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398

J.J

E T T R E

S

Soliman, mo]1. inc0mparable Soliman, seul confl–

dcnt de mes besoins et de mou iudigence, m'ap–

porta deux petils oiseaux grillés sur la braise ; les

chasseurs de notre caravaue lts lui avoient donnés.

J'en pris un, et je lui laissai l'autre; il y joignit un

hassin rempli d'un riz si solide, que la cuiller ponvoit

a

peine

y

entrer' et par malheur nous n'en avions

qu'une. Il n'étoit point

la

question de répugnances,

j'étois fait aux fac;:ons du pays; nous nous en srr–

vimes alternativement; il

commen~a

a

manger

le

premier , en me disarlt : mange , cela est bon, ne

crains rien. Nous bl'imes, daus la memc cruche, de

l'eau tant que nous voulúmes, sans frais et sans

scandale; je dis dans la meme cruche, en France

ce seroit incivil d'en user ainsi, et parmi eux ce seroit

n'~tre

pas homme d'en user autrement: ils affectent

une parfaite égalité. Dans notre route j'ai vu des

escla es Mores manger

a

la table de leurs ma1tres,

et choisir ce qui étoit de leur gotl.t. Tout cela est

contrc la politesse franc;:aise; mais ils prétendent eux

que cela est selon les lois de la nature et de l'hu–

man ité. Voici le príncipe d'ou ils partent: nous

sommes tous hommes, disent-ils, et par conséquent

tous égaux dans notre origine : un homme ne doit

avoir aucuue répugnance pour un autre homme. On

pourroit leur répoudre que cela est selon les lois

de la nature, mais non pas de la nature civilisée et

perfectionnée par l'éducation: ils n'entendent point

tous ces raisonnemens' et ils se moquent des regles

austeres et genantes de notre politesse.

De

Ja

nous arrivames a't1x portes d'une ville, et

nous n'y entrames point. Tous les habitans sortirent

en foule, les uns par curiosité , pour voir de nou–

veaux visages,

les autres. par inclination, pour

trouver des gens de counoissance. Les Turcs cher–

choient des Turcs, les Grccs cherchoient des Grecs,

et les

Cathol~ques

des Cadwliques. Comme

ie

n'étois