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LETTRES
soit , se retiroient toujours contens. Cene aimable
vertu lui avoit attiré la confiance non-seulement des
particuliers , mais du corps des différeutcs natious
et des éveques.
Au reste, sa douceur étoit une douceur éclairée;
el la supériorité de ses lumieres ,
la
sagesse. ele s s
conseils lui avoient acquis une si grande autorité
dans la ville d'Alep , qu'on u'osoit rieu entreprPndre
de considérable sans le consulter , · et que son sen–
timent l'emportoit ordinairement sur celui de tous
les autres.
Pendant le cours de sa derniere maladie, jamais
on ne remarqua en lui aucun mouvement indélihéré
de trouble ou d'impatience. Attaché sur le lit de
douleurs , il conserva toujours une égalité <!'ame
admirahle , et la douce séréuité qui se répandoit
jusque sur son visage édifioit tous ceux qui le visi–
toient, et qui venoient luí demander sa bénédiction
et se recommander
a
ses prieres. On l'entendoit
:souvent s'écrier : Ah
!
le bon Maitre , que le Dieu
que nous servons
!
Touché d'un si consolant spec–
tacle, chacun disoit en sortant:
C'est un saínt.
Des qu'il eut expiré , il se
fit
chez nous un si grand
concours de peuple , qu'on fut obligé d' enfermer le
corps dans trne chambre , et de faire venir des janis–
saires pour écarter la foule , et empécher le désor<lre.
Son enterrement eut plus l'air d'un triomphe, que
d'une pompe funebre. Tout ce qu'il
y
a de plus
él.istingué parmi les catholiques, est venu nous faire
descomplimens de condoléance, et méle1· leurs larmes
aux nótres : nous perdons plus que vous
, nous di–
soie~1t-ils
obligeamment; c'est un frere q.ue vous
perdez , et nous , nous pe ons un pere.
J_.e pere Fromage avoit le talent <l'élever les ames
jusqu'~
la plus haute perfection , et nous recannois–
sons, parmi cent autres, les disciples qu'il a formés
de sa main. Sa
mémoire
sera long-ternps en
béué-