais févere, que l'approbation des autres fait tain: pour quelques inuans, mais
qu'elle ne parvient jamais
a
corrompre. On ne doit donc pas s'étonner que les
Savans dont nous parIons miírent tant de gloire
a
joiiir d'une Science hérifIée,
fouvent ridicule, & quelquefois barbare.
11
eft vrai que notre fiecle qui fe croit deftiné
a
changer les lois en tout gen–
re, &
a
faire juftice, ne penre pas fort avantageu[ement de ces hommes autl'e–
fois
ft
célebres. C'eft une efpece de mérite aujourd'hui que d'en faire peu de
cas; & c'eft meme un mérite que bien des gens fe contentent d'avoir.
11
fem–
ble que par le mépris que ron a pour ces Savans, on cherche i't les punir de
l'eftime outrée qu'ils falfoient
d'eux-m~mes, o~
du luffi'age J?eu
éclah:é
de leurs
contemporains;
&
<lu'en foulant ,aux. p'lés ces
l_~,oles,
on, ,:eUllle en falre <?ublier
~fqu'aux
nGms. Mals tout
exce~
eft InJufte. JOUlíTons plutot avec re,connc,>Lil'ance
du
travail de ces hommes laboneux. Pour nous met&re
a
portée d extralre des
Ouvrages des Anciens tOUt ce qui pouvoit nous etue utile, il a faUu qu'ils en ti–
raíTent auffi ce qui ne l'étoit pas: on ne fauroit tirer 1'0r d'une mine fans en
faire fortir en meme fems beaucoup de matieres viles 0U moins précieufes; ils
auroient fait comme nous la féparation, s'ils étoieJ1lt venus plus tard,
L
'Erudi–
tion, éroit donc néceíl'aire pour nous conduire aux Belles-Lettres.
En effet, il ne faUut pas fe livrer long-tems a la lcaure des Anciens, pour fe
convaincre que dans ces Ouvrages meme ou 1'0n ne cherchoit que des faits
&
des mots, ir
y
avoit mieux
a
apprendl1e. On
apper~ut
bientót les beautés que
leurs Auteurs
y
avoient répandues;
~ar
fi les hommes , comme n0US l'avons dit
plus haut, ont befoin d'etre avertis du vrai, en recompenfe ils n'0t1t bef@in que
de l'etre. L'admiration qu'0J1l avoi,J: eu jufqu'alors pOUl' les Anciens ne pouvoit
etre plus vive: mais ellle commens;a
a
devenir plus jufte. Cependant elle étoit
encore bien loin d'etre raifonnable. On crut qu'on ne pouvoit les imiter qu'en
les copiant fervilement,
&
qu'il n'étoit poffible de bien dire que dans leur Lan–
gue. On nepenfoít pas que l'étude des mots
ea
une efpece d'inconvénient paf–
fager, nécefIaire pour faciliter l'étude des chofes, mais qu'elle devient un mal
réel, quand elle la retarde; qu'ainli on auroit dú fe b9rner
a
fe rendre familiers
les Auteurs Grecs & Romains, pour profiter de ce qu'ils avoient penfé de meil–
leur;
&
que le travail auql!lel il faUoit fe livrer pour
écrir~
dans leur Langue,
étoit autant de perdu pour l'avancement de la raifon. On ne voyoit ras d'ail–
leurs, que s'iI
y
a dans les Anciens un grand nombre de beautés de ityle per- ----....
dues pour nOl!lS,
il
doit
y
avoir auffi par la
meme rauon bien des d¿fauts qui
échappent,
&
<J.ueJ'on cotp't rifque de copier comme des beautés; qu'enfin tout
ce qU'on pourrOlt efpérer par l'ufage fervile de la Langue des Anciens, ce fe–
roit de fe faire
un
ftyle bifárrement aíl'orti d'une infinité de ftyles différens, tres–
correé!:
&
admirable meme pour nos Modernes, mais que Cicéron ou Viro-ile au–
roient trauvé ridicule. C'efr ainfi que nous ririons d'un Ouvrage écrit e:: notre
Langue,
&
dans lequel l'Auteur auroit raíl'emblé des phrafes de Boíl'uet, de la
Fontaine, de la Bruyere , & de Racine, perfuadé avec raifon que chacun de
ces Ecrivains en particulier eft un excellent modele,
Ce préjugé des premiers Savans a produit d:ms le fei1.ieme fieele une foule de
Poetes, d'Orateurs, & d'Hiftoriens latin5., dont les Ouvrages, il faut l'avoüer
~
tirent trop fouvent leur principal mérite d'une latinité dont nous ne pouvons gue–
re juger. On peut en comparer quelques-uns aux harangues de la plUpart de nos
Rhéteurs, qui vuides de chofes, & femblables
a
des corps fans fubftances, n'au–
roient befoin que d'etre mifes en
fran~ois
pour n'etre lúes de perfonne.
Les Gens de Lettres font enfin revenus peu-a-peu de cette efpece de manie.
11 Y
a
apparence qu'on doit leur changement, du moins en partie,
a
la prote–
aion des Grands, qui font bien-aisés d'etre favans ,
a
conditiol1 de le devenir
fans
peine,
&
qui
veulent
pouvoir juger
fans
étude d'un Ouvrage d'efprit, pOUl"
prix