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THÉORIE
DE L'
AME
DES
BRUTES
=
ou de cette citadel!e, fenfation
&
image qui exiíl:ent dans.
1na Puiífance fenfitive: j'examine les rapports de leurs dif–
férentes panies;
j'en
approuve ou j'en blame l'enfemble;,
je découvre leur fin
&
leur defiin"ª-tion. Je compare ces
objets, avec d'autres objets,
dom
j'ai l'idée;
&
je juge que
ce que je vois ell plus parfait, ou moins parfait, que ce que
j'ai vu, ou que ce que j'imagine. Je juge de méme, que l'eau
gue je vois jaillir en l'air, du fein d'un parterre , vient
tl'un réferv0ir fupérieur;
&
que les canons que
je
vois
pla–
ces fur les remparts
de
la citadelle, me foudroyeroient,
fi
je venois me placer en tel
&
tel e1
roit, avec un cqrps
d 'armée
~
pour l'affiéger;
&
ainft du reíle. D ans cela, je
ceffe cl'étre
Puiffance purement fenjitive;
&
je commence
a
etre puiífance intelligeme.
'
Si le chien qui m'accompagne ,_ fe borne
a
av'oir les
me-.
mes fenfations
&
les mémes i-mages que j'ai, comme' tout
annonce
&
tour démcrntre qu'il s'y borne en effet; fans
fa íre aucune réflcxion, fans porter aucun jugement, fans.
ti rer aucune co n[équ ern::e, fans former aucun rafonnement:.
fur l'objet de ces fenfaiions
&
de ces images:
il
eíl: clail"
que le chien eíl: purement
&
íimplement puiffance ü;nfiti.ve:.
fans erre en ríen puiífance intellefüv~.
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5.
ÜBJECT ION
III. Si les brutes n'ét0ient pas de pures.
machines , íi les brmes avoient une ame capable de fenti•
ment , dir Malebranche; Dieu feroit- un etre év1demment
injuíle
&
cruel: puifque, dans l'économie de la Pro-vídence.
divine, les brutes auroient été deíl:inées ou condamnées
a
fouffrir cruellement; fans q_u'elles euífent mérité de fouffrir
~
&
fans qu'elles puífent tirer aucun avantage
e feurs fouf–
frances.
Done , puifqu'il répugne que Dieu foit injuíl:e
&
cruel:-,
il
faut
néce.ífairemeflt que les brutes ne fo ient que des auto•
111ates
fans femirnent;
&
que
tont
ce qu'elles ferrrb lenr éprou–
ver de plaifir
&
de douleur, ne foit qtúme·vaine apparence;.
qu' une pure ii\uíion.
R ÉPONSE.
Le fublime Difciple de Defcartes ,
le Pere
Malebranche, em ploya beaucoup de tems
&
beaucoup de
génie, en pure' perte ,
a
a
ppuyer., areél:ifier'
a
réalifer les
re
ves de fon Ma1tre. Plus Philofop.he , il en auroit
biíTé
le
fond
&
la fubíl:ance , daos la claífe des reves. L'efpece de
p re uve d·
o.nril éraye ici le roman des Erutes-machines, n'efl:
pas phis folide que celles qn'il imagina en faveur d u roman
des T ourhi11ons. Ruineu fe da os to us fes fo nde men s , eile
n e prouve que la ch ime re du fe ntíme nt paradoxal
qa'il
vÓ u–
cl roit érablir, con tre le cr¡ de ía narnre
&
de la r.úfon..