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L!Vllll QUARAN'rE-TROISIEME.
les forets disparaissent, et on voit s'élendre de–
vant soi les plaines de la Vicille-Uussic, au sein
desquelles s'élcve Moscou, Moscou la Saintc,
comme l'appclle le patriotisme de ses cnfanls.
Avcc son coup d'roil sans égal, Napoléon avail
apcr~u
d'un rcgard que sa marche
it
luí, qui ve–
nait de l'occidcnl., devait se dirigcr vcrs ccttc
ouverture qui cst siluéc entre les sourccs de
lo
Dwina et clu Dniéper, enlrc Witepsk el Smo–
lcnsk. Ce soot la pour ainsi dirc les portes de
l'Oricnt, et c'cst 111 en clTet que jaclis les Polonais
et les Moscovitcs, dans lcurs victoircs et leurs
défaites allernalives, s'étaicnl en quclc¡ue sorte
réciproqucrneni
arrC~és
1
c;_ir la Dwina d'un cóté,
le Dniéper de l'aulre, étaient la limite entre la
Uussie et l'ancicnne Polognc, avanl Je famcux
partage, qui a été Je malheur el Ja honte du der–
nier siccle.
Mais avant de touchcr 11 ces portes, il fallait
travcrscr Ja Vicille-Prussc, et cctte partie récem–
ment rcslaurée de la Pologne qui avait
re~u
le
nom de grand-duché de Varsovie. La frontiC..e
qui sc'parait Je grand-duché et la Vicille-Prusse
du terriloire russe étail Ja suivanle. (Voir la
carte n' 54.)
Le cours supéricur du Ilug, et Je cou1·s supé–
ricur aussi de Ja Narcw, l'un el l'aut1·e affiuents
de Ja Vislule, formaicnt dans lcurs divcrses in–
llcxions Ja premicrc portie de la ligne fronlicre
du g1·and-duché,du cóté de la Uussie. Cette ligne
fronticre, apres avoi1· suivi tantól Je Ilug, tantól
la Narcw, depuis Ilrczesc-Litowsky jusqu'aux
cnvironsde Grodno,joignait le Niémcn
it
Grodno
mCmc, longcnit ce fleuvc en s'élcvnnL au nord
jusqu'it Kowno, séparant ainsi la Pologne pro–
premenl dile de la Lilhuanie. AKowno, le Nié–
men prenantdéOnitivcmcntsadirection
a
l'ouest,
el courant vers Tilsit, séparail non plus Ja Polo–
gnc mais Ja Vicillc-Prusse ele Ja llussic. La ligne
fronliere
a
franchir couraiL done au norcl de
llrczcsc lt Grodno, en
suivant tour
ii
tour leIlug
ou
la
Narcw, puis courait cncorc nu nord de
Grodno
a
Kówno, ensuivant le Niémcn,
CL
cnfin
tournant brusquemcnt au couehont vers Kowno,
allail jusqu'it 'J'i!sit, conlinuanl
it
suivre,
a
partir
de ce point, le cours du Niémcn. lllle faisail done
a
son exlrémilé nord un coudevc1·s Kowno. C'est
li1 queNapoléonavaiL résolu de passcr JeNiémen,
pour recouvrer, en se portanL rl'un lrail sur Ja
Dwina el le Dniéper, lous les restesde J'ancienne
Polognc, point oU, sclon les circonslanccs, il
s'arrcterail peut-ctre, el dut¡ucl peul-cLre aussi
partirait-il pour forccr les portes de la Vicille-
llussie et s'enfoncer dans ses immenses plaines.
Voici quels avaienl été ses motifs, Qualre
roules s'oJTraicnl pour pénét1•cr en fiussie : une
au midi, se dirigeant :\ l'esl, par les provinces
mfridionalcs 'de l'empi1·e russe, franchissant le
Ilug
it
Ilrczesc, longeant la rive droile du Pripet
jusqu'it sa jonction nvee le Dniéper au-dessus de
Kicw, lraversant par consér¡uent laVolhynie,an–
cienne province polonaise, et de Kiew se red1·cs–
sant :tu nord pour se rendre
lt
Moscou, par les
plus belles provinces de l'empire; Ja seeonde,
tracée entre le midi et le nord, se clirÍgcant au
nord-est par Grodno, Minsk, Smolensk, en pleine
Lithuanie, passanL it travers la lrouée qui sépare
le Dniéper de Ja Dwina, et tirant ensuite sur
Moscou par
Ja
ligne la plus courle; Ja troisieme,
parallclc
¡,
Ja précédenle, mais siluée un peu
plus haul, se dirigeant par Kowno, Wilna, sur
Ja trouée du Dniéper el de la Dwina, pénétrant
dans la Vieille-Uussie par Witepsk, au Jieu d'y
pénétrer par Smolensk, et aboutissant également
i1 Moscou; Ja quatl'ieme cnfin, allanl droít au
nord, 11 travers les provinces septentrionales de
l'empire russe, par 'J'ilsit,
~litau,
Riga, Nm·va;
pour fi11ir it Saint-Pétersbourg.
De ces qualre routes, celle du midi par Ilre–
zcsc et Kicw, celle clu nord par 'filsit et Rigo,
avaicnt les inconvénicnt.s des partís cxtrCmcs,
et étaient inadmissiblcs pour un homme d'unju–
gcmcnt nussisíu· que Napoléonen foil de grandes
opérations militaircs. L'unc el l'autre exposaicnt
l'envahisseur
it
une redoutable manrouvre de la
parl des Uusses,qui,étanl concenlrés en Lilhua–
nie, pouvaient, par Kobrin, Pinsk ou Mosyr,
se jeter en masse dans le llanc de J'armée qui
aurail ma1·ché sur Kiew, ou par Witepsk et Po–
lotsk, dans le ílauc de l'arméc qui aurait marché
sur Sainl-Pélersbourg. Chacune de ces deux rou–
tcs cxLrCmcs.avaiL en outrc ses inconvCnicnls
particulicrs. Celle qui, lravcrsant les provinces
méridionales, passait entre la Volhynie et Ja Gal–
Jicic, parcourail de bcaux¡rnys, muis aurait plaeé
J':u·mée
fran~aise
dans la dépendance absolue de
J'Autriche, et e'était donncr
it
cette puissancc de
dangercuscs tentalions que de se remellre cntie–
rcmenl dans ses mains. Cellc qui s'élevait· au
nord ne pareourait que des provinees couvertes
ele marécagcset debruycres,sous Jcclimat le plus
:ipre de Ja l\ussie, el dans des contrées oú le sol
n'aurail fourni aucune parlie de Ja subsistanee
des troupes.
11 ne fallail done songcr it aucunc de ces dcux
voics. Le ehoix n'étail possiblc qu'cntre les rou-