TARRAGONE. -
AOUT
t8H.
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Tout Je reste dll mois d'aout se passa dans
une inaction ¡ircsquc comp!Cle , le maréchal
Soult fnisant un peu rc¡JOsc1· ses troupes, qui de
80 mille hommcs se trouvaicnt réduitcs par les
fatigues et le fcu
a
1,0
mille au plus, et disputant
a
Joseph divers détachcmenls que l'arrnéc du
centre réclamait de l'armée d'Andalousie; le
maréchnl Marmont campant toujourssur leTnge
versAlmaraz, el se querellnnt aussi avcc Joscph
pour les fourragcs de son armée, qu'il prétcn–
dait porlcr jusqu'a Tolcdc; Joseph ne ccssant
de cricr miscrc, dcmandant qu'a défaut du quart
des contributions du par les généraux, et con–
slamment rcfusé, Napoléon lui envoyat un mil–
lion de plus par mois, et pour toutc consolation
nyant obtcnu que son ami Je maréchal Jourdan
lui fLit rcndu commc chef d'élat-mnjor ; le mnré–
chnlSuchct, maitrc chcz lui,etn'ayant adisputcr
avcc personnc, préparant en silcncc l'cxpédition
de Valencc, que Napoléon lui avait ordonnée
commc la suite nécessairc de laconquéte de Tnr·
ragonc; enfin le général Ilaraguey-d'llillicrs,
ciwrgé spécialcmcnt du blocus de Figucrcs,
refoulant dans cetle fortcrcssc les Espngnols qui
chcrchaicnt
ii
s'cn échapper, les obligcnnt
¡,
se
rcndrc prisonniers de gucl'l'e, et a expicr ainsi
la surprisc de cctte place frontierc.
Durant ces mois d'inaction, lord Wcllinglon
arrctait ses projcts pour la rcprise des opéra–
tions en scptembrc , et ses projcls n'étaicnt pas
moins que la conquéte de Ciudad-Rodrigo et de
Badajoz. En clfet, dcpuisqu'il avait réussi
i1
dcli–
vrer le Portugal de la préscnce des
Fran~ais,
il
n'avait pas micux
a
fairc que de prcndre ou la
place de Ciudad-Hodrigo ou celle de Badajoz, et
loutcs les dcux s'il pournit, car clics étaicnt les
clcfs de rEspagnc, l'uncau nord, l'autrc au midi.
Maitrc de ces places, il cmpcchait les Franrais
d'cnvahir le Dcira ou l'Alentejo,et il luí étaltfncíle
ii
la prcmicrc occasion d'cnvahir la Castillc ou
I'Andalousic. Les prcndre élait done le moycn
de formcr sa porte, et de tenir loujours ouvcrlc
ccllc d'aulruí. 11 avail un sccond motif d'cn agir
ainsi, c'était de fairc cnfin quelquc chose, car
depuis six mois que le Portugal était rcconquis,
il n'avait ajouté aucun acte marquant
i1
ses pré–
cédcnts exploits. On avait beaucoup vanté ses
opéralions en Anglclcrrc, et avcc raison, mais
pcul-elre au dclii de Ja juste mesure, cequi ne
manque jamais d'arríver lorsqu'on a trop fait
attcndrc
á
un pcrsonnagc quclconque la justicc
qui luí est duc. L'opinion, avcc sa mobilité ordi–
nairc, porte tout
a
coup aux nucs cclui qu'cllc
uc daignaiL pns mCmc distingucr. UcstaiL
dl~1il
lcurs l'opposiLion, qui en partic de bonne foi, en
partie par hostilité syslématiquc, élait prétc
i1
rcdircc1uc, sans doutc, on avaiL pu conscrvcr le
Pol'lugal pour un lcrnps du moins, mais qu
1
on
n'iraiL pas au dela , qu'on soutcnait dans la
Péninsulc une gucrre ruincusc, sans 1·ésultnt
probable, sans résultat qui valut la lcr.riblc
chance
¡,
laquclle on dcmeu1·ail conslammcnt
cxposé, cellc d'ctre un jour jeté 11 la mcr par les
Fran~ais.
11 ne fallait pas une longuc inaction,
une longuc privation de nouvcllcs significatives,
pour ramqncr
a
ccttc maniere de pcnscr grand
nombre de gens sages qui i=avaicnt sincCremcnt
partagée; il ne fallait pas surlout bcaucoup
d'événcmcnts commc la derniCrc lcvéc du siégc
de Badajoz. Lord Wcllinglon était done par une
infinité de raisons, les unes mililaircs, lesautres
poliliqucs, oblígé de se signalcr par quclque
acle nouveau, et des lors de prendre ou Badajoz
ou Ciudad-llodrigo, deux obslnclcs qui lui rcn–
daicnt impossiulc loute opératíon ullérieurc de
quelquc importance.
Mais ce n'était pas une t'iehe facile, car s'il se
portait dcvant Iladajoz, il était 1 présumcr qu'íl
y lroul'crait cncorc le rnaréchal Soult et lemaré–
chal Marmont réunís ; s'il se portait devant
Ciudad-llodrigo, il devait
y
trou1·e1· le nméchal
Marmont renforcé de tout ce qu'on aurait pu
rasscmblcr des armécs du Centre el du Nol'CI.
Dans les dcux cas, il courait le risque de ren–
coatrcr des forces lrop considérablcs pour oscr
exéculcr un
grand
siégc
devant
clics, cal', sui–
vant son usage,
il
ne voulail combatlrc qu'ii
coup sur, c'cst-!i-dire dans des positions défen–
sircs presque invinciblcs, et avcc uncsupériorité
numériquequi, s'ajoulantau bon choix des lieux,
rcndit le résultat aussi ccrtain qu'il pcut l'ctre
ii la guerrc. 'l'outefois, s'il élait condamné a rcn–
contrer soit au midi, soit au nord, des conccn–
trations de forces supéricures
a
l'arméc dont il
disposait, lord Wellington avait aussi de son
coté d'incontestahles avantages. La roule qu'il
s'était crééc en dcdans des frontieres du Portu–
gal, du nord au mídi, route qu'il avnil déjii par–
courue lant de fois, et qui dcsccndait de Guarda
sur Espinhal, d'Espinhal sur Abrantcs, d'Abran–
tCs sur Elvas (voir la carlc
11°
55), :wnit
été
frayéc avcc soin, jalonnée de nombrcux maga–
síns, et pourvue de ponIs sur le Mondcgo et sur
le Tagc.
JI
s'y faisait suil'l'c de six millc mulcls
cspagnols chargés de vivrcs ; il
y
commnndait
scul , ne dépcndait de pcrsonnc, était obéi des