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\

A~fO

Q.uicenque en eapable d'aimer eft vertueux: j'orerois

memc dire que quiconque

dt

vertueux efi auffi capable

d'aimer· comme ce [eroit un vice de conformation pour

le' corp; que d'etre ioepte

la

gén~ratjoo,

c'en efi auffi

un pour I'ame que d'etre incapable

d'amollr,

Je

nc craios rien pour les mceurs de III part de 1'..-

mOllr,

iI

nc peut que les perfeélionner; c'en lui qui rend

le cceur moins farouche, le caraélere plus Iiam, I'hu–

meur plus complai[ante. On s'efi accoutumé en aimant

a

plier [a volouté au gré de la perConne chérie; on con–

traéle par-la I'heureufé habitude de commander

a

[es de,

(¡rs, de les maltriCer

&

de les réprimer; de cooformer

fon go\!t

&

[es inclinations aUI lieux, aux tems, aux

petConnes: mais les mceurs ne [Ont pas également en

ftl·

[eté quand on efi inquiété par ces [aillies charnelles que

les hommes groffiers confoDdent avec

I'amtr,r_

De tour ce que oous venons de dire, il s'en[uit que

le

véritable

¡¡mour

en extrememel1t rare . 11 en efi com–

me de I'apparition des efprits; tout le monde en parle,

peu de gens en out vu,

Mtlximcs d.c la Rochefol".."ld.

(1)

A

M

O

U R

e o

N

J

u G

A .L.

Les .caraéleres de

l'amo1lr

conj

"lí.al

ne [out pa. éqUlvoques, Un amant, dupe de

lui-mcme , peut croire aimer Caos aimer en effet: un

mari Cait an jufie s'il aime,

Ii

a joüi : or la jouilfaoce

ea

la pierre de touche de l'

tlmOllr;

le véritable y pui[e

de nouveaux feux, mais le frivole s'y éteint ,

L'épreuve faite,

fi

I'on connolt qu'on s'eft mépris,

je ne fai de remede ,. ce mal que la patience :- Yil en:

poffible, [ubaitue. l'amitié ;\

I'a",a"r:

mais je o'oCe me–

me vous tlater que cene rclfource vous rene. L'ami–

lié entre deux époux efi le fruit ¡¡'un long

a,,!our,

dout

la jouilfallcc

&

le tems om calmé ¡es bOUlllans tran–

fports. Pour

l'ordiDair~

[ou. le joug de I'hymen, quand

on ne s'aime poinr on [e hnit, ou tout au plus les gé–

nie~

de la mcilleure trempe [e renfcrmenr dans ¡'indif–

f¿rence .

Des vices dans le car:létere , des caprices daos I'hu–

rneur, des Cemimens opposés daos l'e[prit, peuvent trou–

bler

I'amour

le mieux afiermi, Un époex avare prend du

dégot1t pour uoe épouCe qui, penCam plus

noblem~m,

eroit pouvoir régler Ca dépenfe [ur leurs revenus com–

muns: un prodigue au contraire mépriCe une femme éco–

nome,

Pour vivre heureux dans le mariage, ne vous

y

en–

gage. pas fans aimer

&

fans erre aimé

>

Donne. du

corps

ií ·

cet

"mollr

en le fondant [ur la vertu . S'il

~'a­

voit d'autre objet que la beauté, les grace5

&

l~

Jeu–

nelfe; auffi fragile que ces avamages palfagers,

11

pa[–

fero;t bien-tllt comme eux: mais s'il s'ea attaché aux

qualités du cceur

&

de l'eCprit , il ea

I'épreuve du

tems.

Pour vous acquérir le droit

d'exi~er

qu'on vous aime,

travaillc.

a

le mériter , Soye1. apres vingt :lOS auffi at–

temif

a

piaire , auffi [oigoeux

a

De poim offenfer, que

s'H s'agilfoit aujourd'hui de faire agréer votre

amOllr,

On ne conCerve un

cceu~

que par les

m~mes

moyen.

qu'on a employés pour le conquérir, Des gens s'épou–

fem, i1s s'adoreor en [e mariant; ils [avem bien ce qu'ils

om fait pour s'inCpirer mmuellemem de la tendrelfe; elle

efi le fruit de leurs égards, de

I~ur

complai[ance,

&

du

foin qu'ils om eu de ne s'offrir de part

&

d'aurre qu'a–

vec un certain exrérieur propre

couvrir leurs défauts;

ou du moins

a

les empecher

d'~tre

deCagréables , Que

ne coutinuent-ils Cur ce too-la quand i15 fom mariés?

&

fi

c'ea trop, que n'oDt - ils la moitié de leurs auen–

tions paCsées? Pourquoi ne fe piquent-ils plus d'erre ai–

més quand il y a plus que jamais de la gloire

&

de I'a–

val1t2ge

a

I'~tre?

Quoi, nous qui nous efiimons tant ,

&

pre[que toújours mal a propos; nous qui avons tam

de vanité, gui aimons taDt

a

voir des preuves de nOtre

mérite, ou de celui que nnuS nous fuppo[ons, faut-il

(1)

On Couhaitera dan, cet

anide,

fi

jc:

ne me trompe. le Th¿o–

loglen.

l!c

peut.éue méme le Philo{ophc. La Foi.

&

la Th¿ologie

nous apprennent que nous ponvons

traD$f~rer

IibrcraeDt abrre :afie..

ruao de

la

Créa\ure au Créareur; au quel c,:¡s

fi

nous

De

¡aifle–

tons p.1s d'aimer

I:t

cr~ature

commc prochain. nous ¡ailTerons ce..

pendanl d'étre ravis par les

q\1alir~s

¡imablcs que nous admirons

dans la créatQie: ou domoins

fi

nous (uiveons

a

les aímer, nous

~t!

confidéeerons, non comme

appartenante

a

ell~.

maís comme

une

Image des perre'l\ions

que nous allmirons ea

Ojeu .

La Philofophic

3Dm

nOI1.s

emp!che

d'~tte

perfuadés que perronne

n':lit'

la liberté

d'ai–

~ef.

&

de

celTer ,j'aimer quand

il lui

plait ; de

f:a~on

que ¡'objet

.:umé u'a)'e jamai. rai(on de (e plaindre de ¡'inconftance de (on

3-

mant .

Car [uppo(on; poor une rois que I'amanr qui

aime

une per–

(onn~

dI!

(cxe

dítrérent d'llD

3moue pur

&

fincere fe l:aiife

empof'\'

tCl

hbramellt ( commc

il

active

bien

(ouvenr)

a

ce que l'auteuc

AMO

3

tr

que, fans on devenir oi plus loüables, ni plus modeaes

nous ceffions d'etre orgucillcux

&

vains dans la [eule

occafion peut-etre ou

iI

va de nÓtre profit

&

de tout

I'agrémem de nÓtre vie

a

l'~tre?

A

M

o

U R P A TER N EL.

Si la raiCon dans I'homme

o~

p,lt1tÓt l'abus qu'!l

~n f.~it,

ne

[erv~it

pas,

quelque~

fOls a dépraver ron mfimél, nous n'aunons nen

a

dire

[ur

l'tlmo"r paternel:

les brutes n'om pas be[oín de oos

traités de morale, pour apprendre

a

aimer Icurs petits

les nourrir

&

les élever; c'elt qu'elles ne [ont

guidée~

que par l'inltinél: or I'inninél, quand il ll'elt point di–

ltrait par les fophifmes d'une raj[on captieu[e, répODd

touJours su vreu de la N ature, fait fim devoir,

&

ne

bronchc jamais. Si I'homme étoit donc en ce point eon–

forme aux autres animaux, des que l'enfant auroit vil

la lumiere , [a mere le nourriroit de ron propre lait, veil–

leroit

i

tous [es be[oins,

le

garantiroit de tout. accideut

&

ne croiroit pas d'infians dans Ca vie mieux remplis

qu~

CC1IX

qu'elle auroit employés

a

ces importans devoirs

>

L e pere de [on cÓté comribueroit

a

le former;

il

étudie–

roit ron go\!t,

[00

humcur

&

[es iuclinations pOur met–

tre

a

profit fes talens: il cultiveroit

lui-m~me

cene jeune

plante,

&

regarderoit comme une indiffércnce criminelle:

de l'abandonner

¡¡

la diCcrétioll d'un gouverneur ignoraut

ou pem-étre meme vicieux ,

'

Mais le pouvoir de la coutume, malgré la force de

I'inltinél, en di[po[e tout autrement, L'enfant en

peine

né, qu'on le sépare pour toujours de [a mere; elle eft

ou trop foible ou trop délicatc; elle efi d'un état trop

hoonete pour alaiter [on propre enfant. En vain la Na–

ture a détourné le cours de la Iiqueur qui I'a nnurri dans

le [cin maternel, pour porter aux mammelles de [a rude

maratre deul ruilfeaux de lait deHinés deformais pour [a.

[ubliI1ance : la NatUre ne [era poine écoutée, Ces dOlls

[eront rejettés

&

méprisés: celle qu'elle eñ a enrichie

d(¡t-elle en périr

el1e-m~me,

va tarir la

Cource

de ce

oe~

élar bienfaifant , L 'enfaut [era Iivré

:l

une mere emprun–

tée

&

mercenaire, qui me[urera [es [oins au profit qu'elle:

en anend,

Quelle elt la mere qui confentiroit

a

recevoir de quel–

qu'un un enfant qu'elle fauroit n'Etre pas le ¡¡en? Cepen–

dant ce nouveau-né qu'elle relegue loio d'elle [era-t-i!

bieo véritablemeut le (ien, lor[qu'apres plufieurs aonées

les penes continuelles de Cubfiance que

fa.it

a

chaque

in~

fiant un corps vivant auroot été réparées en lui par un

lait étranger q ui I'aura transformé en un homme oon–

veau? Ce lait qu'iI a [ucé n'étoit point fait pour Ces or–

ganes:

~'a

donc été pour lui un aliment moins profitable

que n'eut é,é le Iait maternel, Qui C"it fi ron tempéra–

ment robulle

&

fain dans l'origine n'en a point été al–

téré? Qui

r.~it

¡¡

cene transformation n'a point inllué [ur

[on creur? I'ame

&

le corps fout

fi

dépendans l"un de

1 'autre! s'iI ne deviendra pas un ¡our, précisément par

cene rai[on, uo lache, un fourbe, un malfaiteur? Le

. fruit le plus délicieux dans le terroir qui lui convenoit,

ne manque guere

i

dégénérer, s'il cft tran[porté dans un

autre ,

On compare les rois

,ii

eles peres de · famille,

&

I'on

a ralfon: cene comparalfon eI1 fondée [ur la nature

&

l'origine meme de la royauté,

Le premier qtli ¡fle R oi, fltt tln foldae hellrmx,

'.

dit un de nos

gran~s,

poetes (

Mlr"ope, '1ragedie de M .

de V ollalre)

:

mals

11

eI1 bon d'obferver que c'efi dans

la

bou~he d:~D

tyran, d'un u.furpateur, du meurtrier de

Con rOl, qu II .met c,en,: maKlme, indigne d'etre pronon–

cée par un pnnce equltable: tout autre que

Poliphonte

eOt dit:

Le preY/ti,,>ql/i fltt R o;, rlgn.. ftlr fu enftlns ,

Un

appelle ap'retit corporcl;

&:

qu·une feconde

per(onn~

par une pIut

sra~de

hberaliré s'emp:uc de (on CQ!ur; 'la ['remlere

n

f

aur3_t_elle

drcHt de luy reprocher

(a

Icgéreré

&:

fon inconCtance

1

En vcrité

l'exr~ricnce

nOllS apprend

q1le

nOI1, avo",

en cela

une

bien

trOP

prompt.

&

expedinve liberté.

Q!1~a

l'égard

de

l'amour

du

fexe

il

n'y :\jr

ri~n

a

cr.1indre pout'

les mQ!uu. c'cO: une propofition (on flljette

a

cauuon. Tom

le moq.–

de a quelque debut : Or

fi

en aimant nou' nOl1$ aecoatumons

~

pIier norre volonré (ous

le

joug

de la

perfonne 3imée. nous nou,

accoútumons

3Um a

la (econdcr dan,

((!i

défaots.

&

a

fl;mer {e.

inclinaríon, . O'aillcurs

l'

Amour enrre deux (exes . pur aut4\nr

que

l'on

veut, peut

a(fez.

narurelIement fe changer

en

appem gtoffier

8c

char...

nel. pour me fcrvir de LaPphra(e de l'Auteur. l1-y-a done de quoi

craindrc

de cet

amOllr, quoique pur. cíl égard aux mccurs.

(M)