QURS PRELIMINAIRE
noitfanees ou 'la fpéculation fe reunit
a
la
pr~tique;
& 1'on difpute,
p~r exem~
pIe, tollS les jours' dans les éeoles,
li
la Loglque efr un art ou une 'fClence: le
probleme feroít bien-tot réfolu, en répondant
~u'elle
eü
a
la foi.s ,l'.une
&
l'au–
tre. Qu'on s'épargneroit de quefrions
&
de pemes,
fi
on détermmOlt
~nfil1
la
li–
gnification des motS d'une maniere nette & précife !
On peut en général donuer le nom
d'Art
.3.
tout fyfreme de connoiífances qu'il
dI: poffible de réduire a des regles pofitives, invariables & indépendantes du ca–
price ou de l'opinion ;
&
il
feroit permis de dire en ce fens , que pl';Ifieurs de
nos fciences fom des arts, étant envifagées par leuT coté pratique. MaIs comme
.jI
y
a des regles pour les opératiol1s de l'efprit ou de l'ame, il Yen
~
auffi p,our
celle,s du corps; e'efr-a-dire pour c;lles qUl bornées aux
corp~ ~xté!'leurs,
n ont
befo.m que de la main feule pour etre
ex~eu.tées.
,De-la la dlfrmélion
d~s
Arts
en hbéraux
&
en méchaniques,
&
la fupénonré qu on accorde aux premIers fur
les feconds . Cette fupériorité efr fans doute injn{l:e
a
plufieurs égards. Néan–
moins pai'mi les préjugés, tout rídicules qu'ils peuvent etre,
il
n'en efr point qui
n'ait fa raifon, ou, pour parler plus exaél:ement, fon origine;
&
la Philofophie
fouvent impui{fante pour corriger les abus, peut au moins en démeler la fource .
La force du eorps ayant été le premier principe qui a rendu ¡nutile le droit que
tous les hommes avoient d'etre égaux, les plus foíbles dom le nombre efr t>úujours
le plus grand, fe fom joints enfemble pOUl' la réprimer. lis ont done étabJi par
le fecours des loís
&
des diflérentes fortes de gouvernemens , une inégalité de
convention dont la force a ceífé d'e tre le principe. Cette derniere inégalité étant
bien affermie, les hommes, en fe réuniífant avec raifon pour la conferver, n'on\:
pas laiífé de reelamer fc:cretement contre elle par ce defir de fupériorité que rien
n'a pu détruire en eux.
Ils
ont done cherehé une forte de édommagement dans
une inégaliré moins arbitraire;
&
la force corporelle, enchainée par les lois, ne
·pouvant plus offrir aueun moyen de fupériorité , ils ont été reduits a chercher
aans la dlff&ence des efprits un principe d'inégalité auffi naturel, plus paifible,
& plus .lltile
a
la foci été. Ainfi la partie la plus noble de nótt'e etre s'efr en quelque
maniere vengée des premiers avantages que la partie la plus vile avoit ufurpés;
&
les talens de l'efprit ont été généralement reconnus pour fupérieurs
a
ceux du
corps. Les Arts méchaniques dépendans d'une opération manuelle,
&
aífervis,
qu'on me permette ce terme, a une efpeee de routine, ont été abandonnés
a
'ceux .d'entre les hommes que les préjugés ont placés dans la c1aífe la plus infé–
rieure, L'indigence qui a forcé ces hommes
a
s'appliquer
a
un pareil travail, plus
fouvent que le gout
&
le génie ne les y ont entrainés, efr devenue enfuite une
raifon pour les méprifer, tant elle nuit
~
tout ce qui l'accompagne. A l'égard
des opérations libres de l'efprit, elles ont été le partage de ceux qui fe font crus
f~lf
ce point le plus favorifés de la Nature . Cependant ravantage que les Arts
liberallx ont fur les Arts méchaniques, par le travail que les premiers exigent de
],~fprit,
&
par la difficulté d'y exceller , efr fuffifamment compenfé par l'utilité
bIen fupérieure que les derniers nous procurent pour la plUpart, Gen cette ut'–
lité
rn~ t?e
qui a f?rcé de les rédúire
a
des opérations purement machinales, pour
en facihter la
p~atlgue
a
un plus grand nombre d'hommes. Mais la fociété, en
reff'eétant avec Ju{l:lce les grands génies
qui
l'éclairent, ne doit point avilir les
mams qui la fe,rvent. La découverte de la Bouffole n'e{l: pas moins avantageufe
au gem:e
~umam,
que ne le feroit
a
la Phyfique l'explication des propriétés de
cette algUllle. Enfin,
a
confidérer en lui-meme le principe de la diLl:inétion dont
nous parlons, combien de Savans prétendus dont la fcienc l:; n'c;!{l: proprement
qu'u~
aJ;t méchanique?
&
queHe différence réelle
y
a-t-il entre une tete remplie
de fam fans ordre , fans ufage , fans liaifon ,
&
l'inilinét d'un Artifan réduit
a
l'exécution machinale?
L~
mérris qu'on a pour les Arts méchaniques femble avoir influé jufqu'a
mí
certal,n pomt [ur les
inven~eurs
memes . J...es
~oms
de ces bienfaitems du genre
humam font prefque tous lnconnus, tandis que l'hifroire de fes defrruéteurs, c'eft–
a-dire
~es
con9.uérans, n'efr igl10rée de pe¡;[onne. Cependant c'efr peut-etre chez
les
~rtlf~ns
qu
tl
fau~
aIler chercher les preuves les plus admirables de la fagacité
de l-erpr}t.' de fa patlence
&
de fes reffources. j'avoue que la plUpart des Ans
n'ont et<:: mventés que peu-a-peu,
&
qu'il a fallu une aífez lon&ue fuite de fieeles
po~r
porter les. montres, par exemple, au point de perfeétion ou nous les voyons,
-!'1als
n'e~
efr-ll pas de
me~e
des Sciences,? Combien de découvertes qui ont
~mmQrtalifé
les autems, aVOlent été préparees par les travaux des fieeles précé–
<lens , fouvent meme amenées
a
leur maturité ,
¡iU
point <;le ne demande' plus
qu'un