LETTRE
je connais mieux le grand mérite de ce pere du
théatre que ceux qui le louent au hasard de ses
défauts.
On a donné une
Mérope
sur le théatre de Lon–
dres en 1731. Qui croirait qu'une intrigue d'a–
mour y entrat encore? Mais, depuis le regne de
Charles II, l'amour s'était emparé du théatre d'An-
, gleterre, et il faut avouer qu'il n'y a point de na–
tioñ au monde qui ait peint si mal cette passion.
L'amou r ridiculement amené, et traité de meme,
est encore le défaut le moins monstrueux de la
Mérope
anglaise. Le jeune Egisthe, tiré de sa pri–
son par une fille d'honneur amoureuse de lui,
est conduit devant la reine, qui lui présente une
coupe de poison et un poignard, et qui lui dit :
<(
Si tu n'avales le poison _, ce poignard va servir
a
«
tuerta maitresse.
»
Le jeune homme boit, et
1
on l'emporte mourant.
II
revient, au cinquieme
acte, annoncer froidement
a
Mérop~ qu'il est son
fils et qu'il
é!
tué le tyran. Mérope lui demande
comment ce miracle s'est opéré:
ce
Une amie de la
«
fille d.'honneur, répond-il, avait mis du jus de
«
pavot au lieu de poison dans la coupe. Je n'é–
«
tais qu'endormi quand on m'a cru mort : j'ai
«
appris en m'éveillant que j'étais votre fils , et
«
sur-le-champ j'ai tué le tyran.
J>
Ainsi finit la
tragédie.
Elle
fut
sans doute mal re<_;:ue
:
mais n'est-il pas
bien étrange qu'on l'ait représentée? N'est-ce pas