ÉDIFIANTES ET CURIEUSES.
399
connu de personne, je fus le spectateur tranquille de
ces empressemens, et je ne pouvois faire qu'un per–
sonnage nmet. Je n'avois point de d1ner
a
com–
mander, et il me restoit eucore quelques biscuits
dans mon sac. Je ne songeois qu'a me délasser, et
qu'a
considérer la situation d es lieux, lorsque des
gens s'approcherent de moi, me saluerent respec–
tueusement, et me baiserent la main; c'étoient des
clu;étiens Maronites, qui reconnurent apparemment
a
mon habillement que j'étois pretre. Je les laissai
faire, et quand ils virent que je ne me défendois
point, ils vinrent en foule faire la meme cérémonie;
. et me donnerent en présence des Turcs cette marque
de leur respect. I ..e curé vint lui-mfane; mais comme
il étoit mon collegue dans le sacerdoce , il ne ,me
baisa point la main. 11 me pria de le suivre , et il
me conduisit dans sa maison : il me donna
a
d1ner.
On servit des reufs brouillés, et e'étoit tout, mais
c'étoit heaucoup pour moi. Apres le d1ner il tne
montra son église. Des que j'y fus entré, tous les
Maronites du voisinage me suivirent;
ils
vouloient
vdir un pretre Franc. Je chantai tout haut les
v~pres
et les complies de la Toussaint, et matines et laudes
pourle jour suivant. On me tiht toujours compagnie;
si l'on m'avoit laissé seul,
j'
aurois cessé de chanter,
et l'on ne m'abandonnoit point, parce que je chantois
toujours. Le chant de l'église romaine qu'ils n'avoient
jamais entendu, avoit sans doute pour eux des agré–
mens; il avoit du moins celui de la· nouveauté.
Si je vous faisois la description de cette tglise,
mon révérend pere, votre zele pour l'ornement de
la maison du Seigneur vous feroit verser bien eles
larmes. C'étoit une étable; non ce n'étoit pas uee
-étahle, e'étoit quelque chose eneore de plus indécent.
Tout l'édifice consistoit en un petit carré que for-.
moient quatre murailles qui portoient qu.atre soli–
.v.eaux,
sur lesquels on avoit IJlis des fagots de bois