AMO
von IfOUS plll'Olt plus conridérable que celle que 1I011S
abandoonolls. O r , des quc 110US nous regardons com–
IRC la. moindre partie dans le tout; c'cLt une préféren–
ce manifelle de l'objce aimé. On peue dire la mcmc
chofe d'uo homme , qui voloutairement·& de [ells-froid
t;Jleurr pour la gloire: la vie imaginairc qu'il achere au
prix de 10 n eU'e récl, ell une préféreocc bien ineon-
. tcllllblc de la gloirc, & qui junifie la dillinéHon que
qucJqucs écrivains ont mire avoc (agelfe entre
l'alnollr–
propr.
&
l'amoltr
d.
lloItI-mémeI.
Avec
l'amour de
"PIII-mémeI,
di(ent-i1s , on cherche hors de Coi [oo' boo–
hcur; on s'aime hors de [oi davantage, que dans ron
cxillcoce proprc; on n'ea point foi-me me fon obje! .
L '
amo"r-prop"
au conlraire [ubordonoe tout
ii
fes com–
modités
&
a
[00
bien-~tre :
il ea
ii
lui-meme Con ob–
jet & (a fin ; de [one qu'au lieu que les paffions qui
viel1ncnt de l'
amo"r de nOIII-mémeI
nous donnent aux
ch0(es,
I'amour-propr.
veut que les cho(es [e donnent
a
l10US,
&
fe raie le centre de tout.
L'
am.¡:r de nOIII-mémeI
ne pem pécher qu'en execs
ou _Gn qualiré; il fam .qua (on déréglemem cooliac en
ce que nous nOUS aimons trop ou en ce que nous
nous aimons mal, ou dans l'un
&
dans j'autre de c;es
défauts joints eo(emble. .
--~
L'
amoftr de " olu-méme!
De
p~he-point
eo
exc~s
: ce–
la parolt de Ge qu'il ell permis de s'aimer tallt qu'on
veut, quand on s'aime bien . En etfet, qu'eft-ce que
s'aimer foi-meme? c'en defirer (on bien , c'ea "'crain–
<lrc fon mal, c'ell rechercher fon bonheur. Or j'ayoue
qu'il arrive fouvcnt qu'on derinO'
trop , qu'on craint
trop,
&
qu'on s'attachc
a
ron plaifir, ou
~
ce qu'on
regarde comme fOil bonheur, avec trop d'ardeur: mais
prcoez garde que f'cxces vienr du ·défaut qui ea dans
l'objet de vos pal1ions,
&
non pas de la rrop grande
merare de
l'nmOltr
de
'lJol!S-méme.
Ce qui le prouve ,
e'ea que 'oIOUS potlvez
&
vous devez meme deLirer
f,1ns bornes la fouverai ne félicité , crailldre (ans bornes
la fouveraine miCere;
&
qu'il y auroit meme du déré–
glelllcnr
¡\
n'avoir que des delirs born€s pour un bien
ihli ni.
En etfet,
fi
I'homme ne devoit .s'aimer lui-meme que
d'lIls une me(ure limitée, le vuide de ron creur ne de–
"roit pas
~tre
infini;
&
ri le vuide de foo creur ne
devoit pas I!tre infioi, il s'enfuivroit qu'il n'.auroit pas
~té
fait pour la polfeffion de Dieu, mais pour la po[–
feffion d'objets linis
&
bornés.
Cependant la
. reli~ion
&
l'expérience nous apprennent
également le contralre. Rien n'ea plus légitime
&
plus
jul1e que cette infatiab1e avidité, qui faie qu'apres la
polfeffion des avantages du .monde, oous therchons en–
core le (ouyerain bien . De tous ceux qui l'om cherché
dans
le~
objels de cette vie , aucull ne 1'3 trouvé. Dru–
tus
j
qui avoit fait une profeffion particuliere de fagelfe ,
avoit cru ue pas fe tromper en le eherchant dans la
vertu: ma;s comme il aimoit la vertu pour
elle-m~me,
au Iíeu qu'elle n'a rien d'aimaJ>le
&
de loüable que
par rappon
a
Diell; coupable d'uue belle
&
fpirituelle
Idolatrie , il n'en fut pas moins groffieremcnr dé'Yli; il
fut obligé de reconnoltre fon erreur en mouram, lor[–
qu'il s'écria :·
O
vertu, je reconnois que tr/' n'es qu'un
miférabl. fantq""e,
&c.!
Cette infariab le avidité du "reur de l'homme n'eft
donc pas un mal . II falloit qu'elle fUt , alia que les
hommes fe trollvalfeot par-I:l difpo(és
ii
ehercher D ieu .
Or ce q\le dans l'iMe Illéraphorique
&
ligurée , nous
appellons
tUI
creur qui
ti.
fine capacité infinie , ten 1)ui–
de
'l"i
1Ie
p",e élre rempJi par /eI créattlreI
i
fignitie
dans I'idée propre
&
Iíttérale, une ame qui derire na–
turellement un bien inliui,
&
'lui le delire fans bornes,
qui n€ peut etre contente qu'apres ¡'avoir obtenu. Si
donc il eft nécelfaire que le vuide de notre cceur ne
[oit point rempli par les créatures, il en néeclfaire
que nous deririons i:lfiniment, c'eft-a-dire que nons
1l0US aimions Dous-memes 'fans mcJure. Cal' s'aimer,
c'efl: deLirer (011 booheur.
.
.
Je
fai bien que notre nature étaut bornée, elle n'ell
pas capable ,
a
parler exaétemem, de (ormer des delirs
mfinis en véhémenee: mais fi ces delirs l1e (ont pas
iofinis en ce fens , ils le Com cn un antre; cal' il cll
cenain que notre ame delire felon toute l'':tendue de
[es forees! que li le nombre des etprits nécelfaires
a
1'01'–
gane pou\'oit croitre
ii
l'il1fini, la véhélllence de fes de –
Jirs eroitroit auffi
:l
l'infini;
&
qu'enfin li I'infinité n'eft
point dans I'aéte , elle eft dans la difporition du creur
narorellement inCatiable.
Aul1i ea-ce un grand égarement a'oppofer
I'amo"r
d,
nOHI-mémeI
a
l'amour divio, quaod celui-la ell bien
T.m.
l.
AMO
réglé: caroqu'ell-ce que s'al mel' (oi-meme commc
il'
f3m? C'eCl :limer D ieu;
&
qu'eCl-ce qu'aimer Dieu?
C'ell
s'aimer foi-m':me comme il faut. L'amour de
'Dieu ell le bon fcns dc
l'amo:<r de nortI-mému;
c'ca
eCl l'efprir
&
la perfeétion. Quand I'"mor"
d_
nofU–
méme1
(e tOHme vcrs d'autres objets, il· ne mérite pas
d'crre appeIlé
am."r;
il dt plus dangereux que la hai–
ne
la
plus crucllc : mais quand l'
amo"r de no1tI-mé–
meI
(e tourne vers Dicu " il fe confond avec l'amom
divin o
'J'ai inri'oué dan> ce que je viens de dire, que .I:a–
mour de no1tI-mémCI
allume toutes nos autres affcéHons ,
&
ea le principe général de nos mouvemens. Voici la
preuve de cette vérité: en' concevant une natare intelli–
gente , nous concevons une volonté; une volonté (e
por.tenécc/lairemem
ii
I'objet qui lui convient : ce qui
lui cOllvient ell un bien par rappon
ii
elle,
&
par con–
(équent fon bien· : or aim'lIle toiijours fon bien, par-J:l
elle s'aime elle-meme,
&
aime tout par rappor! :\ elle–
meme; cal' qu"e(l-ce que la
con·venanc.
de I'objet au–
quel eHe fe pon e, rinon un rapport elfemiel 3 elle?
Ainli quand elle aime ce qlii
a-
rappon
a
elle, comme
lui convenant, n'eft-ce pas elle-meme qui s'aime dans
ce ' qui lui conviem?
j'avoue que l'affcéloion que nOU5 avons pour les
311;-'
tres , fait quelquefois naltre nos dclirs, nos eraintes ,
&
nos efpérances: mais quel ea le principe de cette-:ttfe–
étion ; fi ce n'ell
I'amour de nouI-mémeI?
Con-rIdere'L
bien toutes les (ources de nos amitiés ,
&
vous trou–
verez ql1'elles (e réduifent
'a
I 'imér~t,
la reconnoiíF.m–
ce, la proximité , la (ympathie , & une convenance dé–
licate entre la vertu
~
l'arl1:our de
n01/.J-mémes ,
qui faie
que nolts eroyons l'aimer pour el le-meme, quoiquc oous
l'aimions en effee pour I'amour de nous;
&
tout cel3
fe réduit
ii
I'amoter de nouI-mémeI.
La proximité tire de-\i\ toute la force qu'elle a pour
allumer DOS atfeétions : nous aimons nos enfáns parce
qu'.ils [ont nos enfans; s'ils étoiem les enfans d'un au–
tre, ils nous [eroiem inditférens. Ce
n'~ft.
done pas.
el1X que nous aimons, c'eft la proximité qui nous lie.
avec eux.
11
ell vrai que les enfans n'aiment pas tam
leurs peres que les peres aimem leu'rs enfans: m-ais cet–
te différence vient d'ail leurs .
Voy.
A~!
o
U R P A TER–
N EL
&
F I L I AL.
Au refte , comme il y a proximi–
té de [ang , proximité de profeJlion ; proximiré de pays ,
&c.
iI
e!t certain auffi que ces affeétions fe diverlifient
a
cet égard en une infi nité de mauieres: mais il faut
que la proximité' ne (oit point combattue par
l 'intér~t
;
car alors celui-ci I'emporte infail liblemem ..
~'intéret
va
direétemem
ii
nous ; la proximité n'y va que par ré–
tlex.ion : ce qui fait que I'iméret agit t011jours avec plus
de force que la proximité. M ais en cela , comme en
toute autre chofe, les circona ances particulieres ehangenr
beaucoup la propolition générale .
N on feulemem la proxi mité ell une [ource d'amitié ,
mais. elC'eorc nos a!feétiolls v:¡¡-ient [elOll le degré
de.laproxlmlté: la 'luallté d'homme que nous portons tous , '
fait cette bienveillance générale que nous appellons
httmanité:
hamo
fum, humani nihil
ti
me alienftm
ptlto.
I
L a proximité de la natíoo infpire ordinairen)erit aux
hommes une bienveillance qui ne [e fai t point femir
a
ceux $lui habitem dans leur pays, paree que cette pro–
ximité s'atfoiblit par le oombre de eeux ql1i la parta–
genr ; mals el le deviem fenlible , quand deux ou trois
perfonnes originaires d'un
m~me
pays fe renC'omreot
dans un climat étranger. Alors I'amour de nous-me–
mes qui a befoi" d'appui & de coufolation, & qui en
trouve en la perfonne de ceux qu'un pareil iméret
&
une [emblable proximiré doit mettie dans la meme di–
(polition, ne manquc jamais de faire une attemion per–
pétuelle
¡\
cette proximité , ri un plus fort morif pris
de ron intéret ne l'en empeche .
L a proximité de profeffion produit prefque toiijours
plus d'averfion que d'amitié, par la jalou!ie qu'elLe in–
[pire aux hommes les uns pour les autres: mais celIe
d;S c(;lllditions eCl
prefque toiijours accómpa¡¡-née de
blcnvelllance . O n ell furpris que les grands [OIent fans
compaffion pour les hommes du commun ; e'ele qu'i1s
les voyent en éloignement les conti dérant par les yeux
dc
l'amour-propre.
Ils oc 'les prenneñt nullemen.t pour
leur prochain; 'ls (om bien éloignés d'appel'CeVOlr cette
proximité ou ce voilinage , eux dont 1'7fprit
&
le creur
ne (one occupés que de la diltance qUI les (épaye des
autres h<?mmes,
&
qui font de cet obJet les déhees de
leur vanlté.
L a fermeté barbare que Brutus témoigne eu voyant
Bbb
mou-