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226

LIVRE

CINQUANTIEl\JE.

tant épmse ses troupes, porté meme une cer·

taine atteintc a son immense prestige. Seulement

il tenait sans cesse l'reil ouvert, pour n'etre pas

surpris, et pour tomber

a

temps sur Je téméraire

qui oserait le premier se risquer sur ses der–

rieres.

Le 22 septembre un concours de petits évé–

nements éveilla fortement son attention. Le

maréchal l\Iarmont accru de la cavalerie de

réserve du général Latour·Maubourg avait été

placé, comme on a vu, a Grosscnhayn, pour

protéger les convois de vivrcs qui remontaient

vers Dresdc, et les convois de blessés qui en

descendaient. Cette précaution avait réussi; un

chargement de farines était parvenu a Dresde,

et de nombreux blessés étaient arrivés saos

accidenta Torgau. Mais tout

a

coup la cavalerie

légere du général Chastel fut assaillie par la

grosse cavalerie du général Tauenzien, et vive–

ment ramenée. En meme temps le général Bulow

qui bombardait "Wittenherg,

fit

mine de jeter un

pont aux environs de cette place, et plus haut le

général russe Sacken, qui formait la droite de

Blucher en face du camp de Dresdc , opéra

divcrs mouvemen ts tres-apparents. Napoléon,

devinant aussitót le plan des coalisés, se figura

que toute cette agitation de Dresde

a

Witten–

berg cachait une tentative de Blucher pour se

porter sur le has Elbe, et

i1

se mit sur-le-charnp

en garde. Depuis ses dernieres marches sur

Kulm, pendant les journées des 1D, 16, 17 sep–

tembre, il était resté

a

l'affut, pret

a

se jeter par

le pont de Pirna sur la rive droite ou sur la rivc

gauche de l'Elbe, suivant qu'il y aurait un témé–

raire d'un cóté ou de l'autre. 11 quitta immédia–

tement son poste, vint

a

Dresde, et enjoignit

a

l\lacdonald d'exécuter avec ses trois corps une

reconnaissance a fond , de pousser

a

outrance

l'ennemi sur Harta, meme sur Bautzen, pour

savoir au juste si Blucher était la, ou n'y était

plus. Napoléon

fit

savoir

tl

Macdonald qu'il serait

lui-meme asa suite avec une portion de la garde,

pour agir vigoureusement contre l'armée de

Silésie, si toutefois elle était encore dans les

memes positions,

1

M. de Rluffiing, dans ses inléressanls nlémoi1·es, s'applau–

dit forl de cette fcinte, et croit que c'esl avec rl.1eurcuse idée

de celle lellre qu'on endormil la vigilancc de Napoléon.

11

esl

dans l'erreur, el la cor..espondance mililaire prouve que si

Napoléon fut trompé, dans la mesure d'aillenrs tres-restrcinle

ou il Je l'ut, e'est pnr la présence des trois corps de l'armée de

Silésie, qui le 22 et le 25 n'avnient pas quillé encore leur posi–

tion. C'est une nouveJle preuve de ce c¡u'il y a ele hnsards

a

la

guerre, puisqu'ua acle de haute prévoya nce de In par: <Ir

11 s'y rendit done de sa personne, et eette

reconnaissance de tous les corps

fran~ais

com–

posant l'armée de Macdonald, contre les divers

corps formant l'armée de Blucher, eommencée

le 22 septembre, continuée le 25 jusqu'a Bischofs·

werda, révéla la présence de Blucher avec les

memes forces dans les memes lieux. On ramassa

en effet des prisonniers appartenant aux trois

corps de Langeron, <l'York, de Sacken; Napoléon

en conclut qu'il s'était trop haté de preter a ses

ennemis des desseins audacieux, et en douta pres–

que pour les avoir supposés trop tót. Le général

Blucher employa une feinte inutile pour le trom–

per, ce

fut

d'envoyer aux avant-postes par un par–

lementaire, et pour son fils prisoonier, une lettre

signée de lui, et datée de Bischofswerda

1 •

Il

espéra ainsi persuader encore mieux a Napoléon

que ríen n'était changé dans les dispositions des

coalisés, et que ríen ne changerait. Ce ne fut pas

cette lettre,

a

laquelle on n'attacha aucune

importance, mais une circonstance plus sérieuse,

la présence

á

Bischofswerda des trois corps com·

posant l'armée de Silésie, qui, sans abuser Napo–

léon, sans l'empecher de croire au plan qu'il

avait sitót deviné, le disposa seulement a en

regarder I'exécution comme moins prochaine

qu'clle ne l'était effectivement. Trouvant en–

core Blucher devant lui les 22 et 25 septembre,

Napoléon n'en conclut pas qu'il y res'lerait

toujours, mais qu'il en partirait moins pro–

chainement, et

n

fit

des dispositions moins

promptes, quoique tout aussi justes, qu'il ne

les aurait faites autrement. Ainsi il résolut de

resserrer encore davantage sa position, et de ne

plus laisser devant Dresde que le seul 11

e

corps,

celui que le maréchal l\facdonald avait tou–

jours commandé directement, et de satisfaire,

ce maréchal en le c;léchargeant du comman–

dement des 5c, 5e et

se.

Il envoya le 5• (ce–

lui du général Souham)

l1

Meissen, petite ville

située sur l'Elhe, au-dcssous de Dresde.

JI

ra–

mena Marmon t avec le 6°corps, Latour-1\faubourg

avec la grosse cavalerie, de Grossenhayn

a

ce

meme point de l\feissen' pour qu'ils fussent

plus

a

portée de secourir Ney, en cas d'une ten-

Napoléon amena, comme on le vel'l'a bienlót, le résultaL qu'au–

rnit pu avoir l'imprévoyance elle-mcme. Ce n'est pas un motif

d'cstimer et de pratique1· moins la ''igilancc, muis c'en est un,

tout en redoublant de soins et de zelc, de se dire qu'il y a

1011-

jours une Providencc supérienre qui déjoue parfois les calculs

les plns profonds, et ele cherche1· mcme dans des misons plus

hnules, clans la jusi.ice

011

l'injustice de la cause qu'on défend,

le secrel de l'insueccs du génie,

a

l'inslan t méme oü il déploie

ses plus grandes fncult és.