LIVRE CINQUANTIEME.
pas facile
a
forcer, car déj
a
le génél'a1 Bulow y
avait rencontré une résistance telle, qu'il avait
été contraint de replicr son pont, necroyant pas
pouvoir s'en servir, et ne voulant pas l'aban–
donner aux Fran<;ais.
Le maréchal Ney, averti par ses reconnaissa n–
ces de la présence de l'ennemi sur la gauche de
l'Elbe, s'était empressé d'y envoyer le général
Bertrand avec le
4e
corps, afio d'empecher,
c9rnme on l'avait fait peu de temps auparavant,
le succes de cette tentative de passage. Le 4°corps
n'ayant pas encore rectu la division Guilleminot
qui lui revenait dans le partage du
12ª,
se trou–
vait composé uniquementdela division
fran~aise
Morand, de la division italienne Fontanelli, et
de
la
division wurtembergeoise Franquemont,
ces trois ne faisant pas plus de 12 mille hommes.
C'étaít bien peu contre les 60 mille hommes de
Blucher; mais les lieux, l'habileté, le sang-froid,
peuvent souvent compenser toutes les inégalités
de nombre. La circonstance dont il s'&git en
fournit bientót un exemple mémorable.
L'Elbe en approchant d'Elster forme un coude
tres-prononcé, et enveloppe ainsi un terrain has
et marécageux, situé sur la rive gauche. C'est
sur ce terrain que se trouve le vieux chateau de
'Vartenbourg. Afin de le garantir des inonda–
tions on l'avait jadis protégé au moyen d'uoe
digue, venant s'appuyer aux deux cótés de l'Elbe
comme la corde d'un are. Le chateau lui-memc
cst
a
l'une des extrémités de cette digne, le vil–
Jage de Bleddin a l'autre. L'ennemi ayant fran–
chi l'Elbe
a
Elster, s'il voulait passer outre,
devait suivre une route qui venait aboutir per–
pendiculairement au milieu de la <ligue. Le géné–
ral l\Iorand placé au chatcau de Wartenbourg, et
au point dejonctiou de la route avcc la <ligue, avait
été naturellement chargéde la tache la plusdifficile.
Un peu
a
droite étaíent les Italiens; tout
a
fait
tt
droitc, au village dcBleddin, lesWurtembergeois.
I~e
général l\forand, !'un des trois héros du
corps de Davoust, quand ce corps glorieux exis–
tait, avait fait ses dispositions avec une sagacíté
admirable. Il avait rangé ses quatre
a
cinq mille
Fran~ais
derriere la <ligue, oú ils étaient couverts
jusqu'a la tete comme derriere un parapct, et il
avait disposé
a
gauche, sur l'émincnce sablon–
neuse du chateau de 'Vartenbourg, toute son
artillerie. Il attendait ainsi, tel qu'un chasseur
a
l'affut, l'apparition des Prussiens.
lis déboucherent en effet le 5 octobre au mati n
par le pont jeté
a
Elster le 2, et s'avanccrent
bravement sur la route, sans prévoir le terrible
accueil qui leur étaitréservé. On les laissa venir,
et puis quand ils furent
a
tres-pet-itc portée de
fusil, un feu partant de tous les points de la diguc,
et embrassaot lem· colonne entiere, les assaillit
a
l'improvistc, et les décima cruellemcnt. Au
memc instant le
f
eu d'une nombreuse artillerie
vint s'ajouter
a
celui de la mousqueterie, et ils
furent rejetés en désordre sur le pont.
Ce n'était pas avcc les passions qui les ani–
maient, soldats et généraux, qu'ils pouvaient s'ar–
reter devant un tel obstacle. Jls revinrent a la
charge, et chaque fois accueillis de memc, ils
furent abattus en aussi grand nombre, sans pou–
voir seulement arrivcr
jusqu'~t
Ja digue. :Blucher
s'obstina, et ne réussit ainsi qu'a faire tuer une
quantité plus considérable de ses soldats. Jncom–
modé par le feu de l'artillerie établie sur notre
gauche, il imagina de la faire contre-battl'e par
une batteric placée sur l'autre coté de l'Elbe.
Notre artillerie ne se déconcerta point, tourna une
partie de ses pieces contre la batterie prussienne,
la réduisit au silence, et se remita tirer sur la
routc devenue bientót un vrai champ dccarnagc.
Ce combat avait duré cnviron quatre heures,
et pees de cinq mille ennemis joncliaient cctte
plaine marécageuse, lorsque le géneral Blucher
eut enfin l'idée de diriger sur notre droite une
attaque vigoureuse contre le village de Bleddin,
défendu par les Wurtembcrgeois. La colonnc
d'attaque ayant remonté le bord du fleuve
a
la
faveur de quelques bois, assaillit Bleddin avec
fureur, car c'était la seule routc qui put s'ouvrir
a l'armée de Silésie, et elle finit par l'enlever aux
Wurtembcrgeois qui n'étaient guere plus d·e deu?'–
mille. A cette vue le général Bertrand larn;a
la
brigade Hullot de la division Morand, sur le
flanc de la colonne ennemie. Cette brigade ren–
versa trois batailloos, les écrasa, mais arriva trop
tard pour sauver Bleddin, ou
déja
l'cnnemi avait
réussi
a
s'établir. Le général Hullot fut obligé de
revenir derriere !a <ligue, et de rejoindre la di–
vision Morand.
Sans cette dernierc al.taque
a
découvert, nos
perles n'auraient pas dépassé une centaine
d'hommes; maís cette sortie nous en c011ta deux
ou lrois cents. Les Wurtcmhcrgeois de Jeur cóté,
en défendant vaillamment Blcddin, en pcrdirent
un certain nombre. Toutefois nous n'eumes pas
plus de
oOO
hommes hors de combat, tandis que
l'ennemi en cut cinq ou six mille. Cette superbe
affaire, l'une des plus remarquables de nos lon–
gucs guerres, et qui faisait grand honneur aux
générau:i Bertrand, l\forand, Hullot, ne pouvait