LE CONCILE. -
MARS
!811.
tule avec ·ltlOmille hommes , dont 100 mille
Franr.aisdcvaicnt se placer de Dantzig
a
Thorn,
et
~O
millc Saxons et Polonais de Tborn
a
Var–
sovic. Avce de tcllcs précautions on avait le
moyen de répondre
a
tout acle offensif des
Russcs, et memc de le prévcnir.
A fin de rcmplir ses cadrcs, Napoléon avait
été obligé de luitcr la lcvéc de la cónscription
de
1811,
ordonnéc des lemois de janvicr. Mais
il nes'cn était pas tenu
ii
ccltcmesure : il avaiL
voulu rccouvrcr l'arriéré des conscriptionsanté–
ricurcs, consistant en soixantc millc réfractaircs
au moins qui n'avaicnt jamais rcjoint. La con–
scription n'élait pas cncorc entréc daos nos
mmurs, commc clic y a pénélré dcpuis , et la
rigucur avcc laqucllc clic était appliquée alors,
le triste sort des hommcs appelés , qui avant
l'agc viril allaicnt périr en Espagnc, plus sou–
vcnt par la miscrc que par le fcu, n'étaicnt pas
faits pour disposcria populalion
a
s'y soumcllrc.
Dans ccrlaincs provinccs, et particulicrcmcnt
dans ccllcs de l'Oucst, du Centre, du Midi, oú
labravourc ne manquait pas, mais ou la
sou~1is
sion
a
l'auto1·ité ccntralc était moins élablic, on
1·ésistait
a
la conscriplion,et
il
yavait cu
a
loutcs
les époques des masscs dcréfractaircs qui avaicnt
1·cfusé de se rcndrc
a
l'appclde la loi, ou déscrté
apres s'y clrc rcndus. lis couraicnt les bois, les
montugncs, partout favoI"isés par la population,
ct.quclquefoismémc faisaicnt laguerrcauxgen–
darmes. Ces hommcs , loin d'ctrc des raches ou
des impotcnts, formaient au contrairc la partic
la plus bravc, la plushardic, la plusavcnturcusc
de la population, et, en raison mémc de son
éncrgic' la plus difficilc
a
plicr au joug des lois
nouvcllcs. C'élait la mcmc cspccc d'hommes qui
dans la Vcndéc avait fourni les soldats de l'in–
surrcction roynlistc. Plus fo1·ts par le caractcrc,
ils l'élaicnt aussi par l'dgc, la plupart d'cntre
cux se trouvant en élat d'insubordinatioo dc–
puis plusicurs annécs. On étaiLsucccssivcmcnt
parvenu
a
rCCOUVl'Cl' par des amnistíes, des
poursuitcs, eles battucs de gcndarmcric, vingt
millcpcut-éti·c deces hommcs sur quntrc-vingt;
mais il en rcslait soixanlc millc au moins daos
diverses provinccs de la Francc, qu'il importait
autant de rcslitucr
¡,
l'arméc
a
cause de lcur
qualité, que d'cnlcvcr 11 l'intéricur
a
cause de
lcuraptitudc
a
formcrunc nouvellcchouanncric,
car ils apparlcnaienl prcsquc tous aux départc–
mcnts oü s'élait conservé un vicux lcvain de
royalis111c.
Nnpoléon, qui ne ménageait pas lrs moycns
quand le but lui convcnait, forma dix oudouzc
colonncs mobilcs, composécs dccavalcric et d'in–
fantcric légcrcs, etchoisics pormi les plusvieillcs
troupes, les
pla~a
sous les ordrcs de généraux
elévoués, lcur adjoignit des pclotonsdegcndar–
mcric pour les guidcr, et lcur
fit
cntreprcndrc
une poursuitc des plus actives contrc les réfrac·
!aires. Ces colonncs étaicnt aulorisécs
a
traiLcr
militaircmcnt les provinces qu'cllcs allaicnt par–
courir , et 1 mcltrc des soldatsengarnison chez
les famillcs dont les eofants avaicnt manqué
¡,
l'appcl. Ces soldals dcvaicnt étrc logés, nourris
el payés par les parcnts des réfractaircs jusqu'11
ce que ccux-ci eusscnt fait leur soumission. C'cst
de la r¡uc lcur viot lenom, fort cffrayanl
a
ccttc
époque, de
garnisaires.
Si on songc que ces co–
lonnes étaient portécs, d'aprcs lcur composition,
a
regardcr lc rcfus du scrvicc militairccommc
un délit
a
la fois hontcux etcrimine!, qui faisait
pcscr cxclusivcment sur les vicux soldats les
charges de lagucrrc, sion songc qu'cllcs avaicnt
pris
a
l'étrangcr l'babitudc de vivrc en troupes
coJl(¡uérantcs, onconccvra facilcmcnt qu'ellcsdc–
vaicnt commcttre plus el'un cxccs, bienqu'cllcs
fusscnt elans lcur patrie, et que lcurs courscs,
ajoulccs audéplaisir de la lcvéc ele
1811 ,
dc–
vaicnt en divcrscs provinccs pousscr le chagrin
de la conscription presquc jusqu'au eléscspoir.
Les préfcls, qui avaicnt la mission de dirigc1',
!'esprit eles polpulationsdans un scns favorable
augouvcrncmcnt , furcnt alarmés, et plusicurs
désolés d'unc tcllc mesure. Néanmoins <¡uel–
qucs-uns' voulant proportionner lcur zi:lc
a
la
diflicullé, cxagércrent cncorc dans l'cxcculion
les ordrcs de l'auloritésupéricure,et poussercnl,
au licu ele les relcnir, les colonncs occupécs 11
donncr la chassc aux réfractaircs. Quclqucs au–
tres c111·c11t l'lionnclclé defairccnlcnel1·c des sup–
plications en favcur des paul'l'es parcnts qu'on
ruinaiL, et parmi ccux-la M. Lczay-Marnézia,
daus le Bas-Rhin , cut le couragc de résistcr de
toutcs ses forces au général chargé de dirigcr
les colonocs dans son départcmcnl, et el'écrirc au
ministre de la policc des lcttrcs fort vives dcs–
tinécs
a
ctrc mises sous les ycux de Napoléon.
Mais le plusgrand nombre de ces hauts fonction·
naires, gémissanl en sccrct, et se conlcntant
pour toute \'Crtu de ne pas ajouler aux rigucurs
prcscritcs, cxécutcrcnt les ordrcs
rc~us
plutót
<¡UC
de J'CllOJlCCr
U
]CUJ'S
fonctÍOUS.
Si lapopulationdes campagncs avaiL ses cha·
grins, ccllc des villcs avait aussi les sicns. Ces
chagrins étaicnt causés par unecrise industricllc