ltDIFIANTES ET CURlEUSES.
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m'avoit
mé11a.gé,je me crus riche, et des le len–
demain je cornptois en faire part a mon charitahle
-Soliman. J'avois mangé de ses oiseaux, il étoit bien
juste qu'il mangcat de
me~
poules. Avant l'heure du
d1ner je versai du vin dans ma tasse, et pour y mettre
de l'eau, je pris la cruchc de mon voisin le Turc au
café; il me laissa faire' et alla la laver
a
la fontaine;
il la croyoit immonde, parce qu'il en étoit tombé de
l'eau dans
du'
viu. Je ne fis pas d'abord rétlexion a
sa superstition; et des qu'il l'eut rapportée, je recom–
mengai; il se leva et recommens;a la meme céré–
monie; enfin je dévoilai le mysLere, et je ne voulus
plus lui donner la meme peiue. Soliman arriva, je
lui contai ma petite disgrace, et je le priai de
me
mener dans quelqne endroit séparé oú nous pussions
d'iner ensemble. Il ne demandoi.t pas mieux; il me
m~na
dans tln petit bocage oÚ· il but joliment
de'
mon vin, parce que les feuilJages le cachoient; d'ail–
leurs il étoit du pays des Druses, et les Druses sont
regardés comme des hérétiques par les Musulmans.
Tout alloit bien jusque-la, mais bientót mon Turc
superstitieux me
fit
encore une chicaue qui pensa
me susciter une mauvaise affaire. Sur le soir j'avois
soif' et je voulois boire de l'eau fra1che. J ' allai
a
la
fontaine; il venoit d'y remplir sa cruche; des qu'il
me vit puiser avec ma tasse, il se mit
a
crier de tou tes
ses forces;
ía allha
!
(o
Dieu
! )
A son embarras,
a
ses gestes' a ses cris '
a
ses plaintes' je sentis bien
que je transg1·essois quelque loi : mais je le laissai
crier, et je me hatai de hoire, parce que j'avois soif.
Sur ces entrefaites arrivoient d'autres Turcs. Gardez–
vous bien,
letlr
<lit mon dévot, de prendre de celte
u, ce Chrétien en a puisé a.vec son fiughen avec
lequel il a coutume de boire du vin; la fontaine est
immonde. Ils se moquerent de lui en lui disanL:
d ld na.fra
(sur son ame, sur sa conscience ) ; et moi
j~
répondis,
nadm d Id ndfii
_,
oui , stu mon ame,
T. J.
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