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L!VRE QUARANTE-QUATR!EME.
plusicurs hcurcs de jou1', et bien qu'il ne s'olfrit
plus, commc deux fois dans la journéc, de
1110-
nreuvrc décisivc
n
cxécuter, on pouvait en nbor·
dant \'arméc russc une dcrniCrc fois, In droit.e
rn nvant, avcc une massc de troupes frnichcs, on
pouvait, disons-nous, la refoulcr vers la Mos–
kowo, el lui foire subir un vérilablc désast1·c.
Un le! résultat mérilait ccrtaincmcnt de nou–
vcaux sncrif1ccs, qucls qu'ils dusscnt Clre, car,
dcvant une vicloirc cornplétcmcnl dcstruclivc
poui· l'arméc russc, la conslancc d'Alcxandrc
cut proLablcmcnt fléchi. Mais pour cela
i1
fallait
foirc donncr lagardc impérialc loul enlicrc, la–
r¡ucllc complait enviran ·18 millc hornmcs d'in–
fontcric
et
de cavalcric, qui n'avaicnl pas
c.om–lrnttu. 11
rcslait
a
gauchc dans la division
Dclzons, au centre dans les divisions Broussicr,
Morand et Gudin, 11 droilc dans la division Dcs–
saix, des troupes qui, quoiquc ayant déji1corn–
battu, élaicnt capablcs cncorc d'un grand clforl,
surlout s'il dcvait clrc décisif. Les troupes r¡ui
n'étaicnt qu
1
i1
dcmi fatiguécs auraicnt valu des
troupes fraichcs pour ce momcnt suprémc.
Quanl
¡,
la garde, clic cut fait des prodigcs, et
dcmandait
ii
les fairc. Napoléon, pour qui la
lrnuleur du solcil sur l'horizon était un motif
tout aussi prcssant que les instanccsde ses licu–
tcnanls, et pour ainsidirc un reproche, monta ;\
eheval afin d'examincr lui·méme le clrnmp de
Lalaillc. Le rhumc dont il était atteint l'incom–
modait fort, mais pas de maniére 1 paralyscr sa
puissanlc inlclligcnec. Ccpcndant leshorrcurs de
eetlc alfrcusc balaillc sans cxemplc encore poui·
Jui, quoiqu
1
il
en ct'1t vu
de bien
sangluntcs,
araicnt commc élonnéson génic. 11 ne s'élait pas
écoulé un instant sans qu:on vlnL lui annonccr
que c¡uclqucs-uns des prcmicrs officicrs de l'ar–
rnéc étaicnt frappés. C'étaicnt les généraux eL
officicrs supérieurs Plauzonnc, i\lonlbrun, Cau–
laincourL, Romcuf, Chastcl, Lnmbcrt, Compcre,
llcssiercs, Dumas, Canouville, tués; c'étaient le
trniréchal Davoust, les généraux Morand, Friant,
Compans, Happ, Bclliard, Nansouty, Grouchy,
Saint-Germain, Bruycrc, Pajol, Dcfrancc, Bo–
m1my,
Teste, Guillcminot, blessés griCvement.
L'opiniatreté des Husscs, quoiqu'cllc n'eut l'ien
cl'inattendu,
n\'ait
un
caraclCrc sinist1·e et ter–
rible, qui luí inspirail desérieuscs réflexions:car,
pour l'honneur de la nalurehumainc, il y a dans
le palriolismcrnincu mais ruricux, quclquc chose
qui imposcmémc i1l'agrcsscur leplusaudacicux.
Aussi Napoléon, dans ccl état d'irrésolution si
nouvean cl1ez lui, parut-il incxplicnlile
a
ceux
qui l'cnlouraient,
a
ce point qu'ils chcrchaicnt
¡,
se l'expliqucr en disont qu'il était maladc. Sans
s'occupcr de
~e
qu'ils pcnsaicnt, il parcourut au
galop la lignc des positions cnlevées, vit les
Russcs acculés
1
mais serrés en mnssc et immo–
bilcs, n'ofTrant nullc part une prise facilc, pou–
vant nénnmoins par un dcrnicr choc, donné
obliqucmcnt. etre rcjctés en désordre vcrs la
i\loskowa. Pourlant on ne savait, aprcs toul, si
ledéscspoir ne triomphcrail pasdes dix·huit milie
hommes
de
Ja garde, si par conséqucnt on ne
la
sacrificrait pas inutilcmcnl pour égórger qucl–
qucs millicrs d'cnncmis de.plus jet
a
cctlc dis–
lancc de sa base d'opéralion, ne pas gardcr cnlicr
le scul co1·ps qui ftit cncorc intact, parut
a
Na–
poléon une témérité <lonl les avantages ne corn–
pensaicnt pas le dangcr. Se lournant ve1·s ses
principaux officicrs: " Je ne fcrai pas démolir ma
gardc, lcur dil·il. Ahuil cents licues de France,
on ne risque pas sa dcrniCrc réscrrc'.
11
11
avnit
raison sansdoute;mais, enjusLifümt sn résolution
du momcnt, il condamnail ccltc gucrrc, et, pour
la dcuxicmc ou lroisicmc fois dcpuis lepassagc <lu
Niémcn, il cxpiait, par un cxccs de prudencc <¡ui
ne lui était pas ordinairc, la faulcde sa téméril.é.
En dépassanl la grande roul.c de Moscou, et en
s'approchant de Borodino, on apcrcevait Gorki,
scule position un pcu avancéc conscrvée par les
Husscs. Napoléon se demanda s'il fallait l'en–
lcrcr. 11 y
rcnon~a,
car le résultat n'cn valail pas
la peine.
.\u fond dn champ de balaillc, les Russes,
scrrés
en
masse, offraient une lnrge prisc au
canon, et scmblaient nous défier. " Puisqu'ils
en vculcntcncore, dit Napoléonavcc lacrucllc
fa–
rniliarilé du eharnp de bataillc, donncz-lcur-cn. "
11 prcscrivit de mctlrc en battcric lout ce qui
rcstail d'arlillcrie non cmployéc, et
a
partir de
ce rnorncnt'on fit agir pres de quatrc ccnls bou ·
ches
a
fcu. On tira ainsi pcndant plusicurs
heurcs sur les mosscs russcs, qui persistCrcnt.
3.
se tcnir en
lignc
sous cctle épouvantablc canon–
nade, pcrdant des millicrs d'hommes sans s'é–
branlcr. On tuait done au licu de fairc des pri–
sonnicrs
!
nous perdionsaussides hornmcs, mais
~crlai1~cment
pas le sixiCmc de
e~
que
nous
1mmol1ons.
Le soleil s'abaissa cnfin sur ccllc sccnc alrocc,
sans égale clans lesannalcs humaincs : la canon–
nadc finit par se ralcnlir succcssivcmcnt, et cha–
cun épuisé de fatigue s'cn alla prcndrc quclquc
rcpos. Nos généraux rnmcnCrcnt un pcu en ar–
rierc leurs divisions, de nrnnicrc
a
les garantir