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LIVRE CJNQUANTIEME.
posait bien de ne plus user les jambes de ses
soldats, et qui lui permettrait de gagner l'hiver
saín et sauf, ou une entreprise considérable sur
ses derrieres, partant de la Boheme ou de l'Elbe
inférieur, qui entrainerait
u.nebataille décisive.
C'est cette derniere chance dont il se flattait le
plus, et qui efiectivement était le plus pres de
se réaliser, mais dans des conditions qui n'étaicnt
pas celles qu'il avait toujours espérées.
En effet, Íes coalisés étaient résolus
a
terminer
la campagne par une rencontre directe avec Na–
poléon. Leur tactique consistant
a
l'éviter, pour
tornber sur ses lieutenants, ne pouvait pas etre
éternelle, et elle avait déja suffi pour le réduire
a
une telle infériorité de forces , qu'ils étaient
dans la proportion de deux, et allaient etre bien–
tót dans celle de trois contre un. Mais
il
fallait
en venir enfin au moment, désiré et redouté tout
a
la fois, de se jeter en masse sur Jui pour l'acca–
hler. Le désirer était simple, surtout l:;t saison
commern;ant
a
s'avancer; l'cxécuter ne l'était pas
autant. La grande armée de Boheme, de beau–
coup Ja plus forte et la mieux composée, prcsquc
remise depuis Kulm de la secousse essuyée sous
les murs de Dresde, influencée en outre par la
préscnce de souverains impatients d'arriver
a
un
résultat, était disposée
a
tenter une nouvelle
descente de Boheme en Saxe sur les derrieres de
Napoléon, mais pas aussi pres, et elle revenait
a
l'idée premicre de se porter par Commolau et
Chemnitz sur Leipzig. Les nombreux partisans
Jancés sous Thielmann et sous Platow, entre
l'Elster et la Saale, étaicnt comme les avant–
coureurs dcstinés
a
lui fraycr la route. Toute–
fois, avant d'essaycr une si vaste eutreprise, qui
allait amener un duel
a
mort avec Napoléon,
elle aurait souhaité que deux des trois armées
actives marchassent réunies, celles de Silésie et
de Boherne par exemple. Pour cela elle aurait
voulu que l'armée russe de réservc, depuis long–
temps préparée en Pologne sous le général
Benningsen, et actuellement rendue
a
Breslau,
viot preodre la place de Blucher devant Dresde,
que eelui-ci, profitant de l'occasion pour se dé–
rober, allat par Zittau opérer sa jonction en
Boheme avec l'armée de Schwarzenberg, et que
tous ensemble ils marchassent sur Leipzig.
A
cette condition sculemcnt le grand état-major
des trois sou·verains osait concevoir l'idée de
risquer une scconue bataillc de Dresde, non pas
a
Dresde, mais
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Leipzig.
·Ce n'était pas, on le pense bien, aupres de
Blu cher et ele ses amis que devait fermcnter
avcc moins de force la pensée de faire ahoutir la
campagne actuelle
a
un résultat prochain et
décisif. Blucher et ses officiers, tout fiers d'avoir
ramené les Franc;ais du Bober sur l'Elbe, bru–
Jaient du désir d'arriver a un dénoument, et ils
étaient prets
a
tout braver pour
y
parvenir. Des
les premiers ,jours de septembre, Blucher avait
envoyé en Boheme un personnage de confiance,
pour sonder les officiers prussiens qui entouraient
le roí, et susciter chcz eux l'idée d'une grande
opération sur les derrieres de Napoléon. Cet
émissaire les avait trouvés fort disposés a en
finir, remplis toutefois de l'idée que nous avons
e:xposée, et consistant
a
transporter Blucher lui–
rnerne en Boheme pour descendre sur Leipzig.
avec les deux armées de Boheme et de Silésie
réunies . Mais Blucher et ses amis du
Tugend–
Bimcl
dont il était entouré, avaient trop le gout
de l'indépendance pour se placer volontiers sous
l'autorité directe de l'état-major des souverains.
I!s avaicnt toutefois pour résister
a
ce qu'on leur
proposait des raisons meilleures que leur gout
d'indépendance.
JI
était difficile en effet que
l'armée de Silésie parvint
a
dérober assez com–
plétementsa marche
a
Napoléon, pour qu'elle put
remonter en Bobeme, traverser les montagnes,
et en longer
le
pied jusqu'a Treplitz, sans attirer
sur elle quelque coup redoutable. Cependant
comme il fallait tót ou tard que Blucher, s'il ne
voulait pas se morfondre inutilement devant
Dresde, exécutat une manamvre hardie ou sur le
has Elbe ou sur le baut, la raison alléguée n'était
pas saos réplique. L'état-majordeSilésie en donna
une encore plus forte, et
a
laquelle
il
était diffi–
cile de répondre. Les nouvelles qu'on avait de l'ar–
mée du Nord étaientdesmoinssatisfaisantes. Les
généraux russes et prussicns, mais surtou t les
prussiens, placés sous le prince de Suede, se
plaignaient de son inaction pendant les batailles
de Gross-Beercn et de Dennewitz. Ils l'accusaient
formellement ou d'une prudence approchant de
Ja faiblessc, ou d'une infidélité approcbant de
la trahison. Ils soutenaient que daos ces deux
circonstances
il
avait tout la issé faire aux géné–
raux prussiens, que les sachant dans !'embarras
il
s'était pcu
ha.téde les en tirer, qu'ayant pu
détruire J'armée frarn;aise,
iJ
ne J'avait pas voulu,
ou pas osé. Cette dcrniere supposition était Ja
vra ie. Il n'avait risqué qu'en tremblant sa fausse
renommée, et son excessive prudence avait
ainsi
fait
mettre en doute son énergie militaire
ou sa Jqyauté. En ce moment encore, n'ayant
devant Iui que Ney, récluit
a
56 mille hommes,