MOSCOU. -
AOOT
1812.
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qu'elle parvint
a
franchir' et courut
a
la pour–
suite des Russes. Le général Névérofl'skoi avait
formé son infanterieen un carré compacte, avec
lequel il suivait la large route bordée de bou–
leaux qui menait
a
Smolensk, et tirait parti le
mieux qu'il pouvait de l'obstacle que ces arbres
présentaient aux attaques de notre cavalerie.
Profitant de ce que nous n'avions pas d'artillerie,
il
faisait
ii
chaque halle feu de toute la sicnne,
et couvrait nos cavaliers de mitraille. Mais cha–
que fois que le terrain arrctait ce gros carré
russe, et le
for~ait
a
se désunir pour défüer, nos
escadronsprofitaicnt
a
leur tour de l'oceasion, le
chargcaient, y pénétraient, lui prenaient des
hommes et du canon, saos réussir toutefois
a
le
disperser, car il se reformait aussitót l'obstacle
franchi. Ces fantassins pelotonnés ainsi les uns
contre les autrcs, défendant leurs drapeaux et
leur artillerie, et sanscesse assaillis par une nuée
de cavaliers, se retircrent jusqu'au hourg de
Korytnia, aprcs nous avoir mis hors de com–
bat 400 ou 500 cavaliers
morts.oublessés, mais
laissant en nos mains 8 bouches
a
feu, 700
a
800
morts, et un millicr de prisonnicrs. Si nous
avions cu notre artillcrie et notre infantcrie,
ilseussent certainemcnt succombé jusqu'au dcr–
nicr.
Notre avant-garde s'arreta en avant deKoryt–
nia, le gros de l'armée n'ayant pas dépassé
Krasnoé.
Le lendemain, on ne fit qu'une élape fort
courte, afio de se remettre ensemble. Le muré·
chal Davoust avait rendu
a
la garde la division
polonaise ClaparC<le,
a
Nansouty les cuirassiers
Valence, et avait repris ses trois divisions d'in–
fanlerie Morand, Friant, Gudin, fort heureuses
de se retrouver sous leur ancien chef. Les Polo–
nais quecommandait Poniatowski, les Wcstpha–
liens que Napoléon avait confiés au général
Junot, étaicnt rcntrés sous les ordres dirccls du
quarticr général, et se tcnaicnt
ii
la hauteur de
l'armée, vers son extremedroilc. La cavalcriede
Grouchy, enatlcndant que le princc Eugcne, qui
avait le plusde chcmin
a
foire, ctit rejoint, mar–
chait avec l'avant·gardc de Murat etdeNcy,
Le 15, on voulut sur ces bords lointains dn
Dniéper célébrcr la f¿te de Napoléon, au moins
par quelqucs salves d'artilleric. Tous les maré–
chaux vinrent,
cnlour.ésde lcurs états-majors,
lui présentcr lcurs hommagcs. Le canon rctentit
au mcme instant, et comme l'Empereur se plai–
gnait de ce qu'on usait des munitions précieuscs
a
la distance oti l'on se trouvait, les maréchaux
luí répondircnt que c'était avec la poudrc prisc
aux flusscs
a
Krasnoé qu'ils faisaicnt tircr Je
c:inondes réjouissanees. 11 sourit
a
cctteréponsc,
etaccueillitvolontiers les vivatsde l'armée comme
un signe de son ardcur gucrricre. Hélas! ni lui
ni ses soldats ne se doutaicnt des désastres af–
frcux qui, dansces mémcs licux, les otlendaicnt
trois mois plus tard
!
Le lcn<lcmain 16 ooút, l'avant-gardecut ordre
de marchcr sur Smolcnsk, ou l'on espérait entrcr
par surprise, car n'ayant rencontré que la divi–
sion NévérofTskoi, dont un ticrs était pris oudé–
truit, on supposait quecrtte villedevait étre pcu
gardée, et par eonsé,1uent dcstinée
a
nous ap–
partcnir en quclqucs hcures. Dans ce pays rap–
proché des pólcs, et dans cette saison,
il
faisait
grand jour avant trois heures du matin. La cava–
lcric de Grouchy se porta en avant avcc l'infan–
tcric de Ney. Arrivéc sur les coleaux qui domi–
ncnt Smolcnsk, d'oú l'on plonge sur la ville batie
au bord du Dniéper, elle pul jugcr que l'espé–
rance de
la
surprendre était peu fondée. On
découvrit en cfTet audela du Dniéper une troupe
nombrcuse qui entrait dans les rnurs de Smo–
lcnsk. C'élait le 7° corps, celui de flaélfskoi,que
Bagration,
commen~ant
a
s'apercevoir de notre
mouvcment, y avait dirigé en toutc bate. Lui–
méme,
s'avan~ant
a
marches forcécs par la rivc
droile clu Dniépcr, dont nous remontions la rive
gauche, courait au sccours de l'antique cité de
Smolcnsk, place fronticrc de la Moscovic, qui
était chere aux Russcs, et que pcnclant plusicurs
siccles ilsavaicnt violcmmcnt disputée aux Polo–
nais.
Apeine Ncy s'était-il approché d'un ravin qui
le séparait de la ville, qu'il fut assailli par plu–
sicurs centa{ncs de Cosaqucs embusqués,
rc~ut
une baile dans le collct de son habit, et ne fut
dégagé qu'avcc bcaucoup dedifficulté par la ca–
valeric légcre du 5' corps. Ayant
aper~u
a
sa
gaucbc c¡u'une partie de l'cnccintc de Smolensk
était fcrméc par une citadcllc pcntagonalc en
tcl'l'e (voir la carie n• 57), il cssaya de l'cnlcver
avcc le
1;6'
ele ligne. Mais ce régiment, accucilli
par unegrclcdebailes, pcrdit500ou400hornmcs,
et ful ohligé de se retircr. Ncy, ignorant
a
que!
point la villc était abordable de ce cóté, et ne
voulanl pas d'ailleurs risc¡ucr une échaufTouréc
avant cl'ctr·c rejoint par Napoléon, s'arrcta pour
!'attcndrc. Pcu
a
pcu le reste du 5° corps arriva,
et se rangca en ligne sur les hauteurs d'oú l'on
découvrait Smolcnsk au-dessous de soi. Ncy
s'établit
a
gauchc et pres du Dniépcr avcc son