LIVRE QUARANTE ET UNIEME.
Ce débordemcnt de spéculations, de fortuncs
subites, de jouissanccs immodérécs, avnit pris
naissa11cc clepuis plusicurs annécs
1
s'étail al'l'Clé
un instant en 1809 par suite de la gucrrc d'Au–
trichc,
avail
rcpris 3 la paix de Vicnnc. s'étnit
dévcloppé saosobstaclc ctsans mesure dans lout
Jecoursde l'annéc ·18·1O, etavait enfin abouti, au
commcnccmcnt de ·1811 , 1 lacaslaslrophc inévi–
tablc qui suil toujours les cxngérations indus–
tricllcs et commcrcialcsdcccttc nalurc.
Dcpuisquclquc tcmpsonnevivaitquc des cré–
clils ficlifs qu'on se prclait les uns aux aulres,
surtout entre Hambourg, Amst.crdam el Paris,
lorsqu'unc clcrniCrc vente , cxécutée
it
An,·crs
pour le complc du gourcrncmcnt, et consistanl
en cargnisons américaincs , allira un
grnnd
nombre d'nchcteurs. 11 s'agissait d'cnviron üO
millions de nrnrchandiscs
a
achclcr el
a
paycr.
Napoléon , rcmal'quant.l'cmbarras qui commcu–
~ait
n
se révélcr, accorda des<lélais pour le payc–
mcnt; nrnis toul Je monde s,était
apcr~u
de ccltc
gene, et il n'cn follail pas davanlage pour foirc
naitrc laméfürncc. Au mCmc momcnL, des mai–
sons considérablcs de llrcme , de Hambourg, de
LuLcck, qui s'élnicuL ndonnéesaueommcrec plus
ou moins licite des dcnrécs coloniales, gCnécs
d'abord par le blocus conlinenlal, bicnlól para–
lysécs lout " foit par la réunion de lcur pays
a
la
F1«10ec, sueeombnicnL ou
rcnon~aicnt
rolonlai–
rcmentnuxnffoires. Cceoncoursdeeauscs amcna
cnfin la crisc. Une grande maison rlc Lubcck
donna le signa! des banqucroutcs. La plus an–
cienne, la plus rcspcctoblc des mni.::ions d'Ams–
tcrdam, qui par l'appát de fortcs commissions
s'élail laissé rntraincr
a
prCtcr son crédit aux
négoeiants de Paris les ()lus témérnires, suivit le
triste signa! parti de Lul.ieck. Les rnaisons de
Paris qui vivaicnt des rcssourccsqu'cllcs dcvaicnl
a
cetlc maison hollandaise, vircnt sur-lc-champ
l'arlificc de lcur cxistcncc mis
a
dt'couvcrt. Elles
se plaignircnl, jelcrent deg1·aiHls cris, et vi11rc11t
implol'Cl' lcssceours du gouvcrncmcnt. Napoléon
qui sentnitbien, snns l'avoucr, Inpnrl quiil nvnit
dans rcltc crisc, et qui ne voulait pas que la
naissancc d'un hériticr clu trónc qu'on avait tant
désirée
1
qu'on venait <l'obtenir,
l't
qu'on allait
hicnlót solcnuiscr,
flit
ac<;ompagnée de circon–
staneesattrist:-tntcs, se luHacPannonccríJu'il élait
prCl
ii.
aider les maisons embarrnssécs.
11
roulait,
:wec raison, le foire rite el sans br11it pou1· le
foirc cfficaccmcnt. Par rnalheu1·, les opinions
pcrsonncllcsdeson minislrcduL1·ésor,etl'étraugc
vanilé de l'unc des rnaisons secourucs, s'opposc-
rcnt 11 ce que ses intenlions fusscnt cxactcmcnl
suivics.
~l.
Mollien, répugnant aux cxpédicnls
rnéme ulilcs, contesta en théoric leprincipc des
sccours au commercc. Napoléon n'cn tint pas
comptc, et lui ordonnn de secourir un ccrlain
nombre de maisons. Mais le ministre se dédom–
magea de sa défaite en eontestant
a
ces maisons
011
Ja sUrelé des gagcs qu'ellcs oITraicnt, ou la
possibilitéde les sauvcr. II en résulta unegrande
perlede lcmps. De plus, l'unc d'cllcs, se vanlant
d'unc bienrnisancc donL le bicnfaitcul' ne se van–
tnit pas lui-mCmc, proclc'lma ce que le gouvcrnc–
mcnt avait fait pour clic. Alors !out l'avanlage
des sccours prompls et sccrets fut pcrdu. On sut
qu'on éLait en crisc, et on se livra U la panique
accoutuméc. Bicntót ce ful un clwos de maisons
s'éeroulant les unes sur les autres, et s'cntrainnnt
réciproqucrncnt dans lcur chute. Napoléon,sui–
vant son usage, ne se laissant pas intimider par
ladifficullé, sccourut publiqucmcntcl
a
plusicurs
rcpriscs les principales mnisons embarrassées,
rnalgré tout ce que put lui dire le ministre du
trésor. Mais il n'cut la satisfaction de sauver
qu'unc lrcs-pclitc parlic des
commer~:rnls
el des
manufocturicrs auxc¡ucls il s'était intéressé.
Les maisonsqui avnient spéeulé sur les sueres,
les cafés, les cotons, les bois de construction, fu–
rcnt frappécs les prcmicres. Vinrcnl aprcs cclles
qui n'avaicnt pns spéculé sur les mntiCrcs prc–
miCrcs, mnis qui avaient filé, tissé, peint des
loilcs de colon au <lclii des bcsoins de la consom·
matio,,, et qui vivaicnt des crédits que leur nc–
cordaicnt ccrtains banquicrs. Ces crédils vcnant
¡1
leur manqucr, elles succombCrent. Les villes
de Iloucn, Lillc, Sainl-Qucntin, Mulhousc, furcnt
co111mc ravagécs pnr un fléaudcstl'Ucleur. AprCs
l'i11clustrie du colon, ccllcdes drapscut son tour.
Une richc maison d'OrlCans, ,·ouée depuis un
siCcle nu eornmc1·ce des laincs, voulut s'cmparcr
de loulcs ccllcs que legouvcrncmcnt avait saisics
en Espagncet faisait vendrc ¡, !'cucan. Elle achcla
sans mesure, revendit
a
des fabricnntsqui fabri–
quaicJlt sans mesure aussi, leur próta sonerédit,
mais en l'C\'anchc cmprunta le leur en créant une
massc de papicr qu'cllc tiraitsur cux, et c¡uc des
Lanquicrs com¡ilaisanls cscomptaicnt
a
nn taux
usuraire. Ces banquicrs s'étant arrótés, tout
l'échaíaudnge s'écroula , et une seulc mnison de
prol'incc fit ainsi une foillilc de douze millions,
somme trCs-grandcaujourd'hui,bien plus grande
en ce lcmps-111. L'exclusion des clraps
fran~ais
ele
la J\ussic fut un nouvcau coup pour la d1·apcric.
L'industric de la raffincric, qui al'ait spéculé sur