'fAílRAGONE. -
JUIN
l8H.
pousse sur le général llarispe, qui leur barrant
le chemin les ohlige
n
livrcr lcurs armes. Apar–
tir ele cct inslant, la ville haute com111c la l'ille
basse, comme le Francoli et !'Olivo, sont en no·
lrc pouvoir.
Tel ful cet horrible assaut, le plus furicux
peut-etre qu'on eul jamais livré, du moins jus–
qu'a eette époque. Les breches étaient couvcrtes
ele cadnvrcs
íran~ais,
mais la vi lle élait jonchée
en bien plus grand nombre de radavrcs cspa–
gnols. Un elésordre incroyable régnait dans ces
rucs cnílammécs, ou ele tempsen tcmps quelqucs
Espagnols fanalisés se faisaicnt tuer, pour avoir
la satisfaction d'égorger cncorc quclqucs Fran–
~ais.
Nos soldats, cédant 1 un scntimcnl commun
a
loulcs les troupesqui ont pris une vi lled'assaut,
considéraient Tarragone comme lcur propriété,
et s'élaient répandus rlans les maisons, oú ils
commettaient plusdedég'it que de pillage. Mais
le général Suchet et ses officiers courant apres
eux pour leur persuader que c'élait la un usagc
extreme et barbare du droit de la guerre, n'eu–
rent pas ele peine
a
les rnmencr, surtout depuis
que lecombat
ª''ªÍl
ccssé, et que la fusillade ne
les enivrait plus de furcur. Peu
n
pcu 011 rétablit
l'ordre, on étcignil les ílammes, et on pul com–
mencer
a
compler les trophées, ainsi que les
perles. On avait pris plus de
500
bouches
a
feu,
unequantité infinie de fusils, de projceliles, de
mnnitions de toule espece, une vingtaine ele dra·
peaux, dix mille prisonniers, el en tete le gou–
vcrncur de Contreras lui-mcme, que le général
Suchct lraita avec lesplusgrandségards,quoiquc
le dernier assaut cut élé un acle de désespoir
inulile , qui aurait pu Ctrc épargné
a
l'arméc
espagnole comme
a
l'armée
fran~aise.
Muis
il
faut
honorer le palriolisme, quclquc crnpo1·lé qu'il
puisse clre. Outre les dix mille prisonnicrs, la
garnison n'avait pas per<lu moins de six
a
scpt
mille hommes par le fer et le fcu. Ce dcrnicr
assnut surtout avait été des plus meurtriers.
Quant
it
nous, nos perles ne laissaient pas d'étre
lres-considérablcs. Nous n'avions pas cu moins
de
4,500
hommes hors de combat, dont millc
1 douze ccnts morls, et quinze ou dix-huit ccnts
incapables de jamais renlrer rlans les rangs, lant
ils élaicnt mutilés. Nous avions pcrdu cnviron
vingl oíl1cicrs du génie, car ce corps, admirable
en Francc, avait prodigué le courage autantque
l'intelligcncedans ce siége mémorable, qui avait
duré pres de dcux mois, et pendant lequel nous
avions ouvert neuf breches, opéré qualre des–
ccntes de fossé, livró cinq assauts, dont trois,
ceux de l'Oliro, de la "ille lrnsse et de la ville
lwulc, étaicnt au rang des p!us. furicux
q11'011
ctiljnmnisvus.
Lnp1·isc de Tarragonc étail un cxploit de la
plus linutc imporlnncc : il ótait
ñ
i'insur1·cction
calalanc son principal appui, il la séparail <le
l'insurrcclion valenr.icnnc, el dcvait produirc
dans toule la Péninsule un immense eífct moral,
donl on aurait pu tircr un grand parli si toul
avait été pre! en ce moment pour aecahler lrs
Espngnols pnr un vaslc concours de forces.
Malheureuscmcnl il n'en élail rien, et a1·cc la
préoccupation exclusive qui emporlait l'cs1ll'it
de Napoléon vcrs d'autrcs dcsscins, ce grand
siége devait avoir pour unique résultal ele nous
ouvrir le cl1cmin de Valcnce. Le général Suchct
avait ordrc de faire saulcr Tarragonc, car Napo·
léon, avcc rnison, '
1
otilnit réduirc ;\ Tortosc sculc
les places oecupéesdanseclle partic de l'Espagne,
et ne consenlait méme
~1
conscrvcr Tortosc
qu'ii cause des bouchcs de l'Ehre. Mais Suche!
aynnt reconnu, d'nccord avcc le général Rogniat,
qu'en se bomant
a
conservcr la ville haulc on
pourrait l'occupcr avcc un millicr d'hommcs,
fil
saulcr les ouvragcs de la vi lle bas>e, laissa clans
la ville haulc une garnison bien pourrne de
munitions et de vivres, U\el1a de rassurer et de
rarncncr les habitanls, déposa son pare de siége
et ses munitions
a
Torlosc, 1·cn1•oya ses princi–
paux détachcmenls vcrs les postes d'oli il les
avait lirés, afin de réprimer les bancles redeve ·
nucs audacicuscs pcndant 10 siégc, et, avcc une
brigade d'infanlcrie, courut apres le marquis de
Campo-Verde, pour dispcrser son corps avant
qu'il se flll rcmbarqué. Quoiqu'il le poursuivit
avcc une grande activité, il ne put l'allcindre.
JI.
trouva 11 Villa-Nova un millier de hlcssés pro–
vcnant du siégc de Tarragonc, éracués par mcr
sur cctte place, et formanl le complément de la
garnisonde 18 mille hommcs, dont dix mille
avaient élé pris, et 6 ou 7 millc t.ués.
11
s'ache–
mina cnsuile par la routc de Ilarcelone su1· les
traces du mnrquis de Campo-Verde. Cclui-ci
nyant essuyé une espccc de sédition de la parl
des Valencicns, 1111i "oulaicnl clre rarncnés chcz
eux, avait élé oblig6 de s'en sépal'Cl', et de les
emhar~ucr
11 Mal¡11•0 sur la llotle anglaise. t e
général Suche!, avec le général MauriceMalhicu,
qui était sorti deIlarcelone, parvint
a
Mataro au
rnomcnl mémc ou l'emharqucmenl s'acliel'Uit.
11
s'ullacha des lors
¡,
suil'rc Campo-Verde et 1
prendre le célebre couvenl du Monl-Serrat, que
ses troupes cnleverent pcu aprcs avcc une