EDIFIANTES ET CURIEUSES.
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visions pendant douze jours de marche que douze
reufs durs, quelques bi,scuits, quelques nQix, et la
moitié d'un fromage; ils n'eurent point .égard
a
mes
représentations, et ils me menacerent avec leur fusil
et Ieur sangart. J'aimai mieux jei'mer un p<"u davan–
tage pendant la route, que d'etre poignardé; je leur
donnai quelque chose, et ils se contenterent de peu.
Quand il fallut se coucher, je
fis
choix pour la
place de mon lit d'un rebord de muraille, sur lcqnel
j"'étendis une méchante paillasse, ou plutót un de
ces paillassons qu'on met sous la charge des rnulets.,
de peur qn'ils ne se hlessent. La place u'étoit pas
trop bonne, elle me
fot
cependant enviée et disputée.
Un Turc y vint déposer ses armes, et me dit qu'il la
retenoit, parce qu'elle étoit la
p~us
commode et la.
plus agréable. L'unique commodité que j'y trouvois,
c'est qu'on y voyoit
la
mer, la ]une et les étoilcs.
J'avois de la p eine
a
cédcr' et comme je défendois
le terrain, Soliman mon conducteur accourut au son
de ma voix; apres m'avoir gracieusé et fait mille
honnetetés, il se to urna du cóté de ce Turc,
il
prit
un ton de ma1tre, et lui <lit qu'il me counoissoitl>
que j'aurois ceue place, parce que
j'
étois un docteur
de ma loi, et un docteur Franc. Ce mot de docteur
étourdit mon adversaire , qui se retira. Vous voyez,
~on
révérend pere, que cette honorable qualité ,
dont certaines gens font si peu de cas, n'est
p~
toujours inutile.
Le lendemain au soir ce fut encore une nouvelle
scene. Nous étions campés d.ans une prairie quin'étoit
séparée du cirnetiere des Turcs que par un grand
chemin.
Je
crus que je trouverois da:ns ce cimetiere
un lit>u convenable pour me concher.
A
l'entrée
de
la
nuit je prisma ckpote; c'est une espece de surtout
dont se servent les voyageurs sur mer et sur terre,
comme on se sert aujourd'hui en France de reqin–
gote, et qui
ne difft!re
en
rieJLde la
robe
<l'nn
~a¡mcin,