PASSAGE DU NIÉMEN. -
JUIN
1812.
187
avait chcminé dans un pays moins riche, et avec
des n10ycns de. lransport moins bien organisés
;
celui de Ney dans le meme élat, par les mcmcs
causes. La garde, bien pourvue, avait J'attitudc
c¡ui convcnait
a
son bicn-ctre et¡,·sa discipline.
Les 22 mille cavalicrs des généraux Nansouty et
Montbrun,dontmoitiéde cuirassicrs,déployaicnt
sous Murat lcurs magnifiques cscaJro11s, et mon–
traicnt une ardeur cxtraordinaire.
11;
ne com–
prcnaient que la moitié de la cavnlerie atlachée
;\ l'armée principale que Napoléon dirigeait en
personnc, puisqu'it y en nvait un nombre
3.
peu
pres rgal répandu dans les corps de Dnvoust,
d'Oudinot et deNcy. Napoléon sehñla, au moycn
des voitnres déj:'1 arrivées, de fnire charricr de
Vehlau
a
Gurnbinnen assez de rations pour c¡uc
chacunpÍltcmportcrau moinssixjoursdcvivrcs,
au lieu de dix qu'il an1it r.spéré réunir pou1· les
premicres opérations.
11
cxpédia en avant la 1·é–
serve d·e eavalerie sous Mural, Ja réscrve d'ar–
tillerie, les éc¡uipages de pont, et 01·donna au
rnaréchal Davoust de les escorter avec son corps
sur Wilkowisk, afin d'ctre d11 22 au 23 <levan!.
Kowno.
Tandis qu'il était
a
Gumbinncn, un sccrétaire
de légation, M. Prévost, vint Iui annonccr que
le général Lauriston n'avait pu obtcnir de se
rcndre
a
Wilna, ce qui cut été, si on l'avait su
quelques jours auparavant, un gricf fórt 11tile
n
recueillir et
iJ
faire valoir. Mnis il n'élait plus
tcmps, et on avait d'aillcurs fourni au général
Lauriston des rnotifs bien suffisants,vu lesérieux
d'une parcillc polémique, pour appuyer sa de–
mande de passe-ports
1 ,
Napoléon, sans donncr
attention
a
une nouvellc qui ne lui apprcnait
rien d'intéressant, car
il
n'attachait aucunc im–
portance
1t
ce que M. de Lauriston fllt ou ne füt
pas
re~u
a
Wilna, quilla Gumbi11ncn le 2·1, et
parvint le 22
a
Wilkowisk, n'étant plus séparé
de Kowno et du Niémcn que par la grande forcl
- de Wilkowisk. Le momcnt fatal était done ar·
rivé pour lui, et il était au bord de ce llcuve,
qui, on peut le dire, était le Rubicon de sa pros–
périté
!
Tous ses corps setrouvaient sur les bo1·ds
du Niémen, et
il
ne pouvait plus hésiter
a
le
francbir.
Les nouvellcs de son extreme gauchc
i1
son
extreme droitc étaicnt unifor'lllcs, et révélaicnt
de la part des Russcs
!JllC
complete immobilité.
1
Cc tlétailprou~ccombieu sontpcu séricuscs
lesasscrtions
tics llnllcurs
et
des cnncmis 1lc Napoléon, r¡ui nt11·ihucnta11
1·eto111•1\c
M.
Jlrévost
la résolution
Je
la suc1-re, cndisant les
unsqu'iln'flvaitpu supporlcrtnnt d'out1·agcs, lcs nulrcs qu'il
Ain¡i, ses dcsscins s'accomplissaient rnalhcurcu–
scmcnl,-et il donnait en plcin .dans le piégc que
lui lcndait la fortune. Asa gauche, il prcscrivit
au maréchal
~lacdonald
de lravcrser immédiatc–
mcnt le Niémcn
¡,
Tilsit; sur sadroile,
il
rccom–
nrnnda au princc Eugcne de s'approcher de
Prcnn, :din d'avoir franchi ce lleuvc le plus tOL
possible, el au.roi Jérómc d'ctre rcndu
a
Grodno
le 50 au plus lard. 11 manda ce qui allait se pas–
scr au duc de llcllunc
a
llcrlin, afin que cerna–
réchal arm:\t Spandau el se .lint bien sur ses
gardcs, cm· les prcmic1·s coups de fusil allaicnt
CLI·c lirés, de grands é\'éncmcnts dcvriicnt s'en–
suivrc, et il importait d'avoir,
a
l'égard des Alle–
mands, l'roil ouvcrt el Ja main prctc.
Le 25 juin, aprcs avoir couché au rnilicu de
la forct de Wilkowisk, dans une petitc fcrme,
el cntouré de 200 mille soldnts, Napoléon dé–
houcha de Ja forct avec cette armée supcrne, et
vinl se r:mgcr nu-dcssus de Kowno, en facc <lu
lleuvc qu'il s'agissait de franchir. La rivc que
nous occupions dominait parlout la rivc oppo–
sée, le lcmps était parfailcmcnt bcau, et on
voyait le Niémcn coulant de nolrc droite
a
notre
gauchc s'cnfonccr paisihlcmcnt au couchnnt.
Ricn
n'annon~ait
Ja préscncc de J'cnnemi, si ce
n'estquclqucs troupesdeCosaqucs, qui couraicnt
commc des oiseaux
sa11vagcs
le long des rivcs du
lleuvc, et c¡uclqucs granges inccndiées dont la
fumée s'élcvait dans les airs. Le général Haxo,
aprCs une soigneuse reconnaissancc, avait dé–
couvcl't
a
une licue et dcmic au- dcssus de
Kowno, vers un cndl'oit appclé Poniérnon, un
point ou le Niémcn, formant un contour trcs–
prononcé, ofTrait de grandes facilités pour le
passagc. Gracc
11
ce rnouvemcnt demi·circulail'e
du lleuvc aulour de Ja l'ivc opposée, cette rivc se
préscntait
a
nouscommc une plainc entouréc de
tous cótés par nos troupes, dominéc par notre
artillcric, el olfrant un point de déhal'c¡uemcnt
des plus comrnodes sous la protcction de cinc¡
a
six cents bouchcs
a
fcu. Napoléon, ayant cm–
prunté Je mantcau d'un Iancier polonais, alla,
sous les coupsde pistolct de quclqucs tiraillcurs
de cavalcric, rcconnailrc les licux en compagnic
du géné!'al llaxo,et les nyanl trouvés aussi fnvo–
l'ables que le disait ce général, Ol'donna l'éli1blis·
scmcnt des ponts pour la nuit mcmc '. Le géné–
!'al Éblé, qui avaiL fnit arrivcr ses éc¡uipagcs de
s'élaillivré1t l'i\\'euglcco\C1·c d'uuty1·anquinesailplusse
contenir. tcs <la1csscules íonl tomhcrccs riclicules supposi–
tionsJc l
'idolé.tl'ic cldelahainc.
' Onanié Je
foit du
déguisemenl cmpruntépnr Nnpoltlon¡