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DISCOURS PRELIMINAIRE
créer, commence par raifonner fur ce qu'il voit
.&
ce qu'il connolt . Un autre
motif quí doit déterminer
a
placer la raifon as,ra1'l[ l'imagination, c'efi q e dans
cerre derniere faculré de l':lme , les deux aurres fe trouvent réunies j.u1<lu'a un
certain point,
&
qu la raífon s'y Joint
a
1« mémoire. L'efpl'it ne crée
&
n,'ima·
gine des objers qu'en tant qu'ils font femblables
a
e~ux
qu'H
a comlU6 par des
ídées diret1es
&
par des
fenfa~ions;
plus
il
s'éloigne de ces objets ,.plus les etres
qu'il forme font bifalTes
&
peu agréables . Ainfi dans l'imitatioD>de la NatUl'e,
l'inV'j:!ntíon meme efi aífujettie
a
certaines regles;
&
ce font ces regles quí for–
ment principalement la partie philofophique des Beaux-arts , jufqu{a
pr<Hi~nt
a'Ífez
imparfaite, paree qu'elle ne peut etre l'ouvrage que du, génie,
&
que le génie
aime mieux créer que difcuter.
Enfin, fi on examine les progres de la raifon dans fes opérations
f¡
ccdlives,
on fe convaincra encore qu'elle doít précéder l'imagination dalils l'ordre de .nos
facultés, puifque la rallon, par les dernieres
o~érations
qu'eUe fait fU>t les obJets,
conduit en quelq'ue forte
a
l'imaginarion; cal' fes opérations ne
c~Flfifl:ent
qu'a
créer, pour ainfi dire, des erres généraux, qui féparés de lem fujet 1'>a1' abiha–
aion, ne font plus du re{fort immédiat de nos fens.
Aufii
la Métaphyfiql1e
&
la
Géométrie font de tomes les Sciences qui apparriennen1!
~
l'li ralfon, ceHes ou
!'imagination a le plus de parto J'en demande pardon
a
nos beaux efprits détra–
aeurs de la Géométrie; ils ne fe croyent pllS fans doure fi pres d'elle,
& il
n'y
a peut-etre que la Métaphyfique qui les el'l fé'pare. L'imllginaüon dans un Géo-'
métre qui crée, n'agit pas moins que dans un Poete quí invente.
U
eíl: vrai qu'
ils operent différemment fur leur objet; le premier le dépouille
&
l'analyfe, le
\ fecond le compofe
&
l'embellit.
11
eH encore vrai que cette maniere diflérente
d'opérer n'appartient qu'a diflérentes fortes d'efprits;
&
c'ett pour cela que les
talens du grand Géomérre & du grand P06te ne fe trouveront
pelil~-etre
jamais
enfemble. Mais foir qu'ils s'excluent ou lÍe s'excluent pas 1'un de 1'autre, iJs he
font nullement en droit de fe
~éprifer
rédproql'lement. De tous les grands horo·
mes de l'antiquité, Archimede efl: peut-etre celui qllÍ tnérite le plus d'etre pla.
c&
a
coté d'Homere. J'efpere qu'on pardonnera
ce~te
digreffi0n
a
un Géométre
qui aime fon art, mais qu'on n'accuiera point d'en etre admiraneur outré;
&
je reviens a roon fujet .
.
~a
diftributio.n générale des erres en fp!l'it?,els
&
en
!Datéri~ls
fourrot
la
fons–
dtvtfion des trOls branches générales. L'Hlito)\re
&
la Pbtlofophle s'O'ccupent éga.
lement de ces deux efpeces d'etres,
&
l'imaginatiofi ne travaille que d'apres les
etres purement matériels; nouvelle ralfon pour placer la derniere dans l'ordre
de nos facultés . A 'la tete
~s
etres fpirituels
eft
Dieu, qui doit tenir le pre-
mier rang par fa nature,
&
par le bef0in que nous avons de le cotllloltre.
Au–
delTous d, cer Etre fupreme font les efprits créés
1
dont la }'évélation nous ap·
prend l'exifience. Enfuite vient l'homme, <¡ui compofé de Geux principes, tient
par. fon ame aux efprits,
&
par fon corps
ah
monde matérie1;
&
enfin ce vafie
Umyers que nous appellons le Monde corporel
O'U
la Nature . Nous ignorQns pour–
qU0l l'Ameur célebre <¡ui nous fert de guide dans cette dillributoiah, a plaeé la
nature avant l'homme dans fon fyfieme; il femble au contraire que tout engage
i
pl~e~r
l:homme fur
l~
paíTage qui fépare 1?ieu
&
les
efprits d'avec les corps.
L HlftOlre entant qu elle fe rapporte
a
Dleu) r€nferm@
OM
la révélátion ou
la
tradirion,
&
fe divife fous ces deux points de vúe en hifl:olre facrée
&
en hi–
iloire .eccléfiallique. L'hifioire de l'homme a ponr sbjet,
9U
fes aaions ou fes
connoiífanees;
&
elle eH par conféquent civile,
~u
littéraire
1
E:'efi~i1-dire,
fe par
tage entre les grandes natlons
&
les grands gentes, entre les
ROlS
&
le9 Gens
de Lettres, entre les Conquérans
&
les Philofophes. Errfln l'hifiolre de la Natu–
r~
efl: eelle des produaions innombrables qti'on y obferve,
&
forme une quan–
tité de branches prefque égale au nombre de ces diverfes produ8ioflS, Parmi
a~s
ditférentes branche,s '.
d~it
etre placée avec diHihaion l'hifioire des Arts, qui
n
~fl:
tre chofe que
1
"1
OJ~ ~es
ufages que les hommes ont faits des produ–
alOns de la nature, pour fatlsfalre
a
leurs befoins ou
a
leur curi06té.
Tels
~ont
les ?bjets
pl:inc~paux
de la mémoire. Venons préfeitteroent
a
la fa–
culté qUl refléchlt
&
qU! ralÍonne. Les etres tallt fpi1"iruels que roatériels fur lef–
que!s
.e.ll~
s'exerce;
ay~nt
quelques propriétés générales, comme l'exifience , la
poihb.llIte,
l~
duree;
1
examen de ces propriétés forme d 'abord cette branche de
la Phllofophle, dont tous les autres empruntent en partie leurs príncipes: on la
nomme l'Onrologie ou. Science de
rEtr~, ~u
Métaphyfique génerale. Nous de–
fcendons ,
qe-l~
aux
dlfl~rens
erres part'lculters;
&
les diVifions que fournit
la
Scien.