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LETTRES
ment les voies du Seigneur , de laisser au grain de
la
parole le temps de germer, et j'étois résolu de ne
recueillir qu'a mon retour. Selon moi, cette maniere
est la meilleure, quand elle est praticable. La mé–
tnode de ceux qui, en arrivant dans une mission,
confessent indifieremment tout ce qui se présente,
me paroit sujette
a
bien des inconvéniens, et souvent
la
précipitation gate l'ouvrage.
Je ne me trompois pas quand je m'imaginois qu'on
avoit été touché de mes sermons: j'en eus quatre
heures apres une preuve bien consolante et hif'n
sensible. A une petite lieue de cette bourgade, je
rencontrai un de mes auditeurs sur une moutagne
fort roide,
a
la pointe de laquclle
~stbati
un couvent
de religieuses de saint Antoine. Il crut que j'allois
encore precher dans ce monastere; étonné plutót,
j~
pense, de mes travaux , que touché de la véhé–
mence de mes discours , il leva les yeux au ciel , et
s'écria d'un air pénétré : Ah! Seigneur, si nous
avions dans notre pays deux ou trois missionuaires
comme celui-la, nous
s~rions
tous des saints. Ce
bon humme marquoit assez par-la , ce que la parole
de Dieu avoit opéré dans son creur , et la counois–
sance qu'il avoit du besoin ou nous sommes de bons
ouvriers' pour travailler avec succes
a
établir la
piété dans .ces lieux. Ces applaudissemens, que la
nai"veté rendoit estimables, me flatterent moins qu'ils
ne m'encourngerent, et je ne songeai plus qu'a me
rendre digne des succes dont le Ciel sembloit vou-
oir hien couronner ma· mission.
Avant d'arriver dans le village le plus proche, j'eus
t'me autre rencontre, dont je découvris dans la suite
le mystere, et ou je vis briller un de ces traits sin–
guliers de la providence de notre Dieu sur
s~s
élus.
Je trouvai sur mon chemin un pere de farnille, qui,
me reconuoissant pour le missiounaire de ce canton,
m'aborda respectueusement, et me pria, les !armes