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LETTRES
sieurs abimes' cotoyer des précipices, et pour comhle
d'infortune, nous fi1mes surpris d'une assez grosse
pluie, au milieu de l'horreur de
1a
nuit. Nous étions
alors sur un rocher, ou nous courions risque d'etre
dévorés par les tigres et par les ours. Pour nous mettre
a
l'abri de ce danger' il falloit chercher une re traite;
rtous en découvr1mes une au clair de la lune. C'étoit
fine étable mal couverte,
ou
il pleuvoit presque par–
tout. La ressemblance de cette éta1le avec la creche
de Jésus-Christ nous fournit de consolantes ré–
flexions, et nous en rendit les incommodités plus
suppo1·tables.
J_.e lendemain
a
la
pointe du jour, nOUj
aper~umes
1m
col'lvent qui couronnoit la tete d'une ll.aute mon–
tagn€, que nous voyions
cf
assez loin. Nous n'avions
point d'autre parti
a
prendre que de tourner nos pas
vers ce monastere: c'étoit le seuJ lieu habité qui se
présentat:
a
nos T')'gards. Pour y arriver' il falloit
percer au hasard des buissons et das broussailles,
sans aucun chemin frayé; nous nous y déterminamcs,
et apres bien des peines et des fatigues, nous trou–
vames enfin le moyen de nous ouvrir une route. En
sortant de cette petite foret d'épines et d'arbrisseaux,
nous nous trouvames assez pres d'une grosse mé–
tairie qui étoit isolée au milieu d'un désert afl'.reux ;
nous nous y pré'sentames: mais quel fut notre éton–
nement, lorsque nous reconnúmes dans le maitre de
la rnaison celui-Ia meme qui' quelques jours aupa–
ravant, nous avoit
faü
tant d'instances pour uous
engager
a
venir exercer chez lui notre ministere
!
il ne parut pas moins surpris que moi ; transporté
de joie, il me res;ut comme un ange
~escendu
tlu
ciel pour le sauver lui et toute sa famille. Des qu'il
m~
vit, il se prosterna
a
mes pieds. Je le relevai et
r
emhrassai.
Que pensez-vous de cette aventure , mon révé–
rend pere? le hasard seul
y
auroit-il :eart? Je ne