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DISCOURS PRELIMINAIRE
nombreux, car je fuis bien éloigné d'étendr
a
un Corps refpeétable & tres-é–
clairé, une accufation qui fe borne
a
~uelques-uns
de
f~s,
l?,;mbres, On,
~voit
perIDls aux Poetes de chanter dans leurs Ouvrages les dlvllutes du Pagaru{me,
parce qu'on étoit perfuadé avec raifon que les noms de ces divinités ne pouvoient
plus etre qu'un jeu dont on n'avo\t rien
a
ctaindr'e, Si d'un coté, la-religion des
Anciens, qui animoit tout, ouvroit un vafre champ
a
l'imagination des beaux Ef–
prits; de l'autre, les principes en étoient trop abfurdes, pour qu'on appréhen–
dát de voir reffufciter Jupiter & Pluton par quelque feéte de Novateurs, Mais
ron craignoit, ou l'on paroiffoit craindre, les coups qu'une raifon aveug1e pou–
voit porter au Chrifrianifme: comment ne voyoit-on pas qu'il n'avoit point a re–
douter une attaque auffi foible? Envoyé du ciel aux hommes, la vénération 11
juíl:e & fi ancienne que les peuples lui témoignoiellt, avoit été garantie pour tou–
jours par les promeíIes de Dieu meme, D'ailleurs, que1que abrurde qu'une reli–
gion puiffe etre (reproche que l'impiété feqle peut faire
a
la natre), ce ne font
jamais les Philofophes qui la détruirent: lors meme qu'ils enfeignent la vérité,
ils fe contentent de la montrer, fans forcer perfonne
a
la
reconnolrre; un tel pou–
\roir n'appartient qu'a l'Etre tout-puiíL'1llt: ce font les hommes infpirés qui éclai–
.rent le peuple,
&
les enthoufiaíl:es qui l'égarent, Le frein qu'on efr obligé de
mettre
a
la licence de ces dernieres ne doit point nuire
a
cette liberté- fi né–
cefIaire
'3.
la vraie Philofophie,
&
dont la religion peut tirer les plus grands a–
vantages, Si le Chriíl:ianifme ajoute a la Philo[ophie les lumieres quí lui man–
quent, s'il n'appartient qu'a la Grace de foumettre les incrédules, c'eíl: a la Phi–
lofophie qu'il eH réfervé de les réduire au filence;
&
pour affurer le triomphe
de la Foi, les Théologiens dont nous parlolls n'avoient qu'a faire u[age des
ar~
mes qu'on auroit voulu employer contre elle,
Mais parrni ces memes hommes , que\ques-uns avoient un intéret beaucoup plus
rée1 de s'oppofer
a
l'avancement de la Philofophie, Fauffement perfl!ladés que la
Groyance des peuples eíl: d'autant plus ferme, qu'on l'exerce fur plus d'objets dif–
férens, ils ne fe contentoient pas d'exigel' pour nos
Myíl:ere~
la foumiífion qu'ils
méritent, ils cherchoient
a
ériger en dogmes lAtrs opinioPls particLlliel'es ;
&
c'é–
teit ces opinions memes, bien plus que les dogmes, qu'ils vouloient mettre en
sureté, Par-la i1s auroient porté
a
la religion le coup le plus terrible, fi elle eut
été l'ouvrage des hommes; cal'
il
étoit
11
craindre que leurs opinions étant une ·
fois reconnues pOill" fauffes, le peuple qui ne difcerne ríen, ne tI'aitat de la me–
me maniere les vérités avec lefquelles on avoit voulu les confondre,
D'autres Tbéologiens de meilleure foi, mais auffi dangereux, fe joignoient
a
ces premiers par d'autres motifs, Quoique la religion foit ulliquement deíl:inée.
11
régler nos mceurs & notre foi, ils la croyoient faite pour nous éclairer aum
fur le lyíl:eme do monde, c'eíl:-a-dire, fur ces matieres que le Tout-puifI:mt a
expreílement abaodonnées
a
nos difputes, lis ne faifoient pas réflexioil que les
li\1~es
facrés & les Ouvrages des P eres , faits pour montrer au peuple comme aux
~hl)o!ophes
ce qu'il faut pratiquer
&
croire, ne devoient point fur les queíl:ions
mdttlerentes parler un aurre langage que le peupJe, Cependant le despotifme
théologique on le préjugé l'emporta, Un tribunal devenu puifTant dans le Midi
de l'Europe, dans les Indes, daos
le
nouveau Monde, mais que la
Foi
n'ordon–
ne point de croire, ni la charité d'approuver,
&
dont la France n'a pu s'accou–
tumer encore
a
proooncer le nom fans effi'oi, condamna un célebre Aíl:ronome,
pour avoir fouteou le mouvement de la Tene,
&
le déclara hérétique, a-peu–
pres comme le pape Zacharie avoit condamné quelques fiecles auparavant un E...
veque , pour n'avoir pas penfé comme S, ALlgullin iur les Aotipodes,
&
poura–
voir deviné leur exifrence
fix
cens aos, avant que Chriíl:ophe Colomb les décou–
vrit, C'eíl: ainfi que l'abus de l'autorité fpirituelle réunie
a
la temporelle forcoit
la raifon au ulence;
&
peu s'en fal1m qu'on .ne défendh au genre humaitl de
penfev
(1).
'
Peodant que des adverfaires peu infrruits ou mal intentionnés faifoiel1t ouver–
rement la guerre
a
la Philofophie, elle fe réfugioit, pour ainu dire, dans les Oll–
vrages de quelques grands hommes , qni, fans avoir l'ambition dangerenfe d 'ar–
racher le bandeau des yeux de leurs contemporains, préparoient de 10il1 d:1lls
l'ombre
&
le fliellce la lumiere dont le monde devoit etre éclairé
peu-a-pel~
&
par degrés infenfibles.
A la
(1)
Voyez;, la 1tote de t'articte
Inquil1tion.