PÉROU ET BOLIVIE.
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parait justifier l'assertion d'Acosta;
c'est pourquoi nous nous bornons a
en prendre note.
Malgré son penchant au panégyri–
que, Garcilasso avoue que Yahuar–
huacac, successeur d'Inca Roca , fut
un prínce efféminé et tout
il
fait de–
pourvu des qualités qui font les granrls
capítaines. Toutefois cet historien dé–
guise la pusillanimité de son ancetre
sous le nom de oienveíllance et d'a–
mour ínaltérable pour la paix. Mal–
heureusement l'Inca avaít un fils dont
la turbulence et le caractere impé–
tueux contrastaient avec le calme de
son pere. La conduite. du jeune prince
fut telle, que le roi se vit obligé de
l'exiler
il
quelques lieues de sa capi–
tale et de le réduire a garder les trou–
peaux
~u
soleil. Pendant trois ans,
l'héritier présomptif du trone se ré–
signa
a
cette humiliante condition'
roulant dans sa tete des projets de
vengeance et de larges compensations
au role indigne que luí imposait la co–
lere paternelle.
Un jour, on vient annoncer a !'Inca
que les provinces de Chincasuf U et de
Charcas se sont révoltées, ont ma.ssa–
cré leurs gouverneurs et envoient con–
tre Cuzco une armée de 40,000 hom–
mes. A cette nouvelle, le faible mo–
narque est saisi d'épouvante et se hate
d'abandonner sa capitale. Dans cette
~ituation
critique, les habitants tien–
nent conseil, et se décident a implo–
rer l'appui de Viracocha , le prince
exilé. Viracocha reparait, rallie au–
tour de luí tous les citoyens en état de
porter les armes, et
marche~
l'ennemi,
au lieu de l'attendre dans les murs de
Cuzco.
Apres avoir pris une position avan–
tageuse et qui le mettait
a
l'abri d'une
défaite décisive, le jeune prince, dont
l'armée avait été renforcée par un
corps de Quichuas, ennemis implaca–
bles des Charcas , envoya
a
ces der–
niers des propositions de paix, d'am–
nistie et d'alliance; mais les insurgés
rejeterent ces offres d'accommode–
ment et s'avancerent jusqu'a une demi–
lieue du camp impérial. Le lendemain,
au point du jour, la lutte
s'enga~ea
opinifitre et sanglante. Viracocha figu–
rait au premier rang et animait le cou–
rage de ses compagnons. Apres une
bataille qui coOta la vie a des milliers
de combattants, la victoire se déclara
en faveur des Péruviens. Les princi–
paux chefs des insurgés étaient restés
au pouvoir des vainqueurs ; mais Vi–
racocha , usant de modération , leur
accorda la vie et la liberté. Tout le
pays des Charcas se soumit immédia–
tement a l'autoríté des maitres de
Cuzco.
Soit que les penchants de Viracocha
.se fussent modifiés sous l'intluence de
l'exH et de la solítude, soit que le
prestige dont l'environnait son récent
triomphe eüt fait oublier sa conduite
passée,
il
fut considéré par le peuple
péruvien comme seul digne d'exercer
le pouvoir supreme: Profitant de ces
dispositions favorables, Viracocha dé–
clara son pere déchu de l'autorité sou–
veraine et s'empara du trone. L'lnca
découronné passa le reste de ses jours
dan.s l'oubli et l'isolement. 11 mourut
dans un age avancé, sans etre regretté
de personne.
Nous ne savons jusqu'a que! point
on doit ajouter foi aux historiens qui
disent qu'il
pe~ne
maitre de la toute–
puissance, Viracocha,
toujours do–
miné par son orgueil, fit faire un ta–
bleau qui représentait sa victoire et la
fuite honteuse de son pere. Qu'était·ce
que ce tableau? C'est ce qu'on ne dit
pas, et c'est ce qu'il serait intéres–
sant de savoir, pour etre fixé sor l'é–
tat des arts péruviens dans les pre–
miers temps de la dynastie. des Incas.
Un des premiers actes de Viracocha'
fut de récompenser tous les guerriers
qoi avaient pris les armes avec luí
contre les insurgés. 11 visita ensuite
ses provinces et
y
fit des reglements
conformes aux traditions et au génie
de chacune d'elles. Cédant a l'esprit de
conqu~te
9ui avait animé quelques-uns
de ses predécesseurs, il leva une
ar~
mée de 30,000 hommes et tenta plu–
sieurs expéditions; les vastes terri–
toires de Corauca, d'Ullara , de Llipi
et de Chica, furent bientot réunis a
l'empire. A cette époque , les fron-