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LIVRE
CINQUANTIEl\JE.
tant épmse ses troupes, porté meme une cer·
taine atteintc a son immense prestige. Seulement
il tenait sans cesse l'reil ouvert, pour n'etre pas
surpris, et pour tomber
a
temps sur Je téméraire
qui oserait le premier se risquer sur ses der–
rieres.
Le 22 septembre un concours de petits évé–
nements éveilla fortement son attention. Le
maréchal l\Iarmont accru de la cavalerie de
réserve du général Latour·Maubourg avait été
placé, comme on a vu, a Grosscnhayn, pour
protéger les convois de vivrcs qui remontaient
vers Dresdc, et les convois de blessés qui en
descendaient. Cette précaution avait réussi; un
chargement de farines était parvenu a Dresde,
et de nombreux blessés étaient arrivés saos
accidenta Torgau. Mais tout
a
coup la cavalerie
légere du général Chastel fut assaillie par la
grosse cavalerie du général Tauenzien, et vive–
ment ramenée. En meme temps le général Bulow
qui bombardait "Wittenherg,
fit
mine de jeter un
pont aux environs de cette place, et plus haut le
général russe Sacken, qui formait la droite de
Blucher en face du camp de Dresdc , opéra
divcrs mouvemen ts tres-apparents. Napoléon,
devinant aussitót le plan des coalisés, se figura
que toute cette agitation de Dresde
a
Witten–
berg cachait une tentative de Blucher pour se
porter sur le has Elbe, et
i1
se mit sur-le-charnp
en garde. Depuis ses dernieres marches sur
Kulm, pendant les journées des 1D, 16, 17 sep–
tembre, il était resté
a
l'affut, pret
a
se jeter par
le pont de Pirna sur la rive droite ou sur la rivc
gauche de l'Elbe, suivant qu'il y aurait un témé–
raire d'un cóté ou de l'autre. 11 quitta immédia–
tement son poste, vint
a
Dresde, et enjoignit
a
l\lacdonald d'exécuter avec ses trois corps une
reconnaissance a fond , de pousser
a
outrance
l'ennemi sur Harta, meme sur Bautzen, pour
savoir au juste si Blucher était la, ou n'y était
plus. Napoléon
fit
savoir
tl
Macdonald qu'il serait
lui-meme asa suite avec une portion de la garde,
pour agir vigoureusement contre l'armée de
Silésie, si toutefois elle était encore dans les
memes positions,
1
M. de Rluffiing, dans ses inléressanls nlémoi1·es, s'applau–
dit forl de cette fcinte, et croit que c'esl avec rl.1eurcuse idée
de celle lellre qu'on endormil la vigilancc de Napoléon.
11
esl
dans l'erreur, el la cor..espondance mililaire prouve que si
Napoléon fut trompé, dans la mesure d'aillenrs tres-restrcinle
ou il Je l'ut, e'est pnr la présence des trois corps de l'armée de
Silésie, qui le 22 et le 25 n'avnient pas quillé encore leur posi–
tion. C'est une nouveJle preuve de ce c¡u'il y a ele hnsards
a
la
guerre, puisqu'ua acle de haute prévoya nce de In par: <Ir
11 s'y rendit done de sa personne, et eette
reconnaissance de tous les corps
fran~ais
com–
posant l'armée de Macdonald, contre les divers
corps formant l'armée de Blucher, eommencée
le 22 septembre, continuée le 25 jusqu'a Bischofs·
werda, révéla la présence de Blucher avec les
memes forces dans les memes lieux. On ramassa
en effet des prisonniers appartenant aux trois
corps de Langeron, <l'York, de Sacken; Napoléon
en conclut qu'il s'était trop haté de preter a ses
ennemis des desseins audacieux, et en douta pres–
que pour les avoir supposés trop tót. Le général
Blucher employa une feinte inutile pour le trom–
per, ce
fut
d'envoyer aux avant-postes par un par–
lementaire, et pour son fils prisoonier, une lettre
signée de lui, et datée de Bischofswerda
1 •
Il
espéra ainsi persuader encore mieux a Napoléon
que ríen n'était changé dans les dispositions des
coalisés, et que ríen ne changerait. Ce ne fut pas
cette lettre,
a
laquelle on n'attacha aucune
importance, mais une circonstance plus sérieuse,
la présence
á
Bischofswerda des trois corps com·
posant l'armée de Silésie, qui, sans abuser Napo–
léon, sans l'empecher de croire au plan qu'il
avait sitót deviné, le disposa seulement a en
regarder I'exécution comme moins prochaine
qu'clle ne l'était effectivement. Trouvant en–
core Blucher devant lui les 22 et 25 septembre,
Napoléon n'en conclut pas qu'il y res'lerait
toujours, mais qu'il en partirait moins pro–
chainement, et
n
fit
des dispositions moins
promptes, quoique tout aussi justes, qu'il ne
les aurait faites autrement. Ainsi il résolut de
resserrer encore davantage sa position, et de ne
plus laisser devant Dresde que le seul 11
e
corps,
celui que le maréchal l\facdonald avait tou–
jours commandé directement, et de satisfaire,
ce maréchal en le c;léchargeant du comman–
dement des 5c, 5e et
se.
Il envoya le 5• (ce–
lui du général Souham)
l1
Meissen, petite ville
située sur l'Elhe, au-dcssous de Dresde.
JI
ra–
mena Marmon t avec le 6°corps, Latour-1\faubourg
avec la grosse cavalerie, de Grossenhayn
a
ce
meme point de l\feissen' pour qu'ils fussent
plus
a
portée de secourir Ney, en cas d'une ten-
Napoléon amena, comme on le vel'l'a bienlót, le résultaL qu'au–
rnit pu avoir l'imprévoyance elle-mcme. Ce n'est pas un motif
d'cstimer et de pratique1· moins la ''igilancc, muis c'en est un,
tout en redoublant de soins et de zelc, de se dire qu'il y a
1011-
jours une Providencc supérienre qui déjoue parfois les calculs
les plns profonds, et ele cherche1· mcme dans des misons plus
hnules, clans la jusi.ice
011
l'injustice de la cause qu'on défend,
le secrel de l'insueccs du génie,
a
l'inslan t méme oü il déploie
ses plus grandes fncult és.